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05/11/2019 | FRANCE | N°16VE01346

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 05 novembre 2019, 16VE01346


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse F... et M. D... F..., en leur nom propre et au nom de leur fils mineur A... F..., ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier René Dubos de Pontoise à leur verser la somme de 41 806,25 euros, en réparation des préjudices subis par leur fils A... F... du fait des fautes commises à l'occasion de sa prise en charge médicale, ainsi que la somme de 16 000 euros chacun, au titre de leur propre préjudice moral.

Par un jugement n°1400790

rendu le 15 mars 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse F... et M. D... F..., en leur nom propre et au nom de leur fils mineur A... F..., ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier René Dubos de Pontoise à leur verser la somme de 41 806,25 euros, en réparation des préjudices subis par leur fils A... F... du fait des fautes commises à l'occasion de sa prise en charge médicale, ainsi que la somme de 16 000 euros chacun, au titre de leur propre préjudice moral.

Par un jugement n°1400790 rendu le 15 mars 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le centre hospitalier René Dubos à verser à M. et Mme F... la somme de 14 500 euros en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur A... F..., au titre des préjudices subis par ce dernier et la somme de 1 500 euros chacun, au titre de leur préjudice moral. Par le même jugement, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé que le centre hospitalier René Dubos verserait à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise la somme de 14 104,71 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2015 ainsi qu'une indemnité forfaitaire de gestion de 1 047 euros et la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2016 sous le n°16VE01346, un mémoire enregistré le 1er juillet 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 17 janvier 2019, Mme B... C..., épouse F... et M. D... F..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur M. A... F..., représentés par la Selarl Coubris, Courtois et Associés, avocats au Barreau de Bordeaux, demandent à la Cour :

1° de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a reconnu la responsabilité de l'hôpital René Dubos sur le fondement de l'article L.1142-1 du Code de la santé publique ;

2° d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il a fixé la perte de chance subie par A... F... à 50% ;

3° de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a sous-estimé les préjudices découlant des fautes commises ;

4° de fixer la perte de chance subie par A... F... de ne pas subir ses dommages à un taux qui ne saurait être inférieur à 97% ;

5° d'allouer à M. et Mme F..., en leur qualité de représentants légaux de leur enfant mineur A..., la somme de 41 806,25 euros à titre provisionnel, à laquelle il conviendra d'appliquer, le cas échéant, le taux de perte de chance retenu par la Cour ;

6° d'allouer à Mme B... F... et M. D... F... la somme de 16 000 euros chacun en réparation de son préjudice moral, auquel il convient de déduire, le cas échéant, le taux de perte de chance retenu par la Cour ;

7° de condamner le centre hospitalier René Dubos à verser lesdites sommes assorties des intérêts à compter du jour de l'introduction de la demande devant le Tribunal administratif ;

8° dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à la CPAM du Val-d'Oise et que la liquidation de sa créance interviendra poste par poste conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale ;

9° de condamner le centre hospitalier René Dubos à verser aux appelants la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

10° débouter les conclusions contraires aux présentes.

Ils soutiennent que :

Sur les fautes et le lien de causalité :

- c'est à tort que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le fait de savoir si l'hôpital avait commis un retard fautif dans la mise en place du traitement d'A... F... ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le centre hospitalier René Dubos n'avait pas commis de faute s'agissant du choix et de la durée du traitement mis en place par le personnel médical ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a évalué la perte de chance d'éviter le préjudice subi par A... F... à 50% alors que les deux médecins experts ont estimé dans leur complément d'expertise du 20 décembre 2011 que la perte de chance d'éviter le dommage subi était de 95% à 97%. La perte de chance ne doit dès lors pas être inférieur à 97% ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices d'A... F... :

- le préjudice résultant du déficit fonctionnel temporaire total et partiel doit être indemnisé à hauteur de 20 806,25 euros ;

- le préjudice résultant des souffrances physiques endurées doit être indemnisé à hauteur de 15 000 euros ;

