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10/11/2020 | FRANCE | N°18VE02707

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 10 novembre 2020, 18VE02707


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA LA MERIDIONALE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2014.

Par un jugement n° 1708823 du 28 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 juillet 2018, 5 septembre 2019, 11 octobre 2019, 24 octobre 2019 et 10

décembre 2019, la SA LA MERIDIONALE, représentée par Me B..., avocat, demande à la Cour :

1 d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA LA MERIDIONALE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2014.

Par un jugement n° 1708823 du 28 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 juillet 2018, 5 septembre 2019, 11 octobre 2019, 24 octobre 2019 et 10 décembre 2019, la SA LA MERIDIONALE, représentée par Me B..., avocat, demande à la Cour :

1 d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge demandée ;

3° de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le service a méconnu les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dès lors que le courrier du 14 novembre 2014 lui demandait non seulement des extractions mais aussi des traitements informatiques qu'elle a dû réaliser, et que ce courrier ne précisait pas qu'elle pouvait formuler deux options différentes pour chacun des deux traitements informatiques envisagés par l'administration ;

- en lui demandant de nouvelles informations dans un second temps, l'administration a procédé à un nouveau traitement informatique, sans avoir respecté la procédure prévue par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- la procédure suivie méconnaît les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, combinées à celles du II de l'article L. 47 A de ce même code, dès lors que les résultats des traitements opérés par l'administration et les moyens mis en oeuvre à cette fin n'ont pas été portés à sa connaissance ; en outre, en l'absence de ces éléments et des algorithmes utilisés pour procéder à ces traitements, elle se trouve dans l'impossibilité de reconstituer, elle-même, les montants rappelés ;

- la non-communication des algorithmes utilisés par l'administration méconnaît le droit de la défense, le droit à un procès équitable et le principe d'égalité des armes, tel qu'il découle des stipulations de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le régime de taxe sur la valeur ajoutée des ventes à consommer sur place dans les navires effectuant la traversée entre le continent et la Corse ne peut être dissocié de celui applicable au transport maritime de voyageurs et de marchandises : ces prestations sont strictement définies dans le cadre de la délégation de service public qui encadre également la prestation de transport des voyageurs ; en application de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les prestations de restauration à bord constituent nécessairement une prestation accessoire à celle du transport ; dès lors que la prestation de livraison des biens d'avitaillement des navires est exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, celle de ventes à consommer sur place doit l'être nécessairement pour ne pas porter atteinte au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- l'instruction de juillet 1995 référencée 13 A-1-95 commentant le régime d'exonération des prestations de transport à destination et en provenance de la Corse énonce que les prestations fournies pour les besoins des prestations maritimes entre la France continentale et la Corse sont assimilées à des exportations et ne sont pas imposées à la taxe sur la valeur ajoutée et exonère les prestations de déménagement à destination de la Corse ; une approche similaire doit être appliquée aux prestations des restauration sur place ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés n'ont pas pris en compte le fait générateur de l'imposition, qui est le moment où le repas est consommé par le client et non l'émission des tickets de paiement, qui intervient systématiquement en fin de traversée.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la SA LA MERIDIONALE.

Considérant ce qui suit :

1. La SA LA MERIDIONALE exploite, dans le cadre d'une délégation de service public, un service de transport maritime de passagers entre le port de Marseille et les ports de Corse. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 30 juin 2014, à l'issue de laquelle le service a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations de restauration réalisées à bord des bateaux, que la SA LA MERIDIONALE avait considérées comme exonérées en application des dispositions du 11° du II de l'article 262 du code général des impôts. La société relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 28 juin 2018 rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. [...] ".

3. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en oeuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.

4. Ni ces dispositions, ni aucune autre du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales n'obligeaient le vérificateur, dans son courrier du 12 novembre 2014 informant la SA LA MERIDIONALE de son souhait de mettre en oeuvre des traitements informatiques, à opérer une distinction entre les simples extractions de fichiers et les traitements informatiques.

