La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2019 | FRANCE | N°17VE00978

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 07 novembre 2019, 17VE00978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 16 décembre 2015 par laquelle le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine a refusé de renouveler son dernier contrat de travail, ensemble la décision confirmative du 2 février 2016, d'enjoindre au département des Hauts-de-Seine de lui proposer la conclusion d'un contrat à durée indéterminée à effet du 1er mai 2015 et de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 2 000 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 16 décembre 2015 par laquelle le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine a refusé de renouveler son dernier contrat de travail, ensemble la décision confirmative du 2 février 2016, d'enjoindre au département des Hauts-de-Seine de lui proposer la conclusion d'un contrat à durée indéterminée à effet du 1er mai 2015 et de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601439 du 26 janvier 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les décisions du président du conseil départemental des Hauts-de-Seine du

16 décembre 2015 et du 2 février 2016, mis à la charge du département des Hauts-de-Seine le versement à M. E... de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 24 mars 2017 et le

9 mai 2017, le DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE, représenté par Me A..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de mettre à la charge de M. E... la somme de 1 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir tirée de ce que le courrier du 2 février 2016, qui ne comporte aucune décision faisant grief, était insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir dès lors qu'il a expressément constaté que ce courrier se bornait à confirmer la décision du 16 décembre 2015 ; par suite, les conclusions dirigées contre la décision du 2 février 2016 sont irrecevables sans qu'importe la circonstance que la décision initiale a été contestée dans le délai de recours contentieux ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse apportée au moyen tiré de ce que le caractère définitif du dernier contrat de M. E... faisait obstacle à sa requalification ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que, si M. E... justifiait bien de six ans de service dans la même catégorie hiérarchique et au sein de la même collectivité, il n'a pas été recruté sur le fondement des dispositions de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 mais de celles de l'article 3-2 de cette loi ; les conditions d'un recrutement sur le fondement de l'article 3-3 n'étaient pas remplies, les fonctions en cause pouvant être occupées par un attaché territorial ou un ingénieur territorial, la nature des fonctions n'ayant rien de spécifique et les besoins du service ne pouvant être pris en considération ;

- en tout état de cause, le dernier contrat à durée déterminée conclu le 16 avril 2015 et notifié le 4 mai suivant, qui constitue un acte unilatéral créateur de droits, est devenu définitif faute d'avoir été contesté en temps utile par M. E..., en particulier quant à sa durée, ce qui fait obstacle à sa requalification par le juge ; le principe de sécurité juridique peut être invoqué par l'administration, auteur de l'acte administratif en litige, à l'encontre du particulier qui en est destinataire pour protéger la situation qui s'est constituée à la suite de sa décision ; ainsi, M. E... ne pouvait demander la requalification de ce contrat plus de dix mois après sa conclusion sauf à méconnaître ce principe ;

- en outre, le juge de l'excès de pouvoir ne peut qu'annuler un acte mais ne peut le modifier ; par ailleurs, si la loi prévoit que le contrat à durée indéterminée est de droit, l'agent peut librement accepter un contrat à durée déterminée ; enfin, les dispositions applicables en l'espèce ne prévoient pas une transformation automatique du contrat à la différence des dispositions de l'article 15 II de la loi du 26 juillet 2005 applicables aux agents contractuels âgés de plus de cinquante ans et sur le fondement desquelles le Conseil d'Etat s'est reconnu le droit de requalifier un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; par suite, le contrat de M. E... ne peut être requalifié, sans préjudice des conséquences indemnitaires à tirer de la situation ;

