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19/05/2020 | FRANCE | N°17VE03880

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 19 mai 2020, 17VE03880


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 025 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de son licenciement prononcé par le recteur de l'académie de Versailles.

Par un jugement n° 1303014 du 12 mai 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 décembre 2017 et 11 juin 2019, Mme C...

A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement susmentionné ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 025 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de son licenciement prononcé par le recteur de l'académie de Versailles.

Par un jugement n° 1303014 du 12 mai 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 décembre 2017 et 11 juin 2019, Mme C... A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement susmentionné ;

2° de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 844 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions aux fins d'indemnisation des heures supplémentaires effectuées mais non payées ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

- la fin prématurée de son contrat le 19 décembre 2012 constitue une mesure de licenciement ; l'Etat a commis une faute, dès lors que la décision de licenciement, intervenue le 19 décembre 2012, n'a pas été motivée et qu'elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière ; elle a subi un préjudice moral évalué à 10 000 euros et un préjudice financier évalué à 232,90 euros en l'absence de versement d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité compensatrice de congés payés ;

- l'Etat a commis une faute en refusant de lui verser le règlement des heures supplémentaires qu'elle a effectuées et le remboursement de ses frais de transports ; elle a subi un préjudice financier évalué à 611,30 euros dont elle demande réparation.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2017.

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat;

- le décret n° 2010-676 du 21 juin 2010 instituant une prise en charge partielle du prix des titres d'abonnement correspondant aux déplacements effectués par les agents publics entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée par l'académie de Versailles en qualité de professeur de génie civil construction et économie à compter du 21 septembre 2012, par un contrat de travail qui a été renouvelé jusqu'au 21 décembre 2012. A la suite d'une inspection le 19 décembre 2012, il a été demandé à l'intéressée, le jour même, de ne plus se présenter à son poste les 20 et 21 décembre 2012, et de retirer tous ses effets personnels de l'établissement. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement du 12 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des divers préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme A... soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur sa demande tendant à l'indemnisation d'heures supplémentaires qu'elle estime avoir effectuées au cours de son engagement contractuel et qui n'auraient pas été payées. Le tribunal ne s'est, en effet, pas prononcé sur ces conclusions, qui sont distinctes des conclusions tendant la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de la mesure dont elle a fait l'objet, prononcée par le recteur de l'académie de Versailles. Il s'ensuit que le jugement en date du 12 mai 2017 doit être annulé comme irrégulier en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation d'heures supplémentaires non payées que Mme A... estime avoir effectuées au cours de son engagement contractuel.

3. Il y a lieu de statuer immédiatement sur celles-ci par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de Mme A..., tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subis à la suite de son éviction, et du

non-paiement de ses frais de transport engagés dans l'exécution de son contrat.

Sur la fin de non-recevoir opposé par le ministre tirée de l'absence de liaison du contentieux :

4. Aux termes des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans leur rédaction avant l'entrée en vigueur du décret n° 2015-1717 du 22 décembre 2015 : " Sauf en matière de travaux publics, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ".

5. Dans les recours enregistrés avant le 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, lorsque le requérant a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, cette décision lie le contentieux. La demande indemnitaire est recevable, que le requérant ait ou non présenté des conclusions additionnelles explicites contre cette décision, et alors même que le mémoire en défense de l'administration aurait opposé à titre principal l'irrecevabilité faute de décision préalable, cette dernière circonstance faisant seulement obstacle à ce que la décision liant le contentieux naisse de ce mémoire lui-même.

6. Il est constant que la demande de première instance de Mme A... enregistrée le 11 juillet 2013 et tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser des préjudices qui résulteraient pour elle de la fin de son contrat, n'a été précédée d'aucune demande adressée à l'administration et, par conséquent, d'aucune décision susceptible de lier le contentieux. L'administration ayant opposé à titre principal l'irrecevabilité des conclusions pour absence de liaison du contentieux et conclu à titre subsidiaire au rejet au fond, par un mémoire du 4 décembre 2013, Mme A... a formé une demande préalable auprès de l'administration qui a été explicitement rejetée par l'administration par une décision du 24 septembre 2014. Cette décision explicite, bien qu'intervenue postérieurement au mémoire en défense opposant à titre principal l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de la requérante, a eu pour effet de lier le contentieux. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par le ministre en défense et tirée de l'absence de liaison du contentieux doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation d'heures supplémentaires non payées :

