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28/04/2020 | FRANCE | N°17VE01440

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 28 avril 2020, 17VE01440


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIÉTÉ LA LOUISIANE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler le titre de recette n° 10195 émis le 1er décembre 2015 à son encontre par la commune de Noisy-le-Grand pour un montant de 60 963,85 euros et de mettre à la charge de la commune de Noisy-le-Grand la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1602105 du 9 mars 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ce titre de recette e

n tant qu'il excède la somme de 58 276,5 euros et rejeté le surplus des conclu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIÉTÉ LA LOUISIANE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler le titre de recette n° 10195 émis le 1er décembre 2015 à son encontre par la commune de Noisy-le-Grand pour un montant de 60 963,85 euros et de mettre à la charge de la commune de Noisy-le-Grand la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1602105 du 9 mars 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ce titre de recette en tant qu'il excède la somme de 58 276,5 euros et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mai 2017 et le 23 octobre 2017, la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE, représentée par Me Gritti, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;

2° d'annuler ce titre de recette ;

3° de mettre à la charge de la commune de Noisy-le-Grand la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- la commune de Noisy-le-Grand n'établit pas que les dommages dont elle demande réparation seraient la conséquence d'une faute commise par la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE ; l'expertise amiable contradictoire sur laquelle elle se fonde n'a eu lieu qu'en août 2013, soit six mois après le sinistre ; le témoignage d'un agent de GRDF, présent le jour du sinistre, selon lequel un technicien de la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE aurait injecté de l'oxygène dans la conduite défectueuse avant de la réparer, afin de chasser le gaz encore présent, est insuffisant en application de l'article 4.11.1 du cahier des clauses techniques particulières, il ne lui appartenait pas de purger l'intégralité du réseau, après son intervention ;

- il appartenait à la société Idex de respecter le " protocole essai gaz " applicable en cas de réparation d'un réseau enterré et de ne pas procéder à la remise en service de la chaudière sans disposer du certificat d'étanchéité gaz ;

- en tout état de cause, les sommes demandées par la commune de Noisy-le-Grand ne sont pas en lien avec le sinistre.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée par l'ordonnance n° 2020-405 du 8 avril 2020 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Cabon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Noisy-le-Grand a conclu le 8 novembre 2010 avec la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE un marché à bons de commande pour la réalisation de " travaux de plomberie, gaz et chauffage sur le patrimoine communal ". Estimant que la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE avait, dans le cadre de l'exécution de ce marché public, commis une faute lors de son intervention du 16 février 2013, la commune de Noisy-le-Grand a émis à son encontre le 1er décembre 2015 un titre de recette n° 10195 d'un montant de 60 963,85 euros en réparation de son préjudice. Par un jugement n° 1602105 du 9 mars 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ce titre de recette en tant qu'il excède la somme de 58 276,5 euros. La SOCIÉTÉ LA LOUISIANE relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande d'annulation dudit titre de recette. La commune de Noisy-le-Grand, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE.

Sur la responsabilité contractuelle de la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE :

2. Aux termes de l'article 1.3 du cahier des clauses techniques particulières, annexé au marché : " Tous les travaux devront être exécutés selon les règles de l'art avec toute la perfection possible et selon les meilleures techniques et pratiques en usage. A ce sujet, il est formellement précisé aux entreprises qu'il sera exigé un travail absolument parfait et répondant en tous points aux règles de l'art (...). La démolition de tous travaux défectueux par le maitre d'oeuvre et leur réfection jusqu'à satisfaction totale seront implicitement à la charge de l'entrepreneur, de même que tous frais de réfection des dégâts éventuels causés aux ouvrages des autres corps d'état, ou aux existants à conserver ".

3. Il résulte de l'instruction qu'une première fuite de gaz a été constatée le

15 février 2013 sur le réseau desservant le groupe scolaire La Varenne, qui dépend de la commune de Noisy-le-Grand. En exécution du contrat mentionné au point 1, la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE a procédé le lendemain à la réparation de la conduite défectueuse. Peu après la remise en service du gaz par GRDF, une seconde fuite a été détectée, nécessitant une nouvelle intervention de la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE. A la suite de cette réparation et de la remise en service du gaz, un technicien de la société Idex, en charge de la maintenance des installations de chauffage, a procédé au redémarrage de la chaudière de l'établissement. Dans les secondes suivant cette opération, une explosion s'est produite au niveau du " ballon tampon gaz ", avec expulsion des vannes de purges, faisant sortir une flamme du ballon.

4. Le " procès-verbal de constatations relatives aux causes, circonstances et l'évaluation des dommages ", établi le 9 septembre 2014 à la suite de deux réunions d'expertise amiables et contradictoires qui ont eu lieu les 7 et 29 août 2013, et auxquelles ont assisté des représentants de la commune de Noisy-le-Grand, de la société Idex, de GRDF et de la société requérante, indique que l'agent de GRDF présent sur les lieux le jour du sinistre a constaté que le technicien de la société requérante a, préalablement à la réparation, injecté de l'oxygène dans la canalisation à l'aide de son poste à souder oxy-acetylène afin de chasser le gaz encore présent, et conclut que le sinistre est dû à aux manipulations du préposé de la société LA LOUISIANE lors de l'intervention du 16 février 2013. Si la société requérante fait valoir qu'elle a contesté ces conclusions, ainsi que le témoignage du technicien de GRDF, il ressort de la copie du rapport d'expertise amiable versé au dossier que l'expert de son assureur, la SMABTP, n'a présenté de brèves observations en ce sens que le 8 mars 2016, soit deux ans et demi après les réunions contradictoires susmentionnées, et postérieurement à l'émission du titre de recette litigieux. En outre, si la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE verse au dossier, pour la première fois en appel, une attestation établie le 5 mars 2016 par le technicien ayant procédé à l'intervention le jour du sinistre, contestant le témoignage de l'agent de GRDF, ce document ne présente pas un caractère probant suffisant. Si la société requérante produit également, pour la première fois en appel, un rapport portant la date du 6 mars 2014, établi par l'expert de son assureur, dans lequel ce dernier indique qu'un dysfonctionnement de la vanne police pourrait être à l'origine du sinistre, cette hypothèse, peu étayée, n'est pas confirmée par la seule circonstance que ladite vanne a été remplacée après le sinistre.

