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27/02/2020 | FRANCE | N°19VE01401

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 27 février 2020, 19VE01401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ATELIERS BOIS a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Bondoufle à lui verser à titre de provision, la somme de 39 484,21 euros TTC assortie des intérêts moratoires au titre du solde du lot n° 3 des travaux de construction du centre technique municipal et l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros.

Par une ordonnance n° 1808604 du 4 avril 2019, le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles a r

ejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 avr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ATELIERS BOIS a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Bondoufle à lui verser à titre de provision, la somme de 39 484,21 euros TTC assortie des intérêts moratoires au titre du solde du lot n° 3 des travaux de construction du centre technique municipal et l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros.

Par une ordonnance n° 1808604 du 4 avril 2019, le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2019, la société ATELIERS BOIS, représentée par Me C..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler cette ordonnance ;

2° de condamner la commune de Bondoufle à lui verser à titre de provision, la somme de 39 484,21 euros assortie des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du

3 décembre 2018 ainsi que l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros, au titre du solde du lot n° 3 des travaux de construction du centre technique municipal ;

3° de mettre à la charge de la commune de Bondoufle la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée qui retient un moyen non soumis au débat contradictoire est irrégulière ;

- elle justifie d'un décompte général et définitif tacite en vertu de l'article 13.4.4 du CCAG Travaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2019, la commune de Bondoufle, représentée par Me Tabone, avocat, demande à la Cour de rejeter la requête de la société ATELIERS BOIS et de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de

3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- les observations de Me C..., pour la société ATELIERS BOIS et celles de Me B..., pour la commune de Bondoufle.

Une note en délibéré, enregistrée le 14 février 2020, a été présentée pour la commune de Bondoufle.

Une note en délibéré, enregistrée le 14 février 2020, a été présentée pour la société ATELIERS BOIS.

Considérant ce qui suit :

1. La société ATELIERS BOIS relève appel de l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande de provision au titre du solde du lot n° 3 " charpente métallique" des travaux de construction du centre technique municipal de la commune de Bondoufle.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Pour rejeter la demande de la société ATELIERS BOIS, l'ordonnance attaquée retient qu'en " l'absence du procès-verbal d'exécution des travaux ou prestations ayant fait l'objet de réserves ou de la notification ultérieure au titulaire, par le maître d'ouvrage, de la réception définitive du marché, le document envoyé par la société Ateliers Bois le 10 avril 2018, soit antérieurement à la levée des réserves, ne peut être regardé comme le projet de décompte final au sens de l'article 13.3.2 du CCAG ". Elle répond ainsi au moyen de la demande de première instance se prévalant de l'existence d'un décompte général et définitif tacite. Dès lors, l'ordonnance attaquée ne peut être regardée comme ayant soulevé d'office un moyen qui n'est pas d'ordre public. Le moyen tiré de ce que cette ordonnance serait irrégulière doit être écarté.

Sur la demande de provision :

3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.

4. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public de travaux est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties.

5. Aux termes de l'article 13.3.1. du cahier des clauses administratives générales (CCAG) des marchés de travaux, applicable au marché en litige : " Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées (...) ". Aux termes de son article 13.3.2. : " Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'oeuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3. (...) S'il est fait application des dispositions de l'article 41.6., la date de notification de la décision de réception des travaux est la date retenue comme point de départ des délais

ci-dessus ". Aux termes de l'article 13.4.2. du même cahier : " (...) Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : - trente jours à compter de la réception par le maître d'oeuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire (...) ". L'article 13.4.4. du même cahier stipule que " si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2., le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, un projet de décompte général signé, composé : - du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1. ; - du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1. pour les acomptes mensuels ; - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. Si dans un délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif (...) Le décompte général et définitif lie définitivement les parties (...) ". Aux termes de l'article 41.6. du même cahier : " Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1. ".

6. La commune de Bondoufle a attribué, le 12 mai 2016, à la société ATELIERS BOIS le lot n° 3 " charpente métallique " des travaux de construction du centre technique municipal. La collectivité a prononcé la réception de ce lot avec réserves par une décision du 12 mars 2018. La société ATELIERS BOIS a adressé, le 10 avril 2018, une " proposition de décompte " accompagné d'un état de solde faisant apparaître un reste dû au titulaire de 52 908,85 euros TTC et une demande de paiement direct de 1 084 euros en faveur de son sous-traitant à la commune de Bondoufle et au maître d'oeuvre. La commune a rejeté cette proposition dans un courrier du 23 avril 2018. Le 17 mai 2018, la société ATELIERS BOIS a adressé à la commune et au maître d'oeuvre un " projet de décompte général " reprenant les sommes figurant dans sa " proposition de décompte " du 10 avril 2018. La commune et le maître d'oeuvre ont refusé ce projet de décompte dans des courriers des 30 mai 2018 et 4 juin 2018. Le 11 septembre 2018, la commune de Bondoufle a adressé à la société ATELIERS BOIS un décompte général définitif faisant apparaître un reste dû au titulaire de 12 340,64 euros et au sous-traitant de 1 084 euros. La société ATELIERS BOIS a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles d'une demande présentée sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative tendant à la condamnation de la collectivité à lui verser une provision de 39 484,21 euros TTC. Par une ordonnance du 22 janvier 2018, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté cette demande. La société ATELIERS BOIS relève appel de cette ordonnance.

