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04/06/2021 | FRANCE | N°19VE01153

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 04 juin 2021, 19VE01153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... D... et Mme G... C... D... ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Sevran à leur verser la somme de 356 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de la délivrance par le maire de la commune de Sevran à la SCI Sevran-Gelot d'un permis de construire du 18 juillet 2014 et d'un permis de construire modificatif du 7 avril 2015 pour la construction d'un ensemble immobilier situé 10-12 boulevard Lucien-Gelot et de mettre à la cha

rge de cette commune la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... D... et Mme G... C... D... ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Sevran à leur verser la somme de 356 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de la délivrance par le maire de la commune de Sevran à la SCI Sevran-Gelot d'un permis de construire du 18 juillet 2014 et d'un permis de construire modificatif du 7 avril 2015 pour la construction d'un ensemble immobilier situé 10-12 boulevard Lucien-Gelot et de mettre à la charge de cette commune la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1708280 du 31 janvier 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné la commune de Sevran à verser à M. et Mme C... D... la somme de 7 000 euros en réparation des préjudices nés de l'illégalité des permis de construire délivrés à la SCI Sevran-Gelot, ainsi que la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 1er avril 2019 et le 19 novembre 2020, M. et Mme C... D..., représentés par Me E..., avocat, demandent à la Cour :

1° de réformer ce jugement en tant qu'il a écarté les moyens tirés de la violation des articles UEV 7.2.1 et UEV 9.1 du règlement du plan local d'urbanisme et qu'il a limité la réparation de leurs préjudices à une indemnité de 7 000 euros ;

2° de désigner un expert avec pour mission, notamment, de décrire et évaluer les troubles de jouissances et les préjudices qu'ils ont subis ;

3° de condamner la commune de Sevran à leur verser la somme de 180 000 euros au titre des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant de la délivrance du permis de construire du 18 juillet 2014 et du permis de construire modificatif du 7 avril 2015.

4°) de mettre à la charge de la commune de Sevran le versement de la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la construction autorisée par les permis litigieux méconnaît les articles UEV 9.1 et UM 9.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ; la rétrocession d'une partie de la parcelle CD15 le 17 décembre 2014 n'a servi qu'à permettre le dépôt du permis de construire initial ; le permis de construire modificatif aurait dû prendre en compte l'assiette réduite de calcul de l'emprise ; la surface des balcons n'a pas été prise en compte ;

- elle méconnaît l'article UEV 7.2.1 du règlement du PLU dès lors que la distance de séparation de six mètres n'a pas été calculée en tenant compte des balcons et que cette distance aurait dû être au moins de 7,34 mètres ;

- les motifs du jugement attaqué et les difficultés d'appréciation des troubles subis par les requérants justifient la désignation d'un expert ;

- les requérants justifient d'un préjudice économique à hauteur de 140 000 euros en raison de la perte de valeur vénale de leur maison ;

- ils justifient de troubles dans leurs conditions d'existence à hauteur de 20 000 euros ;

- ils justifient de leur préjudice moral à hauteur de 20 000 euros en raison des démarches administratives qu'ils ont entreprises et de l'altération de l'état de santé de Mme C... D....

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me E... pour M. et Mme C... D... et de Me A... pour la commune de Sevran.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... D..., propriétaires de la parcelle cadastrée section CD 19, voisine du terrain d'assiette, relèvent appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a fixé à 7 000 euros le montant des préjudices résultant de l'illégalité du permis de construire n° PC 93071 13 C0070 délivré par le maire de la commune de Sevran à la SCI Sevran-Gelot le 18 juillet 2014 et du permis modificatif n° PC 93071 13 C0070 M02 accordé par la même autorité à la même société le 7 avril 2015.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne les moyens écartés et les illégalités fautives de la commune :

2. Aux termes de l'article UEV 9.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Sevran : " L'emprise au sol des constructions toutes annexes comprises ne peut excéder 60% de la superficie du terrain (...). ". Selon le lexique du règlement de ce PLU : " L'emprise au sol des constructions correspond à leur projection verticale au sol prise au nu des façades. ".

3. En l'espèce, il est constant que la superficie du terrain d'assiette est de 1 642 m², que l'emprise au sol de la construction initialement autorisée en zone UEV s'élève à 815 m² après ajout d'une superficie de 60 m² au titre d'un local à vélo et retranchement d'une superficie de 60 m² se trouvant en zone UM. En tout état de cause les parties s'accordent pour ajouter une surface de 51,60 m² correspondant dans la zone UEV aux balcons et terrasses et ainsi, le total de l'emprise au sol de la construction autorisée s'établit à 866,60 m², soit près de 52,78%, en tout cas moins de 60% de la superficie du terrain, dans le respect des dispositions mentionnées au point 2. Si les requérants soutiennent que la superficie de 234 m² de la parcelle cadastrée CD 260, qui a été rétrocédée par le pétitionnaire à la commune le 17 décembre 2014, doit être soustraite de la surface initiale déclarée de 1 642 m², il ressort des pièces du dossier que cette parcelle était incluse dans le terrain d'assiette le 18 juillet 2014, date de délivrance du permis de construire initial à laquelle s'apprécie sa légalité. Dans la mesure où la commune fait valoir sans être contredite que le permis de construire modificatif accordé le 7 avril 2015 n'a eu que pour objet d'autoriser une extension de la surface construite dans la zone UM, il n'y a donc pas lieu de tenir compte de la rétrocession de la parcelle CD 260 pour apprécier le respect des prescriptions de l'article UEV 9.1. Enfin, si les appelants soutiennent à cet égard l'existence d'une fraude, celle-ci n'est pas établie par les pièces du dossier. Par suite, M. et Mme C... D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UEV 9.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sevran.