5. Si la société requérante soutient qu'il appartenait à la société Idex d'effectuer la purge des réseaux situés dans le local chaufferie, auquel elle n'avait d'ailleurs pas accès, avant de procéder à la remise en service des brûleurs, le contrat d'entretien liant la société Idex à la commune de Noisy-le-Grand ne porte, en tout état de cause, que sur la maintenance de la chaudière, l'entretien courant des conduites de gaz relevant de la seule responsabilité contractuelle de la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE. Si la société requérante soutient que la société Idex n'a pas respecté le " protocole essai gaz pour réparation d'un réseau enterré ", versé au dossier, et a procédé à la remise en service de la chaudière sans disposer du " certificat d'étanchéité gaz ", il résulte de l'instruction que ledit protocole est un document interne à la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE destiné à ses techniciens, et vise à s'assurer de l'absence de fuite et non de la présence d'éléments inappropriés, comme en l'espèce, dans les conduites. Dans ces conditions, l'existence d'une faute de la société Idex ayant contribué au dommage subi par la commune n'est pas établie. La société requérante ne saurait à cet égard inférer de l'article 4.11.1 du cahier des clauses techniques particulières aux termes duquel " les canalisations de distribution seront réalisées en raccordement sur l'existant ", qu'elle n'avait pas l'obligation de procéder, si nécessaire, à une purge du réseau à la suite des travaux qu'elle a effectués. Enfin, si la société requérante soutient que l'agent de GRDF n'aurait pas procédé à la remise en service du gaz après la réparation s'il avait connaissance, comme il l'affirme, de l'utilisation d'oxygène lors de la réparation, il ne résulte pas de l'instruction qu'il a eu connaissance de ce que la société

LA LOUISIANE n'avait pas préalablement procédé à la purge de l'installation.

6. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE a commis une faute seule à l'origine du dommage subi par la commune de Noisy-le-Grand le

16 février 2013.

Sur le préjudice subi par la commune de Noisy-le-Grand :

7. La commune de Noisy-le-Grand évalue le préjudice qu'elle a subi du fait du sinistre mentionné au point 3 à la somme totale de 60 963,85 euros et produit à l'appui de cette somme six justificatifs de mandatement, établis entre le 31 mars 2013 et le 11 août 2014.

8. En premier lieu, si la commune de Noisy-le-Grand fait valoir qu'elle a dû procéder à la réfection totale du réseau situé entre le poste de détente et la vanne police pour un montant total de 14 992,45 euros, il résulte de l'instruction, et en particulier du procès-verbal du

9 septembre 2014 susmentionné, que ces travaux ont été réalisés en raison d'une baisse de pression persistante dans le réseau, provoquée par une nouvelle fuite constatée le 20 février 2013. A cet égard, la commune de Noisy-le-Grand n'établit par aucune pièce que cette fuite résulterait du sinistre causé par l'intervention de la société requérante. Par suite, les deux factures d'un montant respectif de 9 862,22 euros et 5 130,23 euros, correspondant à ces travaux, ne peuvent être prises en compte et doivent être écartées.

9. En deuxième lieu, si la commune de Noisy-le-Grand fonde également sa créance sur deux justificatifs de mandatement d'un montant respectif de 2 477,45 euros et 209,90 euros, correspondant aux deux réparations de la société requérante, celles-ci sont antérieures au sinistre et donc sans lien avec le préjudice subi par la commune.

10. Enfin, il résulte de l'instruction que les paiements d'un montant respectif de

963,69 euros et 41 988,86 euros correspondent aux travaux qui ont été nécessaires à la remise en état de la chaufferie, ainsi qu'au chauffage de l'établissement par utilisation de convecteurs électriques pendant la durée de ces travaux. Ces sommes sont en lien direct avec la faute de la société LA LOUISIANE. Par suite, la commune de Noisy-le-Grand est fondée à en demander le remboursement, soit la somme totale de 42 952,55 euros.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le titre exécutoire émis le 1er décembre 2015 par la commune de Noisy-le-Grand à l'encontre de la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE doit être annulé en tant qu'il excède la somme de 42 952,55 euros. Les conclusions incidentes de la commune de Noisy-le-Grand doivent ainsi être rejetées.

Sur les dépens :

12. Aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, les conclusions de la société requérante tendant au remboursement des dépens sont sans objet et doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société requérante et la commune de Noisy-le-Grand.

D É C I D E :

Article 1er : Le titre exécutoire émis le 1er décembre 2015 par la commune de Noisy-le-Grand à l'encontre de la SOCIÉTÉ LA LOUISIANE est annulé en tant qu'il excède la somme de

42 952,55 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1602105 du 9 mars 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

N° 17VE01440 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01440
Date de la décision : 28/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : COMME

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-04-28;17ve01440 ?
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