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18/03/2021 | FRANCE | N°19VE01071

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 18 mars 2021, 19VE01071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de d'annuler l'arrêté du 31 août 2016 par lequel le maire de la commune de Clichy-la-Garenne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie déclarée le 7 juillet 2015, d'enjoindre au maire de Clichy-la-Garenne de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé et de mettre à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 1609148 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de d'annuler l'arrêté du 31 août 2016 par lequel le maire de la commune de Clichy-la-Garenne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie déclarée le 7 juillet 2015, d'enjoindre au maire de Clichy-la-Garenne de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé et de mettre à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1609148 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 31 août 2016, enjoint au maire de maire de Clichy-la-Garenne de prendre, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service des arrêts de travail et des soins, depuis le 5 janvier 2015, liés à l'état anxio-dépressif dont est atteinte Mme D... et mis à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 25 mars 2019 et le 9 octobre 2020, la commune de Clichy-la-Garenne, représentée par Me B..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Clichy-la-Garenne soutient que :

- le courrier et l'entretien du 26 décembre 2014 doivent être regardés comme détachables du service dès lors que Mme D... était, à cette date, suspendue de ses fonctions ;

- l'entretien du 26 décembre 2014 n'a présenté aucun caractère brutal, de même que la décision de changement d'affectation ; la première enquête administrative datait du 21 décembre 2012 et Mme D... n'en a pas suivi les préconisations ; la mesure de changement d'affectation, qui fait suite à trois rapports et deux enquêtes administratives, n'a emporté aucune modification de la situation de l'intéressée ;

- aucun lien de causalité n'existe entre la pathologie de Mme D... et sa situation professionnelle ; la situation de Mme D... ne relève ni de la maladie professionnelle, ni de l'accident de service ; Mme D... présentait un état anxio-dépressif antérieur à la décision de changement d'affectation du 26 décembre 2014 et qui a été diagnostiqué plus d'un mois avant cette décision ; aucun des certificats médicaux produits ne fait de lien entre l'état de santé de Mme D... et l'entretien du 26 décembre 2014 ; Mme D... souffrait d'une pathologie déjà existante et a notamment connu un épisode thymique en février 2013 ;

- aucun accident de service n'est imputable à la décision de changement d'affectation en date du 26 décembre 2014, laquelle ne résulte pas une volonté délibérée de l'exposante d'altérer la santé de l'intéressée.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me B..., pour la commune de Clichy-la-Garenne et de Me C..., pour Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., puéricultrice de classe supérieure, a été recrutée en 1998 par la commune de Clichy-la-Garenne et affectée sur l'emploi de directrice de la crèche " Le jardin extraordinaire ". A la suite de plusieurs rapports concernant sur le fonctionnement de la crèche, Mme D... a été suspendue de ses fonctions le 3 septembre 2014. L'intéressée a été reçue le 26 décembre 2014 par ses supérieurs hiérarchiques qui l'ont informée de son changement d'affectation à compter du 5 janvier suivant et de ce qu'elle était tenue de quitter le logement de fonction qui lui avait été attribué pour nécessité absolue de service. A compter du 5 janvier 2015, Mme D... a été placée en congé de maladie. Par un courrier du 7 juillet 2015, elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité de ses arrêts maladie au service. Par un arrêté du 31 août 2016, le maire de Clichy-la-Garenne a rejeté cette demande. Par un jugement du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint au maire de Clichy-la-Garenne de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service des arrêts de travail et des soins de Mme D... depuis le 5 janvier 2015. La commune de Clichy-la-Garenne relève appel de ce jugement.

2. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue d'une enquête menée sur le fonctionnement de la crèche " Le Jardin extraordinaire " et d'un rapport daté du 21 décembre 2012, il a été demandé à Mme D... de mettre fin à certaines pratiques, notamment la pratique d'isolement des enfants hors la surveillance d'un professionnel, et de construire un projet pédagogique adapté. Un deuxième rapport, constatant que cette pratique perdurait au sein de la crèche, a été établi le 1er septembre 2014 à la suite duquel Mme D... a été suspendue de ses fonctions. Le 26 décembre 2014, Mme D... a été reçue par ses supérieurs hiérarchiques qui l'ont informée de son changement d'affectation à compter du 5 janvier suivant, terme de la période de suspension, et de ce qu'elle était tenue de quitter le logement de fonction, qui lui avait été attribué pour nécessité absolue de service, le 31 mars 2015. A compter du 5 janvier 2015, Mme D... a été placée en congé de maladie.

