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03/09/2020 | FRANCE | N°20VE00365

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 03 septembre 2020, 20VE00365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 1er mars 2019 lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise ou au préfet territorialement compétent, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporair

e mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexame...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 1er mars 2019 lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise ou au préfet territorialement compétent, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1904224 du 9 janvier 2020, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du préfet du Val d'Oise en date du 1er mars 2019 et enjoint au préfet du Val d'Oise de délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à Mme C... épouse A... sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 février 2020, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif a estimé que sa décision était intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er mai 2020, Mme B... C... épouse A..., représentée par Me D..., avocate, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse A..., ressortissante algérienne née le 29 octobre 1989, a sollicité, le 10 janvier 2019, son admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6- 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 1er mars 2019, le préfet du Val d'Oise a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Mme C... épouse A... a demandé l'annulation de cet arrêté au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par jugement en date du 9 janvier 2020, a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le préfet du Val-d'Oise relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de titre de séjour par un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que le refus de titre de séjour porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte, le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure statuant sur le droit au séjour, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse A... est mariée, depuis le 16 mai 2013, soit depuis près de six années à la date de la décision attaquée, à un compatriote titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 8 juillet 2026. Son époux travaille en France en tant qu'équipier de collecte en vertu d'un contrat à durée indéterminé conclu le 19 mars 2018, ayant lui-même succédé à plusieurs contrats à durée déterminée. En 2015, 2016 et jusqu'en novembre 2017, date à laquelle la requérante est restée aux côtés de son époux en France, Mme C... épouse A... a fait de fréquents voyages entre la France et l'Algérie pour rendre visite à son mari. Il n'est pas contesté que l'époux de Mme C... épouse A... avait déposé, le 23 janvier 2018, une demande de regroupement familial au profit de son épouse, avant de retirer cette demande le mois suivant, alors qu'il venait d'apprendre la grossesse gémellaire de sa compagne, le logement occupé étant dès lors devenu trop étroit pour accueillir sa femme et les deux enfants à naître. Les enfants du couple sont nés depuis, le 26 août 2018, et n'étaient donc âgés que de huit mois à la date de la décision attaquée. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont pu estimer qu'en refusant de faire droit à la demande de certificat de résidence de Mme C... épouse A..., alors que l'exécution de l'arrêté attaqué aurait impliqué une séparation du couple, parents de très jeunes enfants, de plusieurs mois, la décision du préfet du Val-d'Oise était intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté en date du 1er mars 2019 et lui a enjoint de lui délivrer à la requérante un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... épouse A... de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Val-d'Oise est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C... épouse A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761 du code de justice administrative.

N° 20VE00365 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00365
Date de la décision : 03/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : LEXGLOBE SELARL CHRISTELLE MONCONDUIT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-09-03;20ve00365 ?
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