- le préjudice esthétique résultant de la nécrose quasi-complète de la tête fémorale sur la hanche droite et de la différence de longueur entre les deux membres inférieurs, visible lorsque le jeune A... F... se déplace, doit être indemnisé à hauteur de 6 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices des parents d'A... F... :

- le préjudice moral subi par les parents d'A... F... devant l'aggravation de son état malgré son hospitalisation et en raison des séquelles permanentes l'affectant doit être indemnisé à hauteur de 16 000 euros chacun ;

Par un mémoire, enregistré le 28 juillet 2017 sous le n°16VE01346, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-d'Oise, représentée par Me Catherine Legrandgérard, avocat au Barreau de Versailles, demande à la Cour de donner acte à la CPAM du Val-d'Oise de ce qu'elle s'en rapporte sur le mérite de l'appel interjeté par les consorts F... ;

En tout état de cause :

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné le centre hospitalier René Dubos à verser à la CPAM du Val-d'Oise la somme de 14 104,71 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2015, outre celle de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L376-1 du Code de la sécurité sociale et celle de 1 000 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative ;

- de donner acte à la CPAM du Val-d'Oise de ce qu'elle reconnaît avoir reçu en exécution du jugement dont appel, du centre hospitalier René Dubos de Pontoise le 20 mai 2016, la somme de 16 295,43 euros correspondant aux condamnations prononcées à son profit ;

Subsidiairement :

- si la Cour décide de réformer le jugement attaqué et fixe le taux de perte de chance à un montant supérieur à 50%, condamner le centre hospitalier René Dubos de Pontoise à régler à la CPAM du Val-d'Oise la différence ;

- dire ce que de droit quant aux dépens.

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de Grillet pour M. et Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Le jeune A... F..., alors âgé de huit mois et atteint d'une varicelle depuis le 28 mai 2008, accompagnée d'une forte fièvre, a été admis au service des urgences du centre hospitalier René Dubos de Pontoise dans la nuit du 2 au 3 juin 2008. Un diagnostic de varicelle non compliquée ayant été posé, il n'a pas été hospitalisé. Le 4 juin 2008, dans la matinée, il a de nouveau été admis au service des urgences, puis hospitalisé dans le service de pédiatrie du centre hospitalier, une arthrite de la hanche droite étant alors suspectée, la jambe droite de l'enfant étant recroquevillée vers l'intérieur, douloureuse à la mobilisation, chaude et inflammatoire. Cette suspicion d'arthrite a été confirmée après la réalisation d'une ponction de la hanche sous anesthésie générale le 5 juin 2008, révélant la présence d'un streptocoque de groupe A (streptococcus pyogenes). Le jeune A... a alors été placé sous antibiothérapie par voie intraveneuse, sans que l'évolution de son état de santé soit favorable. Il a subi une arthrotomie le 11 juin 2008, puis a regagné le domicile de ses parents le 20 juin suivant. Il a été hospitalisé de nouveau à l'hôpital Robert Debré à Paris le 4 juillet 2008, et une excentration de la hanche de face et une encoche métaphysaire marquée ont été mises en évidence. Une nouvelle arthrotomie de la hanche droite a été réalisée en urgence le jour même, à 23 heures. Il a quitté l'hôpital le 21 juillet, porteur d'une attelle et sous antibiothérapie. Le 16 septembre 2008, une IRM a montré que la tête fémorale de la hanche était nécrosée et excentrée. Une deuxième IRM effectuée le 21 juillet 2009 a confirmé la nécrose quasi-complète de la tête fémorale et le défaut de croissance du col et a révélé un net " rehaussement métaphysaire fémoral supérieur avec épaississement de la synoviale et léger épanchement articulaire ". Les parents d'A... ayant saisi le 11 février 2010 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de l'Ile-de-France d'une demande d'indemnisation, cette dernière a prescrit la réalisation d'une expertise, puis d'un complément à cette expertise. A la suite du dépôt des conclusions de l'expert, elle a émis le 2 février 2012 un avis favorable à l'indemnisation par le centre hospitalier René Dubos des préjudices subis par le jeune A.... Le 31 juillet 2012, l'assureur du centre hospitalier a refusé de proposer une indemnisation, contestant le taux de perte de chance de 95% retenu par la commission.

