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13/04/2021 | FRANCE | N°20VE00193

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 13 avril 2021, 20VE00193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, à

titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans ce même délai.

Par un jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans ce même délai.

Par un jugement n° 1904913 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de ce réexamen.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) était joint à l'arrêté attaqué ; il comportait l'ensemble des mentions requises par l'arrêté du 21 décembre 2006 et permettait de s'assurer que le médecin rapporteur n'avait pas siégé au sein du collège ; en tout état de cause les procédures suivies par l'OFII et par la préfecture sont indépendantes et il ne lui incombait pas de s'assurer de la régularité de la procédure médicale suivie à l'égard de Mme A..., qui n'a, en tout état de cause, été privée d'aucune garantie ;

- les autres moyens soulevés par l'intimée en première instance ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré, enregistrée le 31 mars 2021, a été présentée pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A..., ressortissante camerounaise, née le 25 juin 1948 à Manjo, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 avril 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il relève régulièrement appel du jugement du 17 décembre 2019, par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 10 avril 2019 et l'a enjoint à procéder au réexamen de la demande de Mme A... dans un délai de deux mois.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. [...]. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. [...]. ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration [...]. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. [...] Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. [...] L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".

3. Pour annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme A..., l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, les premiers juges ont estimé, au vu des pièces du dossier et en l'absence de défense du préfet, qu'il n'était pas établi que le médecin rapporteur du dossier de Mme A... n'avait pas siégé au sein du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ayant rendu son avis sur l'état de santé de l'intéressée. Toutefois, en cause d'appel, le préfet de la Seine-Saint-Denis produit une copie de l'avis du collège de médecins du 21 décembre 2018, qui mentionne le nom des trois médecins l'ayant signé, ainsi qu'une attestation de l'OFII portant à la connaissance de la cour le nom du médecin qui a établi le rapport médical. Ces documents permettent d'établir que le médecin ayant rédigé le rapport médical ne siégeait pas au sein du collège qui a rendu l'avis. Par suite, nonobstant la circonstance qu'il ait produit ces éléments pour la première fois en appel, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision était intervenue au terme d'une procédure irrégulière, et à demander l'annulation du jugement attaqué.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant devant le tribunal administratif que la cour.

Sur les autres moyens de la demande présentée par Mme A... :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

S'agissant de la légalité externe :

5. En premier lieu, par un arrêté n° 17-3377 du 10 novembre 2017, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. D... C..., sous-préfet, à l'effet de signer notamment, dans les limites de l'arrondissement du Raincy, les arrêtés refusant ou retirant un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi et interdisant le retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entachée la décision attaquée doit être écarté.

6. En deuxième lieu, la décision attaquée vise notamment les articles L. 313-11 11° et 7°, L. 314-11 2°, L. 511-1 I 3° et L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique, en outre, que la situation de Mme A..., ressortissante camerounaise, a été évaluée par un collège de trois médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a considéré que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier d'une prise en charge idoine dans son pays d'origine. Elle rappelle également la situation familiale de l'intéressée. Par suite, l'arrêté en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit ainsi être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure/ Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

8. Il ressort des termes mêmes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précité que le collège de médecins peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. Par suite, la circonstance qu'il ne se serait pas physiquement réuni pour délibérer est sans influence sur la régularité de l'avis rendu, lequel mentionne au demeurant : " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", qui fait foi jusqu'à preuve du contraire. La seule circonstance que ces médecins n'exercent pas dans les mêmes villes ne saurait établir un défaut d'examen individualisé des dossiers qui sont soumis au collège ou une absence de délibéré. Si Mme A... conteste également l'authentification des signatures des membres du collège des médecins portés sur cet avis, elle n'apporte aucun élément de nature à mettre en doute la validité de ces signatures. Enfin, il ne résulte d'aucune disposition que le préfet était tenu de communiquer l'avis du collège des médecins de l'OFII à Mme A... ou de lui permettre de présenter ses observations à la suite de cet avis.

