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17/11/2020 | FRANCE | N°19VE02115

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 17 novembre 2020, 19VE02115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SZR Food a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 12 septembre 2018 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a décidé de mettre à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire prévues par les dispositions du code du travail et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour des montants respectifs de 7 080 euros et 2 553 euros, ainsi que les titres exécutoires d'un montant de 7 080 euros et 2 553 euro

s émis à son encontre le 16 octobre 2018 par la Direction départementale des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SZR Food a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 12 septembre 2018 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a décidé de mettre à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire prévues par les dispositions du code du travail et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour des montants respectifs de 7 080 euros et 2 553 euros, ainsi que les titres exécutoires d'un montant de 7 080 euros et 2 553 euros émis à son encontre le 16 octobre 2018 par la Direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis, en exécution de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Par un jugement n° 1811889 du 6 mai 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juin 2019, la société SZR Food, représentée par Me Khaled, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1811889 du 6 mai 2019 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2° d'annuler décision du 12 septembre 2018 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a décidé de mettre à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire prévues par les dispositions du code du travail et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour des montants respectifs de 7 080 euros et 2 553 euros ;

3° d'annuler les titres exécutoires d'un montant de 7080 euros et 2553 euros émis à son encontre le 16 octobre 2018 par la Direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis en exécution de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

4° de mettre à la charge de de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 12 septembre 2018 :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est intervenue en l'absence de respect de la procédure contradictoire et donc en méconnaissance des droits de la défense dès lors que le procès-verbal d'infraction ne lui a pas été communiqué en dépit d'une demande formulée en ce sens par ses soins ;

- elle et entachée d'erreur de droit ; elle n'a jamais pensé employer un salarié non muni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ; le salarié s'est présenté sous une identité usurpée ; il a présenté l'original de ce document dont l'employeur a conservé une copie ; le titre présenté est bien authentique mais n'appartient pas au salarié ; la ressemblance physique entre les deux individus empêchait tout doute sur l'identité du salarié ; elle a ainsi procédé aux formalités nécessaires en vue de l'embauche d'un salarié muni d'un titre autorisant l'exercice d'une activité salariée et aucune négligence ne peut lui être reprochée ; sa bonne foi doit donc être retenue ;

En ce qui concerne les titres exécutoires émis à son encontre le 16 octobre 2018 :

- les conclusions dirigées contre ces titres de recette sont recevables ;

- ils ont été émis par une personne qui n'avait pas compétence pour ce faire ;

- ils sont dépourvus de base légale eu égard à l'illégalité de la décision de l'Office.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'un contrôle effectué, le 13 avril 2017, par les services de police dans l'établissement, exploité sous l'enseigne " le poulet braisé ", par la société SZR Food, situé

91 rue Anatole France à la Courneuve en Seine-Saint-Denis, la présence en situation de travail d'une personne se présentant comme M. B... A..., en situation irrégulière de travail et de séjour, a été constatée. Le directeur général de l'OFII a donc informé la société SZR Food par un courrier du 22 mai 2018, de ce que cette infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, passible de sanctions pénales, était également susceptible de donner lieu au versement d'une contribution spéciale et d'une contribution forfaitaire et l'a invitée à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. La société SZR Food a présenté des observations écrites en réponse à ce courrier le 4 juin 2018. Par une décision du 12 septembre 2018, le directeur général de l'OFII lui a appliqué la contribution spéciale prévue par les articles L. 8251-1 et R. 8253-1 du code du travail pour un montant de 7 080 euros ainsi que la contribution forfaitaire à hauteur de 2 553 euros en application des dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée, du séjour des étrangers et du droit d'asile. La société a formé un recours gracieux contre cette décision le 31 octobre 2018 rejeté par l'OFII le 12 novembre 2018. Les titres exécutoires afférant aux contributions précitées ont été émis le 16 octobre 2018 par la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis. La société SZR Food a alors demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision de l'Office du 12 septembre 2018 ainsi que les deux titres exécutoires et de la décharger des sommes réclamées. Par un jugement n° 1811889 du 6 mai 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Sur la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du

12 septembre 2018 :

En ce qui concerne les moyens relatifs à l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et au non-respect de la procédure contradictoire :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 2° Infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. Il résulte de l'instruction que la décision attaquée se réfère expressément aux textes applicables et au procès-verbal établi à la suite du contrôle du

