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18/03/2021 | FRANCE | N°19VE04163

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 18 mars 2021, 19VE04163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 7 septembre 2017 par laquelle la commune de Villepinte a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 5 octobre 2017 ainsi que la décision du 3 janvier 2018 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision, de condamner la commune de Villepinte à lui verser la somme de 225 000 euros en réparation de sa perte de rémunération, de ses préjudices moraux et de carrière, et de mettre

à la charge de la commune de Villepinte la somme de 3 000 euros en applicat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 7 septembre 2017 par laquelle la commune de Villepinte a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 5 octobre 2017 ainsi que la décision du 3 janvier 2018 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision, de condamner la commune de Villepinte à lui verser la somme de 225 000 euros en réparation de sa perte de rémunération, de ses préjudices moraux et de carrière, et de mettre à la charge de la commune de Villepinte la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801717 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 7 septembre 2017, mis à la charge de la commune de Villepinte la somme de 1 000 euros au titre de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande de M. E....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 20 décembre 2019, le 6 février 2020, le 18 juillet 2020 et le 12 février 2021, M. E..., représenté par Me D..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Villepinte à lui verser la somme de 225 000 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villepinte la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commune de Villepinte n'établit pas que son maire est habilité à la représenter devant la cour dans la présente instance ;

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal aurait dû inviter la commune de Villepinte à produire une délibération autorisant son maire à la représenter en justice puisque l'absence de qualité pour agir semblait ressortir des pièces du dossier ;

- il ne comporte pas les signatures mentionnées à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges n'expliquent pas en quoi l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée est établie ;

- il est entaché d'une inexactitude matérielle des faits, d'une erreur dans leur qualification juridique, d'une contradiction de motifs, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;

- les faits reprochés, quatre mois à peine après sa prise de fonctions, ne sont pas établis ou ne sont pas de nature à justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle ; en outre, la commune de Villepinte ne lui a accordé aucun temps d'adaptation pour se familiariser avec les dossiers dont il avait la charge ; il n'a bénéficié d'aucune aide ou formation ;

- il a subi une perte de rémunération qui peut être évaluée à la somme de 125 000 euros, un préjudice de carrière qui doit être réparé à hauteur de la somme de 50 000 euros, ainsi qu'un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qui peuvent être évalués à la somme de 50 000 euros.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- les observations de Me D..., pour M. E..., celles de M. E..., et celles de Me C..., substituant Me F..., pour la commune de Villepinte.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a été recruté par la commune de Villepinte comme agent contractuel afin d'exercer les fonctions d'adjoint au responsable du service des bâtiments et travaux du 1er mars 2017 au 29 février 2020. Par un courrier du 28 août 2017, le maire de la commune de Villepinte a informé l'intéressé qu'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle était engagée à son encontre et qu'il était convoqué à un entretien préalable le 4 septembre 2017. Par un courrier du 7 septembre 2017, la maire de la commune de Villepinte a informé M. E... de son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 5 octobre 2017. M. E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 8 novembre 2019 en tant qu'après avoir annulé la décision de licenciement pour insuffisance de sa motivation, il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Villepinte à lui verser la somme de 225 000 euros en réparation des préjudices ayant résulté pour lui de cette décision.

Sur la recevabilité des écritures présentées en appel par la commune de Villepinte :

2. La commune de Villeptinte a produit une délibération n° 2020-046 du 10 juillet 2020 habilitant son maire à intenter au nom de la commune les actions en justice ou à défendre celle-ci dans les actions intentées contre elle, pour toutes les affaires communales et devant l'ensemble des juridictions. Par suite, l'exception d'irrecevabilité de ce mémoire en défense ne peut être accueillie.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-1 du même code : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. ". Enfin, aux termes de l'article L. 2132-2 : " Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice. ".

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que si la commune de Villepinte n'a produit aucune délibération de son conseil municipal donnant délégation à son maire pour agir en justice ou l'autorisant à défendre à l'instance l'opposant à M. E..., la qualité à agir du maire au nom de la commune n'était pas contestée. Il ne ressortait, par ailleurs, au premier examen, d'aucun des éléments au vu desquels le tribunal a statué que le maire fût dépourvu d'une telle qualité. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité, faute pour le tribunal d'avoir invité la commune à produire une délibération habilitant son maire à agir en défense pour son compte, doit donc être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué méconnaîtrait les dispositions précitées manque en fait et doit être écarté.