5. Il résulte de l'instruction que par courrier du 12 novembre 2014, le vérificateur a informé la SA LA MERIDIONALE de son souhait de mettre en oeuvre des traitements informatiques ayant pour objet " de calculer le chiffre d'affaires réalisé et la taxe sur la valeur collectée au titre des ventes de biens ou de certaines prestations de services, en particulier la restauration, sur la base des tickets édités et enregistrés sur vos navires " et de " contrôler la base et les modalités de calcul de la taxe sur les embarquements et débarquements de passagers en Corse et reversée à la direction générale des finances publiques, en application des dispositions de l'article 1599 vicies du CGI ". Ce courrier précisait pour chacun de ces traitements les données informatiques nécessaires, donnait une liste d'actions précises à mettre en oeuvre et des consignes claires relatives à la restitution des résultats. La seule circonstance que le courrier ne mentionnait pas expressément la possibilité pour la société de formaliser deux choix distincts pour chacun des traitements envisagés est à cet égard sans incidence, dès lors que pour chacune de ces demandes, l'administration a suffisamment précisé la nature des investigations qu'elle souhaitait effectuer afin de permettre à la société d'exercer son choix, en toute connaissance de cause, entre les trois options prévues par le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.

6. Si la société soutient avoir été contrainte de produire de nouveaux traitements informatiques à la demande de l'administration, postérieurement à sa réponse au courrier du 12 novembre 2014, en méconnaissance de la procédure prévue par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, il résulte de l'instruction qu'eu égard aux difficultés d'exploitation rencontrées par le service vérificateur, celui-ci a été contraint de demander des informations complémentaires à la SA LA MERIDIONALE. Toutefois, cette demande poursuivait l'objectif initial de la demande de traitement " DGFIP-TVA-CMN ", tel que décrit par l'administration dans sa " demande de traitement n° 1 ", figurant en annexe du courrier du 12 novembre 2014. Par suite, les demandes complémentaires présentées par l'administration ne peuvent être regardées comme étant constitutives d'une nouvelle demande de traitement et le service vérificateur n'était pas tenu d'adresser à la société une nouvelle information sur les investigations qu'il souhaitait entreprendre.

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales doit être écarté dans toutes ses branches.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 de ce même code : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. [...] En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. [...] ".

9. Il résulte de ces dispositions, ainsi que des termes mêmes de celles, précitées, de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales que, lorsqu'une société vérifiée choisit, en vertu du c du II de ce dernier article, de mettre à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle, l'administration est tenue de préciser, dans sa proposition de rectification, les fichiers utilisés, la nature des traitements qu'elle a effectués sur ces fichiers et les modalités de détermination des éléments servant au calcul des rehaussements, mais n'a l'obligation de communiquer ni les algorithmes, logiciels ou matériels qu'elle a utilisés ou envisage de mettre en oeuvre pour effectuer ces traitements, ni les résultats de l'ensemble des traitements qu'elle a réalisés, que ce soit préalablement à la proposition de rectification ou dans le cadre de celle-ci.

10. Il résulte de l'instruction qu'après avoir rappelé les fichiers que le vérificateur a utilisés, les propositions de rectification des 17 décembre 2014 et 11 février 2015, décrivent avec précision la nature des traitements effectués et les modalités de détermination des éléments servant au calcul des rehaussements. La circonstance que les tableaux produits par l'administration diffèrent de ceux qui étaient décrits dans la demande de traitement est, à cet égard, sans incidence, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 3, la demande de traitement informatique a seulement pour objet d'informer le contribuable de la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration n'était tenue de lui communiquer ni les algorithmes utilisés, ni l'ensemble des tableaux et résultats des traitements réalisés.

11. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales que la notification de redressement a pour objet de porter à la connaissance du contribuable les motifs de droit et de fait des redressements envisagés afin qu'il puisse utilement les contester et n'a pas pour but de permettre à celui-ci d'engager un débat sur la régularité de la procédure d'imposition suivie. Par suite, si la SA LA MERIDIONALE, qui a, au demeurant, présenté ses observations par un courrier du 7 avril 2015, sur les propositions de rectification qui lui ont été notifiées, soutient que ces propositions de rectification ne lui permettent pas de vérifier les traitements réalisés par l'administration, cette circonstance est sans incidence sur la régularité des propositions de rectifications des 17 décembre 2014 et 11 février 2015.

