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08/12/2020 | FRANCE | N°19VE01805

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 08 décembre 2020, 19VE01805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... épouse B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à i

ntervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexamin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... épouse B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans ce même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1900658 du 18 avril 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2019, et des pièces complémentaires enregistrées le 2 juillet 2019, Mme C..., représentée par Me Taj, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2018 ;

3° d'enjoindre à toute autorité administrative compétente, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans ce même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

En ce qui concerne les décisions portant refus de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire :

- elles sont insuffisamment motivées et n'ont pas été prises après un examen approfondi de sa situation personnelle ;

- elles méconnaissent les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle a déposé une plainte contre son mari ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle réside en France depuis 2017, qu'elle travaille en contrat à durée indéterminée et que son époux, sa tante et ses cousins vivent en France ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle réside en France depuis 2017, qu'elle a subi les violences de son époux, qu'elle travaille et que son retour dans son pays d'origine porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'auteur de la décision n'était pas compétent pour prendre cette décision ;

- elle n'a pas fait l'objet d'une motivation distincte du refus de séjour ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle sera annulée dès lors que les décisions de refus de délivrance de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français sont illégales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n°2020-1404 du 18 novembre 2020 ;

- le décret n°2020-1405 du 18 novembre 2020 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante marocaine, née le 13 octobre 1997, mariée le 11 août 2016 au Maroc avec M. B..., ressortissant français, est entrée en France le 6 novembre 2017 avec un visa de long séjour. Elle a sollicité le 6 juillet 2018 le renouvellement de son titre de séjour. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par un arrêté du 18 décembre 2018, rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera reconduite à défaut de départ volontaire. Mme C... relève appel du jugement du 18 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de ces trois décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, (...). Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". (...) ".

3. Pour refuser à Mme C... le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance qu'elle ne justifiait plus d'une communauté de vie avec son époux. Sans contester ce point, l'intéressée soutient qu'elle s'est séparée de son conjoint en raison des violences physiques et psychologiques qu'elle a subies de la part de celui-ci depuis son arrivée sur le territoire français et qu'elle avait mentionné cette circonstance au préfet lors de sa demande de renouvellement de titre de séjour, ce qui ressort, au demeurant, des termes de l'arrêté en litige. Mme C... était, ainsi, au nombre des étrangers qui, en cas de violences conjugales commises à leur endroit depuis leur entrée en France, sont susceptibles de bénéficier de plein droit, sauf si leur présence sur le territoire constitue une menace pour l'ordre public, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", en application des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la déclaration de main courante du 11 février 2008 dans laquelle elle explique avoir été chassée du domicile conjugal par son mari, du certificat médical du 1er mars 2018 constatant un hématome sur la jambe droite, du procès-verbal de la plainte qu'elle a déposée le 6 mars 2018 pour violences conjugales, physiques et sexuelles, de l'attestation du 8 mars 2018 d'un médecin du service de médecine légale de l'hôpital Jean Verdier, dont il ressort qu'elle a subi les examens habituellement pratiqués suite à des violences sexuelles et qu'un rendez-vous a été pris avec un médecin et un juriste, de l'ordonnance du 19 mars 2018 du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Bobigny l'autorisant à assigner son mari à jour fixe aux fins d'être autorisée à résider séparément et à assigner son mari en divorce, et de l'attestation de la psychologue clinicienne du commissariat d'Aulnay-sous-Bois attestant qu'elle a été prise en charge entre février et juin 2018 puis à compter du 23 mai 2019, qu'il peut être tenu pour établi que l'intéressée a fait l'objet de violences de la part de son époux responsables de la rupture de la communauté de vie. Dans ces conditions, et dès lors qu'il n'établit, ni même n'allègue, que la présence de Mme C... sur le territoire français constituerait une menace pour l'ordre public, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, en refusant de renouveler le titre de séjour de l'intéressée au motif qu'elle avait quitté le domicile conjugal, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 18 décembre 2018.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à Mme C... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un tel titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900658 du 18 avril 2019 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 18 décembre 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 19VE01805 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01805
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: Mme Catherine BOBKO
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-08;19ve01805 ?
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