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06/12/2019 | FRANCE | N°18VE01790;18VE01802

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 06 décembre 2019, 18VE01790 et 18VE01802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 18 mai 2016 par laquelle le maire de la commune de Puteaux a prononcé sa révocation pour un motif disciplinaire, d'enjoindre au maire de la commune de Puteaux de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours, et de mettre à la charge de la commune de Puteaux la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1606214 du 20 mars 2018, le Tri

bunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 18 mai 2016 par laquelle le maire de la commune de Puteaux a prononcé sa révocation pour un motif disciplinaire, d'enjoindre au maire de la commune de Puteaux de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours, et de mettre à la charge de la commune de Puteaux la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1606214 du 20 mars 2018, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 18 mai 2018 et le

7 novembre 2019 sous le n° 18VE01790, M. C... D..., représenté par Me F..., avocate, demande à la Cour :

1°d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cet arrêté ;

3° d'enjoindre à la commune de Puteaux de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4° de mettre à la charge de la commune de Puteaux, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au titre de la première instance, et la somme de 2 500 euros au titre de la présente instance.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis plusieurs erreurs de fait et d'appréciation ;

- l'arme factice qu'il portait le jour des faits ne pouvait blesser personne ;

- son traitement médicamenteux lié à son état dépressif, conjugué à l'état d'ébriété dans lequel il se trouvait, a aboli son discernement ;

- ses menaces de mort à l'encontre de la maire de Puteaux n'ayant pas été proférées en public, elles n'ont pu avoir pour effet de porter atteinte à l'image de la collectivité ; à cet égard, seul son état d'ébriété est à l'origine de son interpellation ;

- en dépit de la condamnation pénale dont il a fait l'objet, la sanction retenue est disproportionnée ; en effet, l'arme qu'il portait le jour des faits était factice et ne présentait aucun danger pour les tiers ; il n'a commis aucun acte violent ; il a eu un parcours exemplaire depuis son recrutement par la commune le 1er juillet 1993 ; il n'a jamais été sanctionné ; ses évaluations ont toujours été positives ; il a reçu la médaille du travail en 2013 ; ses mérites ont d'ailleurs été reconnus par l'ancien maire de Puteaux, M. G..., dans une attestation établie le

14 juin 2017 ; son état de santé n'a pas été pris en compte, alors qu'il a nécessité plusieurs arrêts de travail et qu'il est pour une large part à l'origine des faits qu'on lui reproche, lesquels se sont de surcroît produits en dehors du service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2019, la commune de Puteaux, représentée par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1° de rejeter la requête ;

2° de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 18 mai 2018 et le

15 février 2019 sous le n° 18VE01802, M. C... D..., représenté par Me F..., avocate, demande à la Cour de suspendre l'exécution du jugement n° 1606214 du 20 mars 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables pour lui ;

- il a soulevé des moyens sérieux concernant la régularité du jugement et le fond du litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2018, la commune de Puteaux, représentée par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1° de rejeter la requête ;

2° de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- les observations de Me B..., pour M. D..., et celles de Me E..., pour la commune de Puteaux.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées n° 18VE01790 et n° 18VE01802, présentées pour

M. D..., tendent à l'annulation et à la suspension de l'exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. D..., recruté le 1er juillet 1993 par la commune de Puteaux, est agent technique territorial titulaire. Il a occupé en dernier lieu les fonctions de chargé de mission auprès du directeur du service environnement et développement durable. Par un arrêté du

18 mai 2016, M. D... a été révoqué aux motifs, d'une part, que par un jugement définitif du 26 mai 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre statuant en matière correctionnelle l'a condamné à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve de deux ans pour avoir proféré en état d'ébriété des menaces de mort à l'encontre de la maire de la commune de Puteaux et avoir porté hors de son domicile une arme factice de type pistolet semi-automatique Airsoft et, d'autre part, que ces faits commis au soir du premier tour des élections départementales portent atteinte à l'image de la commune et constituent une faute d'une particulière gravité justifiant l'exclusion de M. D... de la fonction publique.

