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28/01/2021 | FRANCE | N°20VE01511

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 28 janvier 2021, 20VE01511


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sous 30 jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1912151 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2020 et des pièces nouv

elles enregistrées le 22 juillet 2020, M. D..., représenté par Me Maugendre, avocat, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sous 30 jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1912151 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2020 et des pièces nouvelles enregistrées le 22 juillet 2020, M. D..., représenté par Me Maugendre, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision juridictionnelle à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges n'ont pas " statué sur l'erreur manifeste d'appréciation tirée de l'obligation de quitter le territoire français " ;

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est entachée d'incompétence dès lors qu'il n'est pas démontré que Mme F... C... soit bénéficiaire d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;

- pour les mêmes motifs que ceux exposés au sujet du titre de séjour, elle porte une atteinte excessive à son droit à mener une vie privée et familiale normale ;

S'agissant de la décision accordant 30 jours de délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'incompétence dès lors qu'il n'est pas démontré que Mme F... C... soit bénéficiaire d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- elle méconnaît les articles 7 et 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les observations de Me E... pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., ressortissant tunisien né le 16 mai 1982 à Ariana, s'est acquitté des droits de régularisation d'entrée en France conjointement à la délivrance d'un premier récépissé de demande de titre de séjour valable du 23 février 2012 au 22 mai 2012, titre demandé sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de conjoint de Français. Toutefois, cette demande a été rejetée en date du 10 décembre 2013 par un arrêté du préfet du Val-d'Oise au motif que le mariage contracté le 9 avril 2011 a été dissout par le tribunal de grande instance de Paris le 12 septembre 2013 en l'absence de communauté de vie entre les époux. Cet arrêté préfectoral portait également obligation de quitter le territoire français et fixait le pays de destination. M. D... en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Cergy-Pontoise mais sa demande a été rejetée par un jugement n° 1310501 du 28 avril 2014, confirmé par un arrêt n° 14VE01512 rendu par la cour administrative d'appel de Versailles en date du 28 octobre 2014.

2. Le requérant a sollicité le 15 novembre 2018 son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par l'arrêté litigieux du 23 septembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 4 juin 2020 du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'étendue du litige :

3. M. D..., en première instance, n'a pas demandé l'annulation de la décision accordant 30 jours de délai de départ volontaire. Dès lors, il n'est pas recevable à présenter en appel des conclusions d'annulation dirigées contre cette décision. Cela constitue une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". La circonstance que les premiers juges n'auraient pas fait expressément référence à toutes les pièces produites n'est pas nature à faire regarder le jugement comme insuffisamment motivé. Toutefois, M. D..., en faisant valoir que les premiers juges n'ont pas " statué sur l'erreur manifeste d'appréciation tirée de l'obligation de quitter le territoire français ", peut être regardé comme soulevant le moyen tiré de ce que les premiers juges n'auraient pas examiné, à tort, le moyen qui était soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et qui était tiré de l'erreur manifeste d'appréciation. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont effectivement omis de se prononcer sur ce moyen, alors qu'il était soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et qu'il n'était pas inopérant. Dans ces conditions, le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, et doit être annulé dans cette mesure. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer sur la demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français par la voie de l'évocation et sur le surplus par la voie de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, M. D... reprend en appel, à l'identique, les moyens tirés du vice d'incompétence, de l'insuffisance de motivation, de l'erreur de fait, de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de séjour sur sa situation personnelle. S'il produit en appel plusieurs pièces nouvelles relatives notamment, à la situation professionnelle de son épouse compatriote, responsable de restauration chez Burger King depuis plusieurs années, ainsi que quelques photos et témoignages relatifs à sa vie privée et familiale, ces éléments ne sont toutefois pas de nature à remettre en cause l'appréciation motivée qui a été portée par les premiers juges. Ceux-ci ont notamment retenu son mariage célébré en janvier 2018 et la naissance de l'enfant du couple en janvier 2019 et également, que l'intéressé n'établit pas, ni même n'allègue qu'il pourrait se prévaloir de l'exercice d'une activité professionnelle. Il suit de là que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 3., 4., 5., 6. et 7. du jugement attaqué. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ". L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixe notamment les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien.

7. M. D... soulève pour la première fois en appel le moyen tiré de la violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constituait le fondement de sa demande de titre de séjour. S'agissant de sa situation personnelle et familiale, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, y compris des nouvelles pièces produites en appel, que celle-ci, caractérisée par un mariage et une paternité très récents, répondrait à des considérations humanitaires ou exceptionnelles au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précité. Il est de plus constant que l'intéressé n'établit pas qu'il se serait conformé à l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet par arrêté du préfet du Val-d'Oise du 10 décembre 2013, devenu définitif après le rejet de la demande d'annulation par jugement n° 1310501 du 28 avril 2014 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, confirmé par un arrêt n° 14VE01512 rendu par la cour administrative d'appel de Versailles en date du 28 octobre 2014. Dans ces conditions, le moyen susanalysé doit être écarté.

8. Enfin, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté dès lors que la décision portant refus de séjour n'a ni pour objet, ni pour effet, de séparer l'enfant A..., âgé de neuf mois à la date de l'arrêté litigieux, de son père ou de sa mère.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation du refus de titre de séjour en date du 23 septembre 2019.

Sur l'évocation partielle :

10. En premier lieu, M. D... ne démontre pas que la décision portant refus de séjour serait illégale. Partant, il n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale au seul motif qu'elle est basée sur la décision portant refus de séjour. Ce moyen sera écarté.

11. En deuxième lieu, par un arrêté du 29 avril 2019 régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné à Mme F... C..., adjointe à la cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, signataire de l'obligation de quitter le territoire français, délégation à l'effet de signer, notamment les décisions en litige, en cas d'absence ou d'empêchement des agents la précédant dans l'ordre des délégataires. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée de l'incompétence de sa signataire doit être écarté.

12. Enfin, le moyen tiré de ce que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au sujet du titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte excessive au droit de M. D... à mener une vie privée et familiale normale, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 8. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, à le supposer soulevé.

13. Il suit de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par conséquent, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation, ensemble celles présentées à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1912151 du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

N° 20VE01511 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01511
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme ORIO
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-01-28;20ve01511 ?
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