S'agissant de la légalité interne :

9. En premier lieu, Mme A... soutient qu'en se bornant à reprendre l'avis du collège de médecins de l'OFII, sans se référer à ses pathologies, sans prendre en considération la présence en France de ses deux filles et trois petits-enfants et sans examiner sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa demande. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait été informé des pathologies dont souffre Mme A..., alors que, en tout état de cause, le respect du secret médical interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. En outre, ainsi qu'il a été dit au point précédent, l'arrêté attaqué rappelle la situation familiale de l'intéressée, dont il n'est pas contesté qu'elle est mère de quatre enfants et dont deux fils résident toujours au Cameroun, et se prononce tant au regard des dispositions du 11° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que du 2° de l'article L. 314-11 de ce même code. Enfin si l'intéressée soutient avoir sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier que, suite à un premier refus d'enregistrement de sa demande de titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale, la fille de Mme A..., en sa qualité d'avocate et de conseil de sa mère, a, par un courrier du 17 février 2018 adressé au sous-préfet du Raincy, demandé que la demande de titre de séjour pour soins de sa mère, soit également examinée, à titre subsidiaire, au seul titre de sa vie privée et familiale. Si l'intimée produit deux autres courriers rédigés par sa fille, en cette seule qualité, et adressés au sous-préfet du Raincy les 22 août 2018 et 22 janvier 2019, ces courriers ont pour objet " demande de bienveillance particulière pour la régularisation de ma mère " et, nonobstant la circonstance qu'ils indiquent que la demande de titre de séjour précédemment introduite l'a été au titre de la " vie privée familiale / titre de séjour pour soins ou pour motif exceptionnel et humanitaire ", ne sauraient être regardés comme une demande d'examen de la situation de l'intéressée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par suite, procédé à un examen complet de la situation personnelle de Mme A..., sans s'être, au demeurant, cru lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII du 21 décembre 2018. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen réel et sérieux et de ce que le préfet se serait cru en situation de compétence liée, doivent être écartés.

10. En deuxième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

11. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A... au titre des soins médicaux, le préfet de la Seine-Saint-Denis a estimé que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour elle, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié lui était effectivement accessible dans son pays d'origine. Si l'intimée produit plusieurs certificats médicaux relatifs aux différentes pathologies dont elle souffre, aucun de ces documents n'atteste d'une impossibilité effective d'accès aux traitements qui lui sont nécessaires au Cameroun. En outre, les décisions juridictionnelles dont elle se prévaut qui ont constaté, au vu des pièces qui étaient alors soumises aux juges, l'absence de commercialisation du Levothyrox au Cameroun, ont été rendues en 2010 et en 2015 et ne sauraient constituer un élément d'appréciation de la disponibilité actuelle du Levothyrox au Cameroun et de la possibilité pour Mme A... de bénéficier effectivement de ce traitement. Par ailleurs, si cette dernière soutient que les anxiolytiques qui lui sont actuellement prescrits ne sont pas disponibles au Cameroun, elle se borne à produire, au soutien de ses allégations, un extrait de la liste des médicaments essentiels au Cameroun, qui ne saurait à soi seul justifier que le traitement qu'elle prend, à base de benzodiazépines, ne serait pas disponible au Cameroun. Au demeurant, il ne ressort pas du dossier médical adressé par l'intéressée à l'OFII qu'elle aurait introduit sa demande de titre de séjour pour soins au titre de cette pathologie, qui n'est pas même mentionnée dans ledit document. Enfin, si elle soutient que le Cameroun ne dispose pas de structure susceptible d'effectuer la chirurgie orthopédique qu'elle a, au demeurant, subie en septembre 2019, les certificats médicaux qu'elle produit, rédigés par les médecins qu'elle a consultés en France, ne permettent pas de l'établir. Par suite, aucun des éléments produits par l'intimée ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'autorité administrative. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code précité doit être écarté, de même que celui tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme A... au regard de ces dispositions.

12. En troisième lieu, si Mme A... soutient être suivie depuis plusieurs années par les mêmes médecins qui connaissent parfaitement ses pathologies et ses antécédents, ces seuls éléments sont insuffisants à constituer une circonstance humanitaire exceptionnelle de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour au titre de soins, en dépit de l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de l'intéressée dans son pays d'origine.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale [...] / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / [...] 7° A l'étranger [...] dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus [...] ".

14. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., veuve, vit au domicile de sa fille et de l'époux de celle-ci, tous deux de nationalité française, et de leurs deux enfants, qu'une autre de ses filles, de nationalité française, vit également en France aux côtés de son mari et de son fils, et que ses filles lui versent des pensions alimentaires. Toutefois, le séjour en France de Mme A... ne date que de novembre 2016, soit un peu plus de deux ans à la date de la décision litigieuse. En outre, elle n'est pas démunie d'attaches dans son pays d'origine où elle a essentiellement vécu jusqu'à l'âge de 68 ans et où résident ses deux fils. La seule circonstance que ces derniers ne travailleraient pas et ne pourraient subvenir aux besoins de leur mère, à la supposer fondée, est insuffisante à établir une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de ces stipulations et dispositions doivent être écartés.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; [...] ".

16. Il est constant que Mme A... n'a pas introduit de demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées. Le préfet n'était, par suite, pas tenu d'examiner d'office sa demande sur le terrain du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du d'asile. En tout état de cause, si Mme A... soutient qu'elle est à la charge de ses filles de nationalité française, et produit à cette fin les relevés de son livret A au titre de la période janvier 2018 - avril 2019, faisant état de versements réguliers de ses filles et gendres ainsi que les avis d'imposition d'une de ses filles pour les années 2014 à 2018 et mentionnant des " charges déductibles ", les déclarations d'impôt de celle-ci pour l'année 2018 et une liste de transferts d'argent envoyés à Mme A... en 2015 et en 2016, il est constant qu'elle ne bénéficiait pas d'un visa de long séjour lors du dépôt de sa demande le 30 juillet 2018, alors qu'elle s'est maintenue sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa de court séjour. Le préfet pouvait légalement retenir ce seul motif pour opposer un refus à Mme A.... Enfin, si le préfet dispose d'un pouvoir discrétionnaire de régularisation, il n'est jamais tenu d'en user.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen, invoqué par voie d'exception, tiré de l'illégalité de cette décision et présenté à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 et dont la requérante ne soutient pas qu'elles seraient incompatibles avec les objectifs de cette directive : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne [...] lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : [...] 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / [...] / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III ". Il résulte de ces dispositions que si les décisions portant obligation de quitter le territoire français doivent faire l'objet d'une motivation, celle-ci se confond avec la motivation des refus de titre de séjour sur lesquels elles sont fondées.

19. Mme A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 12 de la directive 2008/115/CE relatives à la motivation des décisions portant éloignement d'un ressortissant d'un État tiers à l'Union européenne, ces dispositions ayant été intégralement transposées en droit interne. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit au point 6, l'arrêté contesté, en ce qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme A... énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde et est, dès lors, suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée doit être écarté ;

20. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : [...] 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; [...] ".

21. Ainsi qu'il a été dit au point 11, Mme A... n'établit pas ne pas pouvoir bénéficier effectivement des traitements nécessaires aux pathologies dont elle souffre au Cameroun. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ de trente jours :

22. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...] II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. [...] ".

23. Mme A... ne peut se prévaloir à l'encontre de la décision attaquée des dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée, dès lors que cette directive a fait l'objet d'une transposition en droit interne et qu'il n'est pas même allégué que cette transposition méconnaîtrait les objectifs de cette directive. En tout état de cause, la décision accordant à l'intéressée un délai de départ de trente jours n'a pas à être motivée, dès lors que le délai fixé est celui prévu par les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'aucune demande tendant à ce qu'il y soit dérogé n'a été présentée.

24. En se bornant à soutenir, sans autre précision, que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il n'y avait pas lieu de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours, Mme A... ne fait état d'aucune circonstance particulière propre à justifier une prolongation de ce délai. En tout état de cause, ni la circonstance que l'intéressée vivrait auprès d'une de ses filles et de ses petites-filles, ni celle tenant à son état de santé, ne caractérisent l'existence d'une situation exceptionnelle imposant qu'un délai de départ supérieur à trente jours lui soit accordé . Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la demande introduite par Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 10 avril 2019 doit être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction présentées devant le tribunal administratif de Montreuil et sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1904913 du 17 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

N° 20VE00193 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00193
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Catherine BOBKO
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-13;20ve00193 ?
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