7. Mme A... soutient qu'elle a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées. Toutefois, pour établir la réalité de ces heures travaillées mais non payées, elle se borne à produire un emploi du temps de 18 heures au nom du professeur titulaire qu'elle dit, sans être contestée sur ce point, remplacer à 50%, avec des mentions de plages horaires barrées manuscritement qui correspondraient aux plages-horaires qu'elle n'aurait pas effectuées. En outre, le ministre conteste la réalisation par la requérante d'heures supplémentaires. En l'absence de toute autre pièce, Mme A... ne peut être regardée comme établissant avoir effectué des heures supplémentaires. Par suite, la responsabilité de l'État ne peut être engagée du fait d'un prétendu non-paiement d'heures supplémentaires. Ses conclusions indemnitaires tendant à l'indemnisation d'heures supplémentaires doivent être rejetées.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice que Mme A... estime avoir subis à la suite de son éviction :

8. Mme A... soutient que son contrat n'ayant pas été exécuté jusqu'à son terme, le 21 décembre 2012, elle a fait l'objet d'un licenciement. Or, le ministre soutient sans être contredit que Mme A... a été rémunérée jusqu'à l'échéance prévue par son dernier contrat de travail, soit jusqu'au 21 décembre 2012. Ainsi, la circonstance qu'elle n'ait pas pu exécuter son contrat jusqu'à son terme puisqu'à la suite d'une inspection le 19 décembre 2012, il lui a été demandé le jour même, de ne plus se présenter à son poste les 20 et 21 décembre 2012, et de retirer tous ses effets personnels de l'établissement, ne peut être regardé comme une mesure de licenciement, le contrat ayant été exécuté par l'administration jusqu'à son terme, mais comme une fin de contrat à durée déterminée. La circonstance que l'intéressée n'ait pas été informée préalablement du non-renouvellement de son contrat est sans incidence sur la qualification de la fin dudit contrat à durée déterminée. Dès lors, Mme A... n'ayant pas fait l'objet d'une mesure de licenciement, elle ne peut prétendre à l'indemnisation de préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de ce licenciement inexistant. Il s'ensuit que sa demande tendant à la réparation d'un préjudice moral, au versement d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité compensatrice de congés payés doit être rejetée.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'indemnisation de frais de transport engagés mais non remboursés :

9. Le remboursement des déplacements domicile-travail est encadré par le décret n° 2010-676 du 21 juin 2010 qui prévoit, à son article 2, une prise en charge partielle des " abonnements multimodaux à nombre de voyages illimité ainsi que les cartes et abonnements annuels, mensuels ou hebdomadaires ou à renouvellement tacite à nombre de voyages illimités ou limités délivrés par la Régie autonome des transports parisiens (RATP), la Société nationale des chemins de fer (SNCF), les entreprises de l'Organisation professionnelle des transports d'Ile-de-France (...) ". Ces dispositions limitent le remboursement des frais engagés par les agents publics par l'employeur à une prise en charge à 50%, de certains abonnements délivrés par la SNCF.

10. Mme A... demande le remboursement de billets SNCF et de frais de taxi qu'elle a engagés pour ses déplacements domicile-travail dans le cadre de l'exécution de son contrat. En application des dispositions précitées de l'article 2 du décret du 21 juin 2010, ces frais ne peuvent donner lieu à remboursement. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice subi à raison du non-remboursement de ses frais de transport doivent être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir tirées de l'absence de production de la décision attaquée et du défaut d'avocat opposées par le ministre en défense, que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions indemnitaires tendant à l'indemnisation du préjudice subi à raison de son éviction et du non remboursement de ses frais de transport.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

13. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions de Mme A... tendant à ce que soit mise à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1303014 rendu le 12 mai 2017 par le Tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation d'heures supplémentaires non payées.

Article 2 : La demande Mme A... tendant à la condamnation de l'État à l'indemnisation d'heures supplémentaires non payées est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

2

N° 17VE03880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03880
Date de la décision : 19/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat.

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance - Liaison du contentieux postérieure à l'introduction de l'instance.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : SELARL CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-05-19;17ve03880 ?
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