4. Aux termes de l'article UEV 7.1 du règlement du PLU de la commune de Sevran : " Dans une bande de 12,00 m de profondeur à partir de l'alignement, les constructions doivent s'implanter sur les deux limites latérales. /(...). " Aux termes de l'article UEV 7.2 de ce règlement : " Au-delà de la bande de 12,00 m définie en 7.1 (...), les constructions doivent observer un retrait dans les conditions suivantes : / 7.2.1 En cas de vues : / - sur les limites latérales, ce retrait doit être au moins égal à la moitié de la hauteur de la construction avec un minimum de 4,50 m. (...) " Selon le lexique de ce règlement : " La hauteur est la distance entre le sol naturel et le faîtage de la toiture. /(...). ".

5. Eu égard à l'objet de ces dispositions et compte tenu de leur rédaction qui ne prévoit pas d'exception pour les saillies, les balcons doivent être pris en compte dans l'appréciation du respect de ces dispositions. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la notice de présentation du permis de construire et de celle du permis de construire modificatif, que la hauteur de la construction à l'acrotère ressort à 15 mètres et que des balcons de la façade sud situés en zone UEV sont implantés à seulement 6 mètres de la limite latérale concernée, soit à une distance inférieure à la moitié de la hauteur de la construction autorisée. Par suite, M. et Mme C... D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UEV 7.2.1 du règlement du PLU.

En ce qui concerne la responsabilité de la commune et les préjudices indemnisables :

6. Le projet de construction autorisé est illégal pour les motifs, retenus par le Tribunal administratif de Montreuil, qu'il ne respecte pas les prescriptions de l'article UEV 3.1.3 du plan local d'urbanisme de la commune de Sevran, relatives à la largeur des accès au terrain d'assiette, ni celles de l'article UM 7 portant sur les limites séparatives, ni celles encore de l'article UM 10 concernant la hauteur maximale des constructions, ainsi que pour le motif, retenu par la cour au point 5, tiré de la méconnaissance des prescriptions relatives aux limites séparatives dans la zone UEV.

7. Les tiers à un permis de construire illégal peuvent rechercher la responsabilité de la personne publique au nom de laquelle a été délivré le permis, si le projet de construction est réalisé. Ils ont droit, sous réserve du cas dans lequel le permis a été régularisé, à obtenir réparation de tous les préjudices qui trouvent directement leur cause dans les illégalités affectant l'autorisation d'urbanisme. Il appartient à la cour de rechercher si chacun des préjudices invoqués par les appelants trouve sa cause directe dans l'une des illégalités fautives recensées au point 6 et de nature à engager la responsabilité de la commune de Sevran.

8. En premier lieu, si M. et Mme C... D... demandent l'indemnisation de la perte de la valeur vénale de leur bien immobilier qu'ils estiment à la somme de 150 000-160 000 euros, il ne résulte pas de l'instruction que l'une quelconque des illégalités relevées serait la cause directe et certaine de ce préjudice. Ils ne peuvent d'ailleurs utilement se prévaloir de préjudices qui, n'étant pas la conséquence de ces illégalités, résulteraient de la présence de la construction prise dans son ensemble. Par suite, ce chef de préjudice ne peut être accueilli.

9. En deuxième lieu, il sera fait une équitable appréciation de la perte de jouissance résultant notamment des pertes d'ensoleillement et d'intimité de M. et Mme C... D... en la portant à la somme de 18 000 euros, dans la mesure où les illégalités fautives, relevées par le Tribunal administratif de Montreuil et tenant au non-respect des distances par rapport aux limites séparatives et à la hauteur de la construction en zone UM, sont aggravées par l'illégalité tenant au non-respect des règles relatives au retrait de la construction par rapport aux limites séparatives en zone UEV, retenue par la cour, et qui ont causé un préjudice direct à M. et Mme C... D... dont la parcelle jouxte la façade en question.

10. M. et Mme C... D... ne démontrent pas que le préjudice moral et le préjudice de santé qu'ils invoquent, à supposer qu'ils trouvent directement leur origine dans l'une ou l'autre des illégalités fautives de la commune de Sevran, devraient être indemnisés au-delà de la somme de 2 000 euros arrêtée par les premiers juges.

11. M. et Mme C... D... allèguent sans l'établir que l'effondrement d'une portion du mur séparant leur jardin du terrain d'assiette de la construction litigieuse aurait pour cause l'une ou l'autre des illégalités affectant le permis de construire modifié.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. et Mme C... D... sont seulement fondés à demander que le jugement attaqué soit réformé et que le montant de l'indemnisation mise à la charge de la commune de Sevran soit portée à la somme globale de 20 000 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sevran le versement de la somme demandée de 600 euros à M. et Mme C... D.... Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme C... D..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Sevran demande à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Sevran est condamnée à verser à M. et Mme C... D... une somme de 20 000 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1708280 du 31 janvier 2019 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce sens.

Article 3 : La commune de Sevran versera une somme de 600 euros à M. et Mme C... D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Sevran présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 19VE01153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01153
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : DESCHAMPS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-04;19ve01153 ?
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