7. En troisième lieu, il résulte de l'examen du point 5 de ce jugement que le tribunal administratif a suffisamment précisé les raisons pour lesquelles il a estimé que l'insuffisance professionnelle reprochée au requérant était établie. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.

8. Enfin, si le requérant soutient que le jugement attaqué est entaché d'une inexactitude matérielle des faits, d'une erreur dans leur qualification juridique, d'une contradiction de motifs, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, ne sont pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.

Au fond :

9. L'illégalité d'une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité publique pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain.

10. Il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport établi le 10 août 2017 par la responsable du service " bâtiment travaux neufs ", que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M E... est fondé sur les circonstances que, cinq mois après son recrutement, celui-ci " n'a pas évolué significativement " dans l'exercice de ses fonctions et que de " nombreux problèmes persistent au quotidien ", au niveau de ses compétences, de l'organisation de son travail, de l'accomplissement effectif des tâches qui lui sont confiées et de sa capacité à rendre compte de ses actions à sa hiérarchie. A cet égard, il résulte des mentions précises et circonstanciées de ce rapport, établi par la supérieure hiérarchique directe du requérant, que celui-ci a fait preuve d'un manque de réactivité dans ses relations avec des prestataires extérieurs de la commune, d'une maîtrise insuffisante du langage technique et des procédures organisées par le code des marchés publics, d'une autonomie insuffisante, d'une absence d'anticipation des tâches à effectuer, d'une incapacité à prioriser ses missions générant des difficultés relationnelles avec ses collègues, qu'il n'a pas justifié d'absences à certaines réunions de chantier, qu'il n'a pas rédigé certains comptes rendus de réunions extérieures, et qu'il a éprouvé des difficultés à accomplir simultanément plusieurs tâches. Il résulte par ailleurs de l'instruction que ce rapport avait été précédé d'une évaluation réalisée le 5 mai 2017, au cours de la période d'essai du requérant, dont il ressort que la moitié des compétences nécessaires à l'exercice des fonctions était " partiellement acquise ", tant au regard de l'efficacité dans l'emploi, de la réalisation des objectifs, des compétences professionnelles et techniques que de la contribution à l'activité du service. Si M. E... soutient qu'aucune fiche de poste ne lui a été remise lors de son recrutement, l'évaluation réalisée le 5 mai 2017 lui a en tout état de cause permis de connaître avec précision la nature exacte de ses missions et les attentes de sa hiérarchie à son égard. Si le requérant verse au dossier des échanges de courriels ainsi qu'un document, qu'il aurait rédigé, relatif à un marché de travaux de construction d'un réfectoire, lesquels démontreraient ses compétences, la matérialité des faits avancés par l'administration est toutefois suffisamment établie et il n'est, au demeurant, pas reproché à l'intéressé une inaptitude totale au poste qui lui a été confié. En outre, si M. E... soutient que la commune de Villepinte ne lui a accordé aucun temps d'adaptation pour se familiariser avec les dossiers dont il avait la charge, la décision attaquée est toutefois intervenue au terme d'une période suffisamment longue, soit plus cinq mois, période au cours de laquelle aucune évolution significative de sa manière de servir n'a pu être constatée. Enfin, si M. E... soutient qu'il n'a bénéficié d'aucune aide ou formation, il ne l'établit pas par la seule production d'un courriel daté du 24 avril 2017 dans lequel il demande à bénéficier d'une formation à un logiciel. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant son licenciement reposerait sur des faits matériellement inexacts ou sur une appréciation erronée de sa valeur professionnelle ou de son aptitude à exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté.

11. Il résulte de ce qui précède que la décision de procéder au licenciement pour insuffisance professionnelle de M. E... était justifiée. Par suite, la faute commise par la commune de Villepinte, en ne motivant pas cette mesure, n'a pas, en l'espèce, causé à M. E... un préjudice indemnisable. Les conclusions tendant à la réparation des préjudices nés de l'illégalité fautive de cette décision doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Villepinte, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E... demande à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme que demande la commune de Villepinte au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Villepinte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 19VE04163 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE04163
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : LEBRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-18;19ve04163 ?
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