13 avril 2017 au cours duquel les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, consistant en l'emploi par la société SZR Food d'un travailleur étranger démuni de titre autorisant le travail et de titre autorisant le séjour en France ont été constatées. La décision précise les sommes dont est redevable la société requérante et, en annexe, le nom du salarié illégalement employé. La décision attaquée, qui mentionne également les dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail, indique également, contrairement à ce que soutient la société requérante, les modalités de détermination du montant dû au titre de la contribution spéciale. La décision attaquée n'avait en revanche pas à faire mention des circonstances dans lesquelles les infractions aux code du travail et code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été constatées, non plus qu'à reproduire les observations présentées par la société en réponse à la lettre d'information du 22 mai 2018. L'administration n'était pas davantage tenue de joindre le procès-verbal d'infraction à la décision attaquée. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et à la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'OFII en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne concernée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de ces contributions qui revêtent le caractère de sanctions administratives. Il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation des contributions spéciale et forfaitaire et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.

5. Si la société se prévaut d'une méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense dès lors que le procès-verbal d'infraction ne lui aurait jamais été communiqué par l'OFII en dépit de la demande qu'elle a présentée en ce sens, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que la société requérante n'a demandé la communication de ce procès-verbal qu'à l'occasion de son recours gracieux dirigé contre la décision du 12 septembre 2018 et présenté devant l'Office, le 31 octobre 2018. Si, en cause d'appel, la société soutient avoir demandé sa communication par un courrier en date du 26 mai 2018, donc antérieur à la décision attaquée, il ne résulte pas de l'instruction que ce courrier ait jamais été envoyé à l'OFII. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur de droit dont la décision attaquée serait entachée :

6. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". L'article L. 5221-8 du même code dispose que : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale (...) Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...). / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'Etat comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine (...) ". Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions.

7. Il résulte de l'instruction que, lors de son audition par les services de police, M. B... A..., a indiqué avoir donné " une copie du titre de séjour " et la carte vitale appartenant à son " ami ". Si, en cause d'appel, le gérant de la société soutient que M. A... lui aurait " donné " une copie du titre de séjour mais lui aurait également, le jour de son embauche, " présenté " l'original de ce titre et que la ressemblance de M. A... et de son véritable titulaire ne lui aurait pas permis de suspecter une usurpation d'identité, il appartient aux employeurs de ressortissants étrangers, en vertu des dispositions précitées du code du travail, de s'assurer, en saisissant le cas échéant les autorités préfectorales, de l'authenticité des documents attestant de la régularité du séjour qui leur sont présentés. Or, il ne résulte pas de l'instruction que le gérant de la société SRZ Food aurait procédé à une telle vérification lors de l'embauche de M. A.... En tout état de cause, il résulte de l'instruction que la validité du récépissé de demande de titre de séjour présenté par M. A... lors de son embauche, et qui autorisait son titulaire à travailler, était expirée à la date à laquelle le contrôle de police a été effectué. L'infraction était dès lors constituée à cette date. La société requérante ne peut, dans ces conditions, utilement se prévaloir de sa bonne foi et de la circonstance qu'elle ignorait l'irrégularité de la situation du ressortissant étranger qu'elle employait. Le moyen doit donc être écarté.

Sur les titres de recette émis à l'encontre de la société le 16 octobre 2018 :

8. En premier lieu, ainsi qu'il a été jugé aux points 13 et 14 du jugement attaqué, M. Jean Luc Hébert, secrétaire administratif de l'intérieur et de l'Outre-mer mis à la disposition de l'OFII par le ministre de l'intérieur, ordonnateur des titres de recette en litige, était compétent pour signer les titres de recette litigieux dès lors qu'il avait, par une décision du 25 mai 2018, publiée le 15 juillet 2018 au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, délégation de signature du directeur général de l'Office, pour signer les titres de perception émis pour le recouvrement des contributions spéciales et forfaitaires. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces titres doit être écarté.

9. En second lieu, si la société excipe de l'illégalité de la décision du directeur général de l'OFII en date du 12 septembre 2018 à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation des titres exécutoires émis à son encontre le 16 octobre 2018, il résulte de ce qui précède que cette exception d'illégalité ne peut qu'être écartée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société SZR Food n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Son appel doit donc être rejeté dans toutes ses conclusions, y compris, celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a en revanche lieu de mettre à la charge de la société requérante, sur le fondement de ces mêmes dispositions, le versement à l'OFII de la somme de 1 500 euros au titre des frais qu'il a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SZR Food est rejetée.

Article 2 : La SZR Food versera à l'OFII une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'OFII sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

N°19VE02115 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02115
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : KHALED TAMANI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-17;19ve02115 ?
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