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07/11/2019 | FRANCE | N°17VE01344

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 07 novembre 2019, 17VE01344


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- d'annuler la décision du 2 février 2015 par laquelle le maire de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service à compter de la notification de cette décision ;

- de condamner la COMMUNE DE GENNEVILLIERS à lui verser la somme de

13 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- de mettre à la charge de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS la somme de

3 000 euros au titre d

e l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1502886 du 2 mars 2017, le T...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- d'annuler la décision du 2 février 2015 par laquelle le maire de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service à compter de la notification de cette décision ;

- de condamner la COMMUNE DE GENNEVILLIERS à lui verser la somme de

13 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- de mettre à la charge de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS la somme de

3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1502886 du 2 mars 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 2 février 2015, condamné la COMMUNE DE GENNEVILLIERS à verser à M. C... la somme de 5 000 euros, mis à la charge de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS la somme de 1 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 28 avril 2017, le

8 janvier 2018 et le 26 septembre 2018, la COMMUNE DE GENNEVILLIERS, représentée par Me A..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif ;

3° de condamner M. C... à lui rembourser la somme de 1 500 euros qu'il a perçue en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4° de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit dès lors qu'il aurait dû soulever d'office l'irrecevabilité de la demande de M. C... dirigée contre une mesure d'ordre intérieur ne faisant pas grief ; la mutation en litige ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives que l'intéressé tient de son statut, ni n'a emporté perte de responsabilités ou de rémunération ;

- le changement d'affectation de M. C... n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de l'intérêt du service ; en effet, il était justifié par les difficultés relationnelles de l'intéressé, par ses difficultés à encadrer les équipes placées sous son autorité hiérarchique et son absence de réponses aux demandes des services, qui ont altéré la bonne marche du service ;

- la mutation de M. C..., qui n'est pas une sanction déguisée, n'avait pas à être précédée d'une procédure disciplinaire ;

- la décision litigieuse a été précédée de la saisine pour avis de la commission administrative paritaire, en application de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- le changement d'affectation de M. C... est justifié par l'intérêt du service ;

- M. C... n'a subi aucun préjudice ; la procédure préalable à sa mutation n'a été ni brutale, ni vexatoire ; la mutation n'est entachée d'aucune illégalité fautive ;

- les conclusions présentées par M. C..., tendant à ce que la commune soit condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait de l'inexécution du jugement du 2 mars 2017 sont irrecevables, faute d'avoir été précédées d'une demande préalable ; en outre, l'exécution du jugement soulève un litige distinct, l'intéressé devant saisir la Cour sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- les observations de Me F..., substituant Me A..., pour la COMMUNE DE GENNEVILLIERS, et celles de Me E..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 2 février 2015, le maire adjoint en charge du personnel de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS a informé M. C..., ingénieur territorial exerçant les fonctions de directeur des systèmes d'information, de sa mutation d'office, dans l'intérêt du service, sur un poste d'administrateur système missionné sur le déploiement des réseaux de très haut débit numérique. La COMMUNE DE GENNEVILLIERS relève appel du jugement du

2 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à la demande de

M. C..., annulé cette décision et l'a condamnée à verser à M. C... la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi par ce dernier. M. C... conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de condamner la COMMUNE DE GENNEVILLIERS à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice résultant pour lui de l'inexécution de ce jugement.

Sur l'appel de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Si la COMMUNE DE GENNEVILLIERS soutient que le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que le changement d'affectation de M. C... n'était pas justifié par l'intérêt du service, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

3. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

4. Il ressort des pièces du dossier que le changement d'affectation de M. C... s'est traduit par une modification de son positionnement hiérarchique et une diminution sensible des responsabilités qui lui ont été confiées. A cet égard, s'il est vrai que les fonctions d'" administrateur système missionné sur le déploiement des réseaux à très haut débit numérique " font partie de celles qui peuvent être confiées à un ingénieur territorial, il ressort des pièces du dossier que ces fonctions comportent des responsabilités moins importantes que celles de directeur des systèmes d'information, dès lors que l'intéressé, qui dirigeait auparavant l'ensemble des services informatiques de la commune, a été affecté dans l'un de ces services, à savoir le service exploitation et assistance. Par suite, la décision du 2 février 2015 constitue non une simple mesure d'ordre intérieur mais une décision qui fait grief à M. C..., lequel était bien recevable à en demander l'annulation.