7. En premier lieu, si l'article 3.3.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige stipule notamment que " le règlement du marché s'effectuera sous la forme d'un délai global de paiement fixé à 30 jours maximum à compter de la réception des mémoires en mairie ", les parties ne peuvent ainsi être regardées comme ayant entendu déroger aux stipulations précitées du CCAG Travaux relatives au décompte tacite. D'ailleurs, l'article 11 du CCAP ne comporte aucune mention d'une telle dérogation. En l'absence de contradiction entre les stipulations du CCAP et du CCAG Travaux concernant l'établissement du décompte tacite, celles-ci sont applicables au marché en litige.

8. En deuxième lieu, il résulte des stipulations précitées des articles 13.3.2 et 41.6 du CCAG Travaux qu'en cas de réception avec réserves, le délai de trente jours imparti au titulaire pour notifier son projet de décompte final court à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux. Ainsi, l'existence de réserves lors de la réception des travaux ne fait pas obstacle au déclenchement des délais donnant naissance à un décompte tacite.

Le représentant du pouvoir adjudicateur a d'ailleurs la possibilité de réserver les sommes correspondant à la réalisation des travaux nécessaires à la levée des réserves au sein du décompte général qu'il lui appartient de notifier au titulaire dans les délais de trente jours et dix jours prévus par les stipulations précitées des articles 13.4.2 et 13.4.4 du CCAG Travaux.

9. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la décision de réception des travaux est intervenue le 12 mars 2018, la date d'achèvement des travaux étant fixée au 12 février 2018.

La société ATELIERS BOIS justifie, par la production d'accusés de réception postale, que sa " proposition de décompte " accompagnée d'un état de solde a été adressée et reçue non seulement par la collectivité mais aussi par le maître d'oeuvre le 12 avril 2018 dans le délai de trente jours prévu par les stipulations précitées de l'article 13.3.2 du CCAG Travaux.

10. En troisième lieu, cette " proposition de décompte ", qui faisait notamment apparaître un montant total TTC à payer pour le mois en cours de 52 908,85 euros, doit être regardée comme comportant la transmission par le titulaire de son projet de décompte final au sens de l'article 13.3.2 du CCAG Travaux. Cette " proposition de décompte " mentionne d'ailleurs non seulement les coordonnées bancaires de la société ATELIERS BOIS pour le virement de la somme de 51 824,85 euros mais également celles de la société d'affacturage avec laquelle son sous-traitant a contracté, pour le virement de la somme de 1 084 euros. Elle constitue ainsi la demande de paiement finale du titulaire au sens de l'article 13.3.1 du CCAG Travaux. Sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la commune a rejeté cette demande par un courrier du 23 avril 2018, cette transmission à la commune et au maître d'oeuvre a eu pour effet de déclencher le délai de trente jours prévu par les stipulations précitées de l'article 13.4.2 du CCAG Travaux.

11. Enfin, la commune de Bondoufle n'ayant pas notifié le décompte général à la société ATELIERS BOIS à l'expiration des délais prévus à l'article 13.4.2 du CCAG précité, la société lui a notifié, par un courrier du 17 mai 2018 reçu par elle le 18 mai 2018, un projet de décompte général accompagné du projet d'état de solde et du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde. En l'absence de notification de son décompte général par le représentant du pouvoir adjudicateur dans le délai de dix jours prévu par l'article 13.4.4 précité du CCAG Travaux, la société ATELIERS BOIS est fondée à se prévaloir de l'existence d'un décompte général et définitif né tacitement le 28 mai 2018, en application des stipulations précitées du CCAG Travaux, pour justifier sa demande de provision, sans qu'y fasse obstacle la double circonstance que la commune et le maître d'oeuvre ont rejeté ce décompte par des courriers des 30 mai 2018 et 4 juin 2018 et que la commune a adressé un décompte général au titulaire le 11 septembre 2018, soit postérieurement à la naissance du décompte général et définitif tacite.

12. Il résulte de ce qui précède que l'obligation de la commune de Bondoufle n'étant sérieusement contestable, ni dans son principe, ni dans son montant, la société ATELIERS BOIS est fondée à demander sa condamnation à lui verser la somme de 39 484,21 euros TTC à titre de provision, cette somme étant assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du

3 décembre 2018.

13. Aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique applicable au marché en litige :

" Le délai de paiement prévu au premier alinéa de l'article 37 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée est fixé à trente jours (...) ". Aux termes du 2° du I de l'article 2 du même décret :

" Pour le paiement du solde des marchés de travaux soumis au code des marchés publics, le délai de paiement court à compter de la date de réception par le maître d'ouvrage du décompte général et définitif établi dans les conditions fixées par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ". Aux termes de l'article 7 : " Lorsque les sommes dues au principal ne sont pas mises en paiement (...), le créancier a droit (...) au versement de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement (...) ". L'article 9 dispose : " Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est fixé à 40 euros ".

14. En application de ces dispositions, la commune de Bondoufle est condamnée à verser à la société ATELIERS BOIS, à titre de provision, la somme de 40 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société ATELIERS BOIS, qui n'est pas la partie perdante, verse une quelconque somme à la commune de Bondoufle au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bondoufle le versement de la somme de 1 500 euros à la société ATELIERS BOIS à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1808604 du juge des référés du Tribunal administratif de Versailles du 4 avril 2019 est annulée.

Article 2 : La commune de Bondoufle est condamnée à verser à la société ATELIERS BOIS une provision d'un montant de 39 484,21 euros TTC, cette somme étant assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 3 décembre 2018.

Article 3 : La commune de Bondoufle est condamnée à verser à la société ATELIERS BOIS, à titre de provision, une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros.

Article 4 : La commune de Bondoufle versera la somme de 1 500 euros à la société ATELIERS BOIS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Bondoufle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 19VE01401


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01401
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés. Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : BARBEROUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-27;19ve01401 ?
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