- la décision de ne pas renouveler le contrat de travail de M. E... est justifiée par l'intérêt du service, le service au sein duquel il était affecté ayant connu une forte baisse d'activité, entraînant la suppression de son emploi.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- les observations de Me D..., substituant Me A..., pour le DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE, et celles de M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., recruté en qualité d'ingénieur contractuel par le DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE à compter du 1er mai 2009 et employé sur le fondement de contrats d'une durée d'un an, a été informé, par un courrier du président du conseil départemental du 16 décembre 2015, qu'il serait mis fin à ses fonctions le 30 avril 2016 à l'issue de son dernier contrat. Il a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant à l'annulation de cette décision et de la décision du président du conseil départemental du 2 février 2016 la confirmant. Par un jugement du 26 janvier 2017, le tribunal administratif, après avoir estimé que l'intéressé était lié au département des Hauts-de-Seine par un contrat à durée indéterminée, a annulé ces décisions comme ayant irrégulièrement procédé à son licenciement en l'absence d'entretien préalable. Le DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a indiqué, au point 4 de sa décision, que " le DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE ne saurait se prévaloir de ce que le dernier contrat de travail de M. E... serait devenu définitif faute d'avoir été contesté en temps utile par le requérant dès lors qu'il appartient au juge, qui n'est pas lié par l'apparence juridique donnée par l'administration aux actes qu'elle édicte, de requalifier en contrat à durée indéterminée un contrat conclu pour une durée déterminée en méconnaissance des dispositions susrappelées de la loi du 26 janvier 1984 ". Il a ainsi écarté, par une motivation suffisante, le moyen tiré de ce que le caractère définitif du dernier contrat de M. E... faisait obstacle à sa requalification. Par suite, le DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute d'être suffisamment motivé sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, la décision du 2 février 2016, qui indique, en réponse à la demande présentée le 13 décembre 2015 par M. E..., qu'il n'est pas possible de lui proposer un contrat à durée indéterminée et qui confirme la décision de non renouvellement de son contrat, revêt le caractère d'une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. Par suite, le DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir tirée de ce que la décision du 2 février 2016 ne ferait pas grief.

4. En second lieu, aux termes de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an. (...) Sa durée peut être prolongée, dans la limite d'une durée totale de deux ans, lorsque, au terme de la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi par un fonctionnaire n'a pu aboutir ". Aux termes de l'article 3-3 de cette loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : (...) 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi (...). Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ". Enfin, aux termes de l'article 3-4 de cette loi : " (...) II. - Tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée (...) ".

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. E... a occupé un emploi permanent d'ingénieur territorial du 1er mai 2009 au 30 avril 2016. Si l'administration fait valoir que, pendant cette période de sept années, l'intéressé a été employé sur le fondement de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984, ces dispositions limitent à deux ans la durée totale des contrats susceptibles d'être conclus pour faire face à une vacance " temporaire " d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. En outre, les six premiers contrats de travail de M. E... mentionnent qu'aucun fonctionnaire n'a pu être recruté sur l'emploi en cause, situation prévue par le 2° de l'article 3-3 précité de la loi du 26 janvier 1984. Ainsi, quand bien même le dernier contrat de travail conclu avec M. E... indique que " la continuité du service implique le recrutement d'un agent contractuel pour pourvoir l'emploi d'ingénieur dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire dans les conditions statutaires ", les contrats dont l'intéressé a bénéficié doivent être regardés comme des contrats conclus sur le fondement des dispositions précitées de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984, auquel renvoie l'article 3-4 de la même loi.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que M. E..., recruté par le DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE à compter du 1er avril 2009, justifiait, à la date du renouvellement de son dernier contrat de travail, d'une durée de services publics de six ans sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique. Dès lors, en application des dispositions précitées, auxquelles les parties n'étaient pas libres de déroger, ce contrat, qui ne pouvait être reconduit que pour une durée indéterminée, doit être regardé comme ayant été renouvelé pour une durée indéterminée. Cette requalification résultant de l'application de la loi, le DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE ne peut utilement soutenir que, le contrat de M. E... étant devenu définitif, elle porterait atteinte au principe de sécurité juridique.

7. Il résulte de ce qui précède que la décision du 16 décembre 2015 ne constitue pas une décision de non renouvellement du contrat de M. E... mais s'analyse comme une rupture du contrat à durée indéterminée qui le liait au département et donc comme un licenciement, lequel a été illégalement prononcé dès lors qu'il n'a pas été précédé, ainsi que ne le conteste pas le département, de l'entretien prévu à l'article 42 du décret n° 88-145 du 15 février 1988. Dès lors, le moyen tiré de ce que le non renouvellement du contrat de travail de M. E... était justifié par la baisse d'activité du service où il était employé ne peut qu'être écarté comme inopérant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les décisions du président du conseil départemental des Hauts-de-Seine des 16 décembre 2015 et 2 février 2016.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE est rejetée.

N° 17VE00978 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00978
Date de la décision : 07/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Nature du contrat.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : BAZIN et CAZELLES AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-07;17ve00978 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award