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27/02/2020 | FRANCE | N°19VE02452

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 27 février 2020, 19VE02452


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société LOUIS DREYFUS ARMATEURS a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 36 419 037,50 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 février 2016 et de la capitalisation des intérêts à compter de cette même date, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la mise en oeuvre fautive de la procédure de passation d'un contrat de partenariat portant sur " l'achat de prestations de services au profit

du ministère de la défense pour assurer des missions militaires et/ou civiles ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société LOUIS DREYFUS ARMATEURS a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 36 419 037,50 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 février 2016 et de la capitalisation des intérêts à compter de cette même date, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la mise en oeuvre fautive de la procédure de passation d'un contrat de partenariat portant sur " l'achat de prestations de services au profit du ministère de la défense pour assurer des missions militaires et/ou civiles de soutien et d'assistance hauturiers comprenant la mise à disposition et le maintien en conditions opérationnelles de navires avec et sans équipage " et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 452 701,98 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 février 2016 et de la capitalisation des intérêts à compter de cette même date.

Par un jugement n° 1601701 du 7 mai 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société LOUIS DREYFUS ARMATEURS.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2019, la société LOUIS DREYFUS ARMATEURS représentée par Me A..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 36 419 037,50 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2014 et de la capitalisation des intérêts à compter de cette même date, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la mise en oeuvre fautive de la procédure de passation d'un contrat de partenariat portant sur " l'achat de prestations de services au profit du ministère de la défense pour assurer des missions militaires et/ou civiles de soutien et d'assistance hauturiers comprenant la mise à disposition et le maintien en conditions opérationnelles de navires avec et sans équipage " ;

3° à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 452 701,98 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2014 et de la capitalisation des intérêts à compter de cette même date ;

4° de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a rejeté à tort sa demande comme irrecevable en faisant application de la jurisprudence " Czabaj " ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute en raison d'abord de l'illégalité de la décision du ministre de la défense du 17 décembre 2013 de déclarer sans suite la procédure de dialogue compétitif engagée pour la passation d'un contrat de partenariat ; cette décision n'est justifiée par aucun motif d'intérêt général ; le motif économique invoqué par l'administration ne repose pas sur une évaluation comparative pertinente et résulte de la prise en compte d'éléments occultés ou incomparables ;

- l'Etat a en outre commis une faute en décidant irrégulièrement de recourir au contrat de partenariat ; en méconnaissance de l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, il n'a en effet procédé à l'évaluation, notamment comparative, de ses besoins et du coût global de son projet qu'à l'issue du dialogue compétitif, et non préalablement au lancement de cette procédure ;

- l'Etat a détourné la procédure de dialogue compétitif en vue de définir plus précisément ses besoins, ce qui lui a permis d'établir le cahier des charges des marchés publics qu'il a finalement passés aux frais des candidats au contrat de partenariat ;

- la responsabilité de l'Etat est enfin engagée du fait du retard fautif avec lequel il l'a informée de sa décision de ne pas poursuivre la procédure de passation ; alors qu'elle a remis son offre finale le 13 mars 2013, l'Etat ne lui a fait part de cet abandon que par décision du 17 décembre 2013 ; il était pourtant en mesure de juger de l'intérêt économique de la conclusion d'un contrat de partenariat bien avant le mois de décembre 2013 ;

- elle a subi un préjudice résultant de son manque à gagner, à hauteur de 34 966 335,53 euros, et des frais engagés au titre de sa participation au dialogue compétitif et de la présentation de son offre, à hauteur de 1 452 701,98 euros ; dès lors que le groupement auquel elle appartenait a présenté la seule offre recevable, elle a perdu une chance plus que sérieuse de conclure le contrat de partenariat.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour la société LOUIS DREYFUS ARMATEURS.

Considérant ce qui suit :

1. La société LOUIS DREYFUS ARMATEURS relève appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 mai 2019 rejetant comme irrecevable sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de ses préjudices résultant de l'abandon de la procédure de passation d'un contrat de partenariat portant sur " l'achat de prestations de services au profit du ministère de la défense pour assurer des missions militaires et/ou civiles de soutien et d'assistance hauturiers comprenant la mise à disposition et le maintien en conditions opérationnelles de navires avec et sans équipage " pour lequel elle avait présenté une offre au sein d'un groupement également composé de la société DCNS.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors notamment assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.

4. Il résulte de l'instruction que la décision du 23 septembre 2014, par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande indemnitaire préalable commune des sociétés LOUIS DREYFUS ARMATEURS et DCNS, leur a été notifiée le 26 septembre 2014. Cette décision ne comportant pas la mention des voies et délais de recours, le délai de deux mois prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'est pas opposable à la société requérante. En outre, si le principe de sécurité juridique implique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an, cette règle ne trouve pas à s'appliquer, ainsi qu'il a été dit au point 3, aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique ainsi qu'il résulte d'une décision du Conseil d'Etat " Centre hospitalier de Vichy " rendue le 17 juin 2019 sous le n° 413 097, postérieurement au jugement attaqué. Dans ces conditions, la société LOUIS DREYFUS ARMATEURS n'était pas tardive lorsqu'elle a saisi, le 19 février 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qui lui sont imputés.

5. Il résulte de ce qui précède que la société LOUIS DREYFUS ARMATEURS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande comme irrecevable. Ce jugement doit, par suite, être annulé. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société LOUIS DREYFUS ARMATEURS de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1601701 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 mai 2019 est annulé.

Article 2 : Le dossier de la demande de la société LOUIS DREYFUS ARMATEURS est renvoyé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société LOUIS DREYFUS ARMATEURS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 19VE02452


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-07 Procédure. Introduction de l'instance. Délais.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : AARPI GIDE-LOYRETTE-NOUEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 27/02/2020
Date de l'import : 10/03/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19VE02452
Numéro NOR : CETATEXT000041697517 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-27;19ve02452 ?
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