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05/11/2019 | FRANCE | N°18VE02337

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 05 novembre 2019, 18VE02337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL SEALOCK a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche dont elle s'estime titulaire, au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1742359 du 16 mai 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la restitution d'un crédit d'impôt relatif aux dépenses de recherche au titre de l'exercice 2013 à concurrence de la somme de 1 922 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procéd

ure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 9 juil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL SEALOCK a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche dont elle s'estime titulaire, au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1742359 du 16 mai 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la restitution d'un crédit d'impôt relatif aux dépenses de recherche au titre de l'exercice 2013 à concurrence de la somme de 1 922 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 9 juillet 2018 et le 21 juin 2019, la société SEALOCK, représentée par Me Recoules, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette partiellement sa demande ;

2° de prononcer le remboursement des montants de crédit impôt recherche à hauteur de 94 438 euros au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la décision du 11 janvier 2017 est insuffisamment motivée ;

- le projet " Amélioration des colles pour application de collage au pli " est éligible au crédit impôt recherche au titre de l'année 2012 ;

- les dotations aux amortissements portent sur un immeuble affecté de manière mixte à la fonction de recherche, c'est à tort, et en méconnaissances des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales et des principes de loyauté et de confiance légitime, que l'administration a refusé d'appliquer un prorata de 50% pour déterminer la part éligible de ces dépenses au crédit impôt recherche ; il y a également eu atteinte à ses espérances légitimes au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Beaujard, président-rapporteur ;

- les conclusions de M. A... yvialle, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., pour la SARL SEALOCK.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL SEALOCK a sollicité le remboursement de crédits d'impôt recherche au titre des exercices 2012, 2013 et 2014. Elle relève appel du jugement en date du 16 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil n'a fait que partiellement droit à sa demande.

Sur l'application de la loi fiscale :

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie ;

2. Les irrégularités affectant la décision de rejet de cette réclamation sont simplement de nature à faire obstacle à l'écoulement du délai contentieux. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 11 janvier 2017 est inopérant et ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de la réclamation :

3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ". Le II de ce même article identifie les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt et notamment : " a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes. Toutefois, les dotations aux amortissements des immeubles acquis ou achevés avant le 1er janvier 1991 ainsi que celles des immeubles dont le permis de construire a été délivré avant le 1er janvier 1991 ne sont pas prises en compte ; " et aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III du CGI : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale (...) ; b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée (...) ; c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. "

4. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par ces dispositions. Pour apprécier la déductibilité des dépenses en cause au titre du crédit d'impôt recherche, il y a lieu d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.

S'agissant des dépenses engagées en 2012 concernant le projet " Amélioration des colles pour application de collage au pli " :

5. La société requérante a demandé le bénéfice du crédit d'impôt recherche au titre des dépenses engagées pour un projet dénommé " Amélioration des colles pour application de collage au pli ". Ce projet consistait en la caractérisation d'un produit d'une entreprise concurrente par une phase d'ingénierie inversée, afin d'établir comment le produit permettait d'obtenir le résultat attendu par la société SEALOCK. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise diligenté par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche du 17 octobre 2016, que le projet ne constitue pas une nouveauté au sens des dispositions précitées du code général des impôts. Pour contredire cette appréciation, la société requérante se borne à alléguer que le projet a fait l'objet de travaux bibliographiques et d'activités d'ingénierie inversée et que par nature, entreprendre ces activités démontre qu'il existe des incertitudes, alors qu'elle ne démontre pas que l'état de l'art préalable à la réalisation du projet de recherche était pertinent. Ainsi, elle n'établit pas que le projet " Amélioration des colles pour application de collage au pli " présenterait un caractère de nouveauté au sens des dispositions législatives précitées. Par suite, la société SEALOCK n'est pas fondée à demander le bénéfice du crédit d'impôt recherche correspondant.

S'agissant des dotations aux amortissements :

6. L'administration fiscale a exclu du calcul du crédit impôt recherche les dotations aux amortissements afférents à un complexe immobilier, loué dans le cadre d'un crédit-bail par la société SEALOCK, pour les exercices 2013 et 2014. En vertu du a) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, précité, les dépenses d'amortissement ne sont éligibles au crédit impôt recherche que si l'immobilisation correspondante, d'une part, a été acquise à l'état neuf et, d'autre part, est affectée directement à la réalisation d'opérations de recherche. La société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir l'état neuf des biens lors de leur prise en crédit-bail, et il est constant qu'elle n'est pas en mesure de justifier de l'affectation de l'immeuble à des opérations de recherche à hauteur de la part incluse dans les bases du crédit impôt recherche. Elle n'est dès lors pas fondée à demander la restitution du crédit impôt recherche sur le fondement de l'article 244 quater B du code général des impôts.

7. La société requérante ne peut se prévaloir, en tout état de cause, d'un principe de loyauté, la circonstance que l'administration ait admis un taux forfaitaire d'affectation du bien au titre d'années antérieures n'ayant pas pour effet de lui interdire de remettre en cause ce taux pour les années suivantes.

8. Le principe de confiance légitime ne trouve pas à s'appliquer en l'absence de mise en oeuvre du droit de l'Union. Ne constitue pas une telle mise en oeuvre le fait que le règlement n°651/2014 de la commission du 17 juin 2014 inclut dans le domaine des aides d'Etat les politiques d'aide à la recherche, en l'absence de tout litige sur la notion d'aide d'Etat.

9. Enfin, l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales nécessite l'existence d'un bien ou à défaut l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent auquel il aurait été porté atteinte. La seule restitution d'une fraction du crédit impôt recherche, qui ne portait que sur les exercices 2008 à 2011, n'est pas de nature à faire naître une espérance légitime au titre des exercices distincts 2013 et 2014.

Sur l'application de la doctrine administrative :

10. Aux termes de l'article L. 80 A du même livre : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. ". Et aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ".

11. D'une part, la décision par laquelle l'administration rejette tout ou partie d'une demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement des dispositions de l'article 199 ter B du code général des impôts n'a pas le caractère d'une procédure de reprise ou de rehaussement. Dès lors, la société SEALOCK ne peut utilement invoquer, sur ce fondement, la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 qui, au demeurant, n'ajoute rien à la loi fiscale.

12. D'autre part, si la société requérante se prévaut d'une prise de position formelle de l'administration, il est constant que la décision d'admission partielle du 6 décembre 2016 et la proposition de rectification du 25 avril 2014 ne concernent que le remboursement de créances de crédit d'impôt au titre des seules années 2009 à 2012 et qu'elles ne peuvent, en tout état de cause, constituer une prise de position formelle sur la situation de la société requérante au regard de la loi fiscale pour les travaux réalisés par cette dernière au cours des années 2013 et 2014.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société SEALOCK n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, celles présentées au titre des dépens dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante en aurait exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SEALOCK est rejetée.

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N°18VE02337


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : CABINET ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 05/11/2019
Date de l'import : 12/11/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18VE02337
Numéro NOR : CETATEXT000039357186 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-05;18ve02337 ?
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