En ce qui concerne la légalité de la mutation :

5. Aux termes de l'article 52 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. (...) ".

6. La COMMUNE DE GENNEVILLIERS soutient, pour justifier l'intérêt du service à procéder au changement d'affectation de M. C..., que l'intéressé a, dans les mois qui ont suivi sa prise de fonctions, rencontré des difficultés relationnelles et managériales, lesquelles se sont aggravées les années suivantes et ont été à l'origine d'une dégradation du climat de travail. Elle fait valoir, en particulier, que M. C... aurait fait preuve d'un comportement méprisant à l'égard des agents de sa direction, que les responsables des services placés sous son autorité n'auraient pas été suffisamment associés aux projets de la direction, que l'intéressé aurait exercé ses fonctions de manière solitaire sans concertation avec les autres directions et qu'il aurait tardé à répondre à leurs demandes et à résoudre des problèmes informatiques importants, lesquels auraient entraîné une désorganisation des services concernés nécessitant la tenue de nombreuses réunions.

7. Toutefois, s'il ressort des pièces produites par la COMMUNE DE GENNEVILLIERS en première instance, constituées de quelques courriels de réclamation émanant de responsables ou d'agents de la commune, que certains projets ou interventions se sont heurtés à des difficultés d'ordre informatique, ces faits, ponctuels et sans caractère particulier de gravité, ne permettent pas d'établir les allégations de l'administration et, notamment, celles relatives à l'attitude de M. C... et à la dégradation du climat de travail dont il aurait été responsable. A cet égard, l'attestation établie par un agent faisant état de ses difficultés relationnelles avec M. C... est, à elle seule, insuffisante. En outre, si la COMMUNE DE GENNEVILLIERS produit, pour la première fois en appel, d'autres courriels relatifs aux problèmes informatiques rencontrés par le cinéma Jean Vigo, l'Espace Aimé Césaire, la médiathèque municipale André Malraux et lors d'ateliers de recherche d'emploi organisés le

8 avril 2014, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que ces difficultés techniques soient imputables au comportement ou à la manière de servir et, en particulier, à des insuffisances managériales de M. C..., ni même qu'elles résultent toutes du fonctionnement de la direction des systèmes d'information. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le mouvement de grève qui a eu lieu le 22 juin 2012, soit moins de trois mois après la prise de fonctions de M. C..., serait imputable à ce dernier, auquel, d'ailleurs, la COMMUNE DE GENNEVILLIERS avait alors apporté son soutien. En outre, les allégations de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS ne sont pas corroborées par l'" État des lieux de la mise en oeuvre du SDSI " réalisé par le cabinet Vicq Consultants entre juillet et décembre 2013, lequel indique au contraire que " la situation évolue très favorablement au niveau de l'infrastructure avec la résolution des problèmes électriques et le renforcement de l'infrastructure réseau " et que " la majeure partie des chantiers liés à la rénovation et au renforcement de l'architecture technique " a été réalisée au cours de l'année 2013. Enfin, les comptes rendus d'entretien professionnel de M. C... des années 2012 et 2013 mentionnent que l'intéressé est un " excellent agent très impliqué dans les projets municipaux " et qu'il " a su mettre en oeuvre tous les dispositifs d'amélioration et de sécurisation des systèmes d'information ". Dès lors, au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la COMMUNE DE GENNEVILLIERS a inexactement apprécié les circonstances de l'espèce en estimant que l'intérêt du service exigeait qu'elle procède au changement d'affectation de M. C....

En ce qui concerne l'indemnité due à M. C... :

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que, pour demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. C... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant de la mutation illégale dont il a fait l'objet, la COMMUNE DE GENNEVILLIERS n'est pas fondée à soutenir que la décision du 2 février 2015 n'est entachée d'aucune illégalité. En outre, il ne résulte pas de l'instruction qu'en estimant que la mutation en litige avait causé à M. C... un préjudice moral qu'il convenait de réparer à hauteur de la somme de 5 000 euros, le tribunal administratif aurait fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE GENNEVILLIERS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 2 février 2015, l'a condamnée à verser à M. C... une indemnité de 5 000 euros et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par M. C... :

10. Si M. C... demande la condamnation de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait de l'inexécution du jugement en litige, l'administration soutient sans être contredite que ces conclusions n'ont pas été précédées d'une demande préalable. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné au versement de la somme que la COMMUNE DE GENNEVILLIERS demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS le versement à M. C... de la somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la COMMUNE DE GENNEVILLIERS est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE GENNEVILLIERS versera la somme de 1 500 euros à

M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. C... est rejeté.

N° 17VE01344 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01344
Date de la décision : 07/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation. Mutation.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : SELARL GAIA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-07;17ve01344 ?
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