2. Les consorts F... demandent régulièrement l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a estimé que la faute commise par le centre hospitalier René Dubos de Pontoise dans la prise en charge de l'enfant était à l'origine, aux termes de l'expertise initiale en date du 9 décembre 2010, d'une perte de chance de seulement 50% d'éviter la nécrose de la tête fémorale de la hanche droite. Ils estiment que le taux de perte de chance ne peut être inférieur à 95% et demandent la réparation intégrale des préjudices subis par leur fils et par eux-mêmes.

Sur la responsabilité du centre hospitalier René Dubos de Pontoise :

3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé (...), ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

En ce qui concerne le retard de diagnostic :

4. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que le jeune A... F..., après un premier passage au service des urgences du centre hospitalier René Dubos de Pontoise dans la nuit du 2 au 3 juin 2008, en raison d'une forte fièvre dans un contexte de varicelle, n'a pas été hospitalisé. Le 4 juin 2008, dans la matinée, il a de nouveau été admis au service des urgences, puis hospitalisé dans le service de pédiatrie du centre hospitalier, une arthrite de la hanche droite étant alors suspectée, la jambe droite de l'enfant étant recroquevillée vers l'intérieur, douloureuse à la mobilisation, chaude et inflammatoire. Cette suspicion d'arthrite a été confirmée après la réalisation d'une ponction de la hanche sous anesthésie générale le 5 juin 2008, révélant la présence d'un streptocoque de groupe A (streptococcus pyogenes). Le jeune A... a été placé sous antibiothérapie par voie intraveineuse, dans l'après-midi du 5 juin. Il ressort du rapport d'expertise rendu le 9 décembre 2010 par les experts désignée par la CRCI, le docteur Roland ISTRIA, chirurgien orthopédiste et le docteur SOUSSY, spécialisé en bactériologie, virologie et hygiène hospitalière, qu'en attendant une journée et demi pour placer l'enfant sous antibiothérapie alors qu'une arthrite septique était suspectée, et alors qu'une telle infection est une urgence thérapeutique, les médecins en charge du jeune A... ont commis une faute consistant en un retard fautif dans la prise en charge de l'arthrite de hanche l'affectant l'enfant.

En ce qui concerne le choix et de la durée du traitement mis en place :

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du guide national édité par l'hôpital Trousseau, intitulé Infections ostéo-articulaires de l'enfant, produit à l'instance, que le traitement antibiotique doit être instauré dès que la ponction articulaire a été réalisée, et que le traitement par voie intraveineuse peut être poursuivi par voie orale au bout de quelques jours (3 à 10 jours) si l'évolution clinique et biologique est favorable, la durée totale de l'antibiothérapie étant au minimum de six semaines. Il résulte du rapport d'expertise du 9 décembre 2010, que le traitement antibiotique par voie intraveineuse a été insuffisant dans sa durée et son intensité et qu'il aurait dû durer quinze jours au lieu de dix jours du 5 au 16 juin, dans un contexte où le tableau clinique de l'enfant, réopéré le 11 juin pour nettoyer sa hanche, n'était pas stabilisé. Les experts ont relevé que le traitement insuffisant en raison du passage trop rapide à une administration per os, au même titre que le retard dans le début du traitement susmentionné, a pu " en partie être responsable des troubles ultérieurs qui ont conduit à l'intervention à l'hôpital Robert Debré le 5 juillet 2008 et à la prescription d'un nouveau traitement antibiotique en intraveineuse du 4 juillet au 20 juillet 2008 puis oral du 21 juillet au 28 août 2008. ". Les médecins en charge du jeune A... ont commis une faute consistant en une administration inadaptée de l'antibiothérapie.