4. Mme D... a notamment soutenu devant le tribunal administratif que sa pathologie résultait d'un accident de service découlant du choc émotionnel provoqué par les circonstances dans lesquelles, le 26 décembre 2014, les responsables de la commune lui avaient annoncé sans ménagement qu'elle avait commis des fautes et qu'ils lui retiraient immédiatement ses responsabilités de directrice ainsi que son logement de fonctions. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cet entretien s'est tenu alors que l'intéressée était suspendue de ses fonctions depuis plusieurs mois à la suite des rapports administratifs pointant divers dysfonctionnements de l'établissement qu'elle dirigeait et soulignant plusieurs manquements professionnels de cette dernière. Les conclusions du 3ème rapport, daté du 13 novembre 2014, indiquaient déjà que Mme D... ne devait plus pouvoir exercer de fonctions de direction de crèche. En outre, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des certificats médicaux produits que Mme D... était suivie par un médecin psychiatre pour un état anxio-dépressif depuis le mois de novembre 2014, soit antérieurement à l'entretien du 26 décembre 2014. Enfin, il ressort des termes du courrier du 26 décembre 2014, reprenant les conclusions de l'entretien du même jour, que Mme D... a été invitée à libérer son logement pour nécessité absolue de service pour le 31 mars 2015, soit dans un délai de plus de trois mois. Au demeurant, Mme D... ne fait état, outre ces annonces relatives à sa situation administrative, d'aucun élément au cours de cet entretien permettant de retenir un lien avec sa pathologie. Dans ces conditions, la dégradation de l'état de santé de Mme D... ne peut être regardée comme résultant des événements du 26 décembre 2014 mis en exergue par l'intéressée.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen soulevé par la collectivité requérante, la commune de Clichy-la-Garenne est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 31 août 2016 au motif que l'entretien du 26 décembre 2014 constituait un accident de service.

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif.

7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 3, que l'établissement que dirigeait Mme D... a fait l'objet de deux enquêtes administratives, l'une en 2012 et l'autre en 2014 et que trois rapports ont été rédigés portant, notamment, sur les pratiques professionnelles de l'intéressée. Mme D... a été suspendue de ses fonctions le 3 septembre 2014 et a été informée, le 26 décembre 2014, que ses fonctions de directrice de crèche lui seraient retirées à compter du 5 janvier suivant et qu'elle devrait quitter le logement de fonctions qu'elle occupait avec sa famille au plus tard le 31 mars suivant. Mme D... a été placée en arrêt maladie pour état anxio-dépressif à compter du 5 janvier 2015. D'autre part, l'ensemble des certificats médicaux produits, émanant notamment de deux médecins psychiatres, indique que Mme D... est affectée d'une dépression réactionnelle à l'ensemble de ces événements et que son état dépressif résulte directement de ses difficultés professionnelles. Ces certificats ne mentionnent aucune prédisposition, ni aucune manifestation pathologique de la même nature décelée antérieurement chez l'intéressée. En outre, la commission de réforme a rendu le 13 juin 2016 un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service. Enfin, aucun fait personnel ni aucune autre circonstance particulière et, notamment pas les éléments reprochés par la commune à Mme D..., ne permet de détacher la pathologie de Mme D... du service. Dans ces conditions, alors même que l'entretien du 26 décembre 2014 s'est déroulé dans des conditions exemptes de toute brutalité et que les mesures prises à l'égard de Mme D... ne révèlent aucune volonté délibérée de la commune d'altérer la santé de l'intéressée, la pathologie dont est atteinte Mme D... est en lien direct avec l'exercice de ses fonctions de directrice de la crèche " Le Jardin extraordinaire ". Par suite, le maire de la commune de Clichy-la-Garenne a commis une erreur d'appréciation en rejetant la demande de Mme D... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont elle est affectée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Clichy-la-Garenne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 31 août 2016.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la commune de Clichy-la-Garenne soit mise à la charge de Mme D... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne la somme de 2 000 euros à verser à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Clichy-la-Garenne est rejetée.

Article 2 : La commune de Clichy-la-Garenne versera à Mme D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 19VE01071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01071
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : CABINET JORION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-18;19ve01071 ?
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