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, combinées à celles du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales doit être écarté dans toutes ses branches.

13. Enfin, aux termes de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-199/11 Europese Gemeenschap c/ Otis NV et autres du 6 novembre 2012, que le principe de protection juridictionnelle effective figurant à cet article 47 est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, les droits de la défense, le principe d'égalité des armes, le droit d'accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter.

14. Si la société LA MERIDIONALE a pu faire valoir ses observations sur ces redressements avant leur mise en recouvrement, par un courrier du 7 avril 2015 auquel, l'administration fiscale a apporté une réponse motivée le 3 juin suivant, il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait sollicité, à cette occasion, la communication des traitements informatiques opérés et algorithmes employés par l'administration pour établir les redressements en litige. Par suite, les moyens tirés de ce que la procédure suivie a méconnu le principe d'égalité des armes, corollaire de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux, le droit à faire faire valoir ses observations, tel qu'il est prévu par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ainsi que les moyens tirés de la méconnaissance des droits de la défense et du droit au procès équitable, doivent être écartés, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de restauration :

15. Aux termes de l'article 262 du code général des impôts : " [...] II. Sont également exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : [...] / 11° Les transports entre la France continentale et la Corse pour la partie du trajet située en dehors du territoire continental ; [...] ".

16. En premier lieu, il résulte des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que, lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou d'une livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.

17. Il résulte de l'instruction que la société LA MERIDIONALE met à disposition des passagers de ses navires des services de restauration, dont le coût n'est pas compris dans le prix de la prestation de transport mais fait l'objet d'une facturation distincte à raison des choix de chaque client parmi les offres proposées. De plus, les passagers, qui ne sont pas soumis à une obligation d'achat de ces services et sont autorisés à consommer les vivres qu'ils emportent à bord, peuvent sans difficulté, compte tenu de la durée des trajets entre le continent et la Corse, se dispenser de recourir à des services de restauration, qui doivent être regardés comme destinés seulement à agrémenter leur voyage. La circonstance que la délégation de service public consentie à la requérante lui fasse obligation d'assurer les prestations de restauration en cause est, à cet égard, sans incidence. Dès lors, il résulte des règles énoncées au point 15 ci-dessus que les prestations de restauration à bord, qui constituaient pour les clients une fin en soi, ne pouvaient en l'espèce être regardées comme des prestations accessoires susceptibles de bénéficier du régime d'exonération applicable aux transports de passagers entre la France continentale et la Corse en application du 11° du II de l'article 262 du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a soumis les prestations de restauration à bord à la taxe sur la valeur ajoutée.

18. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que, si le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée garantit la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, c'est à la condition que ces activités soient elles-mêmes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, alors même qu'elle fait obstacle à l'exercice du droit à déduction, l'existence d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée, dans le respect de règles posées par la directive du 28 novembre 2006, ne méconnaît pas par elle-même le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le fait de soumettre les prestations de restauration à bord à la taxe sur la valeur ajoutée, alors que les livraisons de biens destinés à l'avitaillement des navires en sont exonérées méconnaît le principe de neutralité, doit être écarté.

19. En troisième lieu, la requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de l'instruction du 7 août 1995 référencée 13 A-1-95, qui ne comportent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont fait application le présent arrêt.

En ce qui concerne le fait générateur :

20. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où [...] la prestation de services est effectuée [...] ".

21. Si la société requérante soutient que le vérificateur aurait dû considérer que le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée se produit au moment de la consommation des repas, c'est à bon droit, en application des dispositions rappelées ci-dessus, que l'administration a retenu le moment d'émission des tickets de paiement de la prestation, qui correspond au moment auquel le repas est délivré et la prestation effectuée.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la SA LA MERIDIONALE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA LA MERIDIONALE est rejetée.

2

N° 18VE02707


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Catherine BOBKO
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 10/11/2020
Date de l'import : 28/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18VE02707
Numéro NOR : CETATEXT000042531642 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-10;18ve02707 ?
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