6. En revanche, il résulte du guide national édité par l'hôpital Trousseau susmentionné que le traitement antibiotique est toujours, à la phase initiale, une bithérapie par voie intraveineuse. Si le germe en cause est identifié, l'antibiothérapie est adaptée secondairement à l'antibiogramme. Le rapport d'expertise précise quant à lui que " dès l'identification du germe, un seul antibiotique adapté au germe peut être poursuivi sauf s'il existe un risque de sélection de mutant résistant. " En l'espèce, l'infection affectant le jeune A... a été traitée par Rocéphine, administrée en intra veineuse seule à haute dose pendant 10 jours, cet antibiotique étant généralement actif sur le Streptocoque A. Il n'est pas contesté que le traitement antibiotique administré à l'enfant dès le 5 juin a été actif sur cette bactérie, qui a été identifiée le 6 juin. Le traitement de relais per os Oroken, céphalosporine orale également généralement considérée active sur les streptocoques du groupe A, a duré quatre semaines et demie. Le type d'antibiotique prescrit à A... n'était donc pas inadapté. Dès lors, la circonstance que n'a pas été administrée une double antibiothérapie au début du traitement a été sans incidence sur l'évolution négative de l'état de santé de l'enfant.

7. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier René Dubos de Pontoise a commis deux fautes de nature à engager sa responsabilité.

Sur le taux de perte de chance d'éviter le dommage :

8. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

9. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 9 décembre 2010 des médecins experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de l'Île-de-France, que s'agissant de l'arthrite septique de hanche affectant le jeune A... alors âgé de huit mois, " même avec une prise en charge précoce et parfaitement adaptée, l'évolution (...) reste toujours préoccupante et peut se faire vers une nécrose " et que " l'âge inférieur à un an et le fait qu'il s'agisse d'un streptocoque A constituent des éléments de mauvais pronostic ". Ce rapport estime que le taux de perte de chance du jeune A... F... d'éviter le dommage qu'il a subi, constitué par l'évolution très défavorable de sa hanche droite, est de 50%. Si les parents d'A... font valoir que l'expertise complémentaire du 20 décembre 2011 réalisée par les mêmes médecins experts a retenu un pronostic de récupération ad integrum chez un nourrisson présentant une arthrite septique à streptocoque du groupe A à un taux de 97% à 95 porte le taux de perte de chance à 97%, cette expertise complémentaire se borne à décrire les chances théoriques de récupération d'un bébé après une arthrite septique. Elle n'est pas applicable au cas d'A... en particulier, ne formule pas de conclusions pertinentes et applicables au cas d'A..., qui était atteint d'une infection à streptocoque A généralement de mauvais pronostic, et elle ne prend pas en compte le fait qu'A... était par ailleurs atteint d'une varicelle, ni le fait que les arthrites septiques touchant un enfant de moins d'un an sont de mauvais pronostic. Un taux de perte de chance de 97% ne saurait donc être retenu.

10. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fixé à 50% le taux de perte de chance d'éviter une nécrose de la hanche du jeune A... F....

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices d'A... F... :

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport des experts du 9 décembre 2010 que le jeune A... a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire total du 5 août 2008 au 28 février 2009, soit une période de 208 jours. Les experts ont également retenu l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire partiel à 25% du 1er mars 2009 au 31 décembre 2015 soit durant une période de 2 497 jours.

12. D'une part, les premiers juges ont fixé à 2 000 euros après application du taux de perte de chance retenu le préjudice résultant du déficit fonctionnel temporaire total subi par le jeune A... durant 208 jours. Une telle somme n'est pas insuffisante.

13. D'autre part, le déficit temporaire partiel, résultant d'une différence de deux centimètres existant entre sa jambe gauche et sa jambe droite et subi par A... pour une durée indéterminée a été évalué par les experts dans leur rapport d'expertise à 25%. L'enfant compense cette différence de longueur en marchant et courant sur la pointe du pied droit mais ne peut pas faire de vélo d'après l'expertise médicale. Les experts ont retenu que ce déficit fonctionnel temporaire partiel est subi depuis le 1er mars 2009. L'indemnité de 6 000 euros pour 84 mois de déficit fonctionnel temporaire partiel du 1er mars 2009 n'est pas insuffisante.

14. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 9 décembre 2010, que le jeune A... a enduré des souffrances physiques évaluées à 4 sur une échelle de 7 par les experts. Les parents du jeune A... ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a évalué à 5 000 euros l'indemnisation des souffrances endurées par le jeune A....

15. En troisième lieu, il résulte du rapport d'expertise, que le jeune A... souffre d'un préjudice esthétique temporaire, en raison d'une inégalité de longueur des membres inférieurs de deux centimètres, conséquence de la nécrose quasi-complète et l'excentration de la tête fémorale au niveau de sa hanche droite, constatées par des IRM pratiquées le 16 septembre 2008 et le 21 juillet 2009. Une limitation de l'abduction avec 20° à droite et 50° à gauche a été constatée par les médecins experts. Cette situation génère un effort de compensation sur le pied droit qui est visible lors de la course, qui est un peu asymétrique. Les experts ont également relevé dans leur rapport que " l'intégralité du préjudice esthétique temporaire ne pourra être apprécié qu'après consolidation en fonction de l'évolution et des traitements qui vont être nécessaires dans le futur jusqu'à la fin de la croissance ". Cette inégalité de longueur des jambes entraîne " la nécessité d'adapter les chaussures pour compenser l'inégalité des membres inférieurs ", les experts précisant qu'il " est probable que le port de chaussures orthopédiques soit nécessaire dans les années à venir " et que " Les lésions de la hanche droite du petit A... sont certes actuellement stabilisées mais les séquelles (destruction de la tête fémorale) vont continuer à se modifier avec la croissance et jusqu'à l'âge adulte. En particulier, le raccourcissement va très probablement s'aggraver. Selon l'état de la hanche à la fin de la croissance il est fort probable que la mise en place d'une prothèse totale de hanche soit nécessaire. De toute façon, les séquelles retentiront sur toute la vie du petit A.... " Le préjudice esthétique temporaire a été évalué par les experts à 3 sur une échelle de 7. Dans ces circonstances, les parents du jeune A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont évalué, après application du taux de perte de chance de 50%, à 1 500 euros la somme due au titre du préjudice esthétique temporaire.

16. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 15 mars 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le centre hospitalier René Dubos à verser la somme de 14 500 euros à M. et Mme F... en leur qualité de représentants légaux de leur fils A..., au titre des préjudices subis par ce dernier.

En ce qui concerne le préjudice moral des parents d'A... F... :

17. Eu égard à la nature des fautes commises par le centre hospitalier René Dubos de Pontoise, qui a consisté, comme il a été dit, en un retard fautif de diagnostic de l'arthrite septique affectant la hanche droite du jeune A..., et en un traitement d'une durée inadaptée ayant entraîné la nécrose quasi-complète de la tête fémorale droite et une inégalité de ses membres inférieurs, dont le retentissement ne pourra être définitivement apprécié qu'à l'issue de sa croissance, les parents du jeune A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fixé à 1 500 euros chacun, après application du taux de perte de chance de 50% retenu, la somme due par le CHRD au titre du préjudice moral subi.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal de Cergy-Pontoise a condamné le centre hospitalier René Dubos à leur verser la somme de 14 500 euros, d'une part, et de 3 000 euros d'autre part, et que le surplus de leurs conclusions doit être rejété.

Sur l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale :

19. Il résulte des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le montant de l'indemnité forfaitaire qu'elles instituent est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1 080 € et à 107 € au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2019. ".

20. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la CPAM du Val-d'Oise tendant à ce que la somme de 1 047 euros que le jugement attaqué a condamné le centre hospitalier René Dubos à lui verser soit portée à la somme de 1 080 euros.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

22. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier René Dubos, qui n'est pas la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme F... demandent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er: La requête de M. et Mme F... est rejetée.

N° 16VE01346 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01346
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : CABINET COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-05;16ve01346 ?
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