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01/03/2021 | FRANCE | N°17VE01742

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 01 mars 2021, 17VE01742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 1er juillet 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement, ainsi que la décision du 6 janvier 2015 par laquelle le ministre du travail a confirmé la décision de l'inspecteur du travail.

Par un jugement nos 1406243, 1501615 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Versailles a annulé ces deux décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregist

rés les 2 juin et 13 novembre 2017, la société Carrefour Proximité France, venant aux droit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 1er juillet 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement, ainsi que la décision du 6 janvier 2015 par laquelle le ministre du travail a confirmé la décision de l'inspecteur du travail.

Par un jugement nos 1406243, 1501615 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Versailles a annulé ces deux décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juin et 13 novembre 2017, la société Carrefour Proximité France, venant aux droits de la société Erteco France, anciennement dénommée Dia France, représentée par Me Fournier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 avril 2017 et de rejeter la demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la recherche de reclassement ne peut s'étendre au sein du groupe que sur des postes sur lesquels il y a permutabilité du personnel ce qui n'est pas le cas des postes situés à l'étranger ; la recherche ne pouvait être effectuée qu'au sein de la société Dia France ; la seule entité du groupe Dia présente en France est la société Dia France ; aucune autre société du groupe que Dia France n'était donc implantée en France, et Mme B... a indiqué qu'elle ne parlait aucune langue étrangère ;

- un deuxième avis du médecin du travail n'était pas nécessaire dès lors qu'il a mentionné une inaptitude " en un seul examen " et " danger immédiat " ;

- la société est allée au-delà de ses obligations légales en accompagnant Mme B... au cours d'un entretien professionnel et en lui offrant une formation en bureautique ;

- elle a loyalement et sérieusement effectué une recherche de reclassement, le poste occupé par Mme B... ne pouvant faire l'objet d'une adaptation compte tenu des prescriptions formulées par le médecin du travail ;

- tous les postes des magasins de l'enseigne Dia comprennent des tâches de manutention et d'encaissement, contre-indiquées par le médecin du travail, et la société n'était pas en mesure de reclasser Mme B... sur un poste administratif de même niveau de classification, même en contactant toutes les directions régionales ainsi que le siège de l'entreprise ;

- le délai écoulé entre les recherches pour la reclasser et le licenciement ne lui a été préjudiciable dès lors qu'elle a continué à être intégralement rémunérée.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., pour la société Carrefour proximité France.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., employée commerciale au sein de la société Erteco France, anciennement dénommée Dia France, déléguée du personnel suppléante et membre suppléante du comité d'établissement, était employée au sein du magasin de Neuilly. A la suite d'une maladie professionnelle, elle a été reconnue invalide 2ème catégorie le 1er juin 2012 et convoquée à une visite médicale de reprise le 24 juillet 2012 à la suite de son dernier arrêt de travail. Reconnue inapte à son poste de travail, la société Erteco France a demandé, après recherche de reclassement, l'autorisation à l'inspecteur du travail de la licencier. Par décision du 1er juillet 2014, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement, décision confirmée par le ministre du travail le 6 janvier 2015. A la demande de Mme B..., le tribunal administratif de Versailles a annulé ces deux décisions par jugement du 20 avril 2017 dont la société Carrefour Proximité France, venant aux droits de la société Erteco France, relève appel.

2. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1226-10 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

4. Pour annuler les décisions attaquées au motif que la société Erteco France, anciennement dénommée Dia, n'avait pas respecté son obligation de recherche de reclassement en méconnaissance des dispositions précitées, le tribunal a considéré que la société avait seulement sollicité l'ensemble des directions régionales du groupe en France et le siège social de l'entreprise Dia sans procéder à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement dans les entreprises du groupe auquel elle appartient. Toutefois, la société requérante venant aux droits de la société Erteco fait valoir en appel que la société Dia France est la seule entité du groupe Dia à être présente sur le territoire français, les autres sociétés étant implantées dans des pays étrangers, ce qui n'est pas contesté par le fait invoqué par Mme B... que le groupe Dia aurait plus de 6 000 magasins dans sept pays et 42 plates formes logistiques. Par ailleurs, Mme B... a déclaré lors de l'entretien qui s'est déroulé le 27 août 2012 en vue d'étudier son parcours professionnel, ne pas parler de langues étrangères. Il ressort des pièces du dossier que la société a sollicité à deux reprises, l'ensemble des directions régionales dont dépendent les magasins et entrepôts situés sur le territoire national, ainsi que le siège social de la société en vue de trouver un poste à caractère administratif compatible avec les préconisations du médecin du travail, lesquelles ont prononcées une inaptitude au poste occupé, indiquant notamment un danger immédiat, une inaptitude aux efforts de manutention et aux gestes répétitifs. Dans ces conditions, dès lors que seule la société Dia France disposait d'entités sur le territoire français, le lieu d'exploitation des autres sociétés du groupe à l'étranger ne permettant pas nécessairement la permutation de tout ou partie de son personnel, la société qui n'était pas tenue de procéder à une recherche des postes de reclassement au sein des autres sociétés du groupe Dia situées à l'étranger a procédé à une recherche de reclassement dans les entreprises dont le lieu d'exploitation permettait d'y affecter Mme B.... Par suite, c'est à tort que le tribunal a considéré que la société Erteco n'avait pas procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement dans les entreprises du groupe auquel elle appartient et n'avait pas satisfait son obligation de reclassement pour annuler les décisions attaquées.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... tant devant le tribunal administratif de Versailles que devant la cour.

6. En premier lieu, Mme B... soutient que les délais écoulés entre les résultats de la recherche de poste de reclassement en avril 2013 et son licenciement le 7 juillet 2014 démontrerait une absence de recherche sérieuse de poste de reclassement. Toutefois, la société Erteco qui a procédé à deux reprises à la consultation de l'ensemble des directions régionales sur tout le territoire français afin d'actualiser sa demande avec la formation en bureautique acquise par Mme B..., n'était pas tenue, à l'issue de l'obtention des réponses négatives, de procéder à une troisième consultation avant de licencier l'intéressée, Mme B... ayant au surplus elle-même contribué à l'allongement de ce délai en demandant de repousser l'entretien préalable au licenciement, initialement prévu le 18 février 2014, au 7 mai 2014.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. ".

8. L'avis du 24 juillet 2012 du médecin du travail ne comportait pas d'indication sur l'aptitude de Mme B... à suivre une formation, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 1226-10 du code du travail. Toutefois, Mme B... ne peut utilement invoquer à l'encontre des décisions attaquées de l'inspecteur du travail et du ministre autorisant son licenciement, le fait que l'employeur n'ait pas sollicité du médecin du travail de telles indications sur son aptitude à bénéficier d'une formation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Carrefour Proximité France venant aux droits de la société Erteco France est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions de l'inspecteur du travail du 1er juillet 2014 et du ministre du travail du 6 janvier 2015 autorisant le licenciement de Mme B....

Sur les frais liés au litige :

10. Mme B... étant la partie perdante, ses conclusions formulées à l'encontre de la société Carrefour Proximité France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Carrefour Proximité France formulées au titre du même article.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1406243, 1501615 du 20 avril 2017 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 17VE01742 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01742
Date de la décision : 01/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SELARL GERNEZ HENRIE-GUER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-01;17ve01742 ?
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