M. D... relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné du

18 mai 2016.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

3. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation ".

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de la soirée du 22 mars 2015,

M. D..., qui se trouvait dans l'enceinte de l'hôtel de ville de Puteaux où s'achevaient les opérations relatives au 1er tour de scrutin des élections départementales, a été interpellé par la police municipale en raison de son état d'ébriété avancé. En outre, au cours de son séjour à l'hôpital Foch de Suresnes et pendant le trajet de retour vers le commissariat de police le même soir, l'intéressé a proféré des menaces de mort à l'encontre de la maire de Puteaux. Les policiers ont par ailleurs constaté qu'il portait une arme factice de type pistolet Airsoft. La matérialité de ces faits, qui n'est pas contestée par le requérant, est établie.

6. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que M. D... présente depuis le 17 décembre 2014 un " état anxio-dépressif réactionnel sévère ", ayant nécessité plusieurs arrêts de travail au cours des années 2015 et 2016. Son état de santé a également entraîné une hospitalisation complète du 25 février 2015 au 28 février suivant, soit un mois environ avant les faits mentionnés au point précédent. En outre, il ressort des procès-verbaux d'audition des policiers municipaux appelés sur les lieux le soir des faits que M. D... n'a été interpellé qu'en raison de son état d'ébriété. S'il est vrai que le requérant a proféré des menaces de mort à l'encontre de la maire de Puteaux, il est constant que ces propos n'ont pas été tenus en public mais lors d'une conversation avec les policiers l'ayant interpellé, alors qu'il se trouvait à l'hôpital et lors du trajet de retour vers le commissariat de police. Enfin, il ressort du rapport de mise à disposition établi le soir même par ces agents que l'arme factice retrouvée sur l'intéressé, lors de son passage à l'hôpital, était vide de tout projectile. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le requérant, recruté le 1er juillet 1993 par la commune de Puteaux ainsi qu'il a été dit au point 2, n'a jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire au cours de sa carrière professionnelle et peut se prévaloir d'évaluations annuelles positives, ayant d'ailleurs conduit l'autorité communale à émettre en 2012 un avis favorable à l'attribution de la médaille du travail. Si la commune de Puteaux fait valoir que le requérant a tenu au cours de l'année 2014 des propos agressifs et déplacés en présence de l'assistante du " DGA ressources " et à l'égard de celui-ci, ces faits n'ont pas donné lieu à l'engagement d'une procédure disciplinaire. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si les faits pour lesquels M. D... a été condamné le

26 mai 2015 à une peine d'emprisonnement avec sursis assortie d'une injonction thérapeutique constituent un manquement grave aux obligations déontologiques auxquelles sont soumis les fonctionnaires et sont de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire, la sanction de révocation prononcée à son encontre le 18 mai 2016 est disproportionnée.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'annulation d'une sanction de révocation implique uniquement qu'il soit procédé à la réintégration juridique de l'agent pendant la période où il a été illégalement exclu, ainsi qu'à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux et à la retraite pour cette même période.

Par suite, les conclusions à fin d'injonction de M. D..., qui se borne à demander le réexamen de sa situation par la commune de Puteaux, doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à l'exécution du jugement :

9. Le présent arrêt jugeant l'affaire au fond, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18VE01802 de M. D... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. D..., qui n'est pas la partie perdante, verse à la commune de Puteaux une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme 2 500 euros à la charge de la commune de Puteaux au titre de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1606214 du 20 mars 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du maire de Puteaux du 18 mai 2016 sont annulés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18VE01802 de M. D....

Article 3 : La commune de Puteaux versera à M. D... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 18VE01790 de M. D... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Puteaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à la commune de Puteaux.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Camenen, président,

M. A..., premier conseiller,

Mme Sauvageot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2019.

Le rapporteur,

T. A... Le président,

G. CAMENEN

Le greffier,

V. BRIDET

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Nos 18VE01790... 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : ATHON-PEREZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 06/12/2019
Date de l'import : 24/12/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18VE01790;18VE01802
Numéro NOR : CETATEXT000039654887 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-12-06;18ve01790 ?
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