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20/06/2019 | FRANCE | N°18VE03397

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 20 juin 2019, 18VE03397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1801878 en date du 7 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :r>
Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2018, M.A..., représenté par Me Calvo Pardo, a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1801878 en date du 7 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2018, M.A..., représenté par Me Calvo Pardo, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux a été pris en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard notamment de son insertion professionnelle ;

- l'arrêté, au regard de ses attaches familiales en France alors qu'il est isolé dans son pays d'origine, méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans n'est pas motivée eu égard aux quatre critères de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux alors qu'elle est intervenue deux ans après le dépôt de sa demande et qu'il n'a pas pu faire valoir qu'il attendait un enfant ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Geffroy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1981, a sollicité le 5 février 2016 son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A...relève appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de carte de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2.(...) ".

3. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement des dispositions précitées, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

4. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M.A..., qui est célibataire et sans enfant, en se bornant à produire un acte de reconnaissance anticipée de paternité établi le 6 avril 2018 postérieurement à l'arrêté attaqué et la copie du titre de séjour de deux ans de la compatriote avec laquelle il attendrait cet enfant, n'établit ni la réalité de la vie commune ni celle de la grossesse invoquée. Il ne justifie pas davantage avoir noué en France des relations personnelles d'une particulière intensité, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans et où résident deux frères selon les termes non contestés de l'arrêté attaqué. D'autre part, M. A...soutient avoir exercé une activité professionnelle de manutentionnaire dans le domaine des transports de marchandises et d'agent cynophile. Toutefois, à la date de la décision attaquée, M. A...n'avait occupé l'emploi d'agent cynophile qu'entre juin 2015 et septembre 2016 pour 60 heures par mois et l'emploi de manutentionnaire polyvalent à temps plein pour la société Transacoms que depuis le 1er mars 2017, dont il n'a retiré que des revenus d'activité modestes ainsi qu'il ressort de ses déclarations de revenus en 2015 de 3 389 euros, en 2016 de 10 000 euros et en 2017 de 8 000 euros. Par suite, alors même que l'intéressé justifie d'une présence habituelle en France depuis plus de sept années et que postérieurement à l'arrêté attaqué un contrat de travail à temps plein d'agent cynophile pour une société de sécurité lui a été proposé, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu, à la date de l'arrêté attaqué, les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que le requérant ne justifiait pas de circonstances exceptionnelles ou de motifs humanitaires de nature à permettre sa régularisation exceptionnelle soit au titre de la vie privée et familiale, soit en qualité de travailleur salarié.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. M. A...soutient qu'il réside en France depuis 2010, qu'il n'a plus de liens familiaux dans son pays d'origine où ses parents sont décédés et que sa concubine ne pourra le suivre en Côte d'Ivoire. Il ne justifie cependant pas de la réalité des liens avec une compatriote, ni d'aucune circonstance particulière l'empêchant de poursuivre normalement sa vie privée et familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans et où selon les termes non contestés de l'arrêté attaqué résident deux frères. Dans ces conditions, les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français attaquées ne peuvent être regardées comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de leurs motifs ou de leurs buts. Ces décisions n'ont donc pas méconnu les stipulations précitées. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En troisième lieu, aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

8. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

9. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Saint-Denis, avant d'indiquer que l'examen d'ensemble de la situation a été effectué, relativement à la durée de l'interdiction de retour, au regard du premier alinéa de l'article L. 511-1 III, a mentionné que la réalité d'une date d'entrée le 30 avril 2010 n'était pas établie et rappelé les conditions de séjour en France du requérant, a également relevé que l'intéressé avait fait l'objet de deux précédentes décisions d'éloignement prises à son encontre les 9 avril 2013 et 26 septembre 2014 et non exécutées, et qu'il n'était pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis a suffisamment motivé la décision attaquée.

10. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) ". Si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure telle qu'une interdiction de retour sur le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union relatif au respect des droits de la défense imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure envisagée.

11. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie. En l'espèce, il ne ressort d'aucune pièce du dossier et n'est pas même soutenu que M. A...qui ne pouvait ignorer qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et d'une interdiction de retour lors du dépôt de sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit pris l'arrêté contesté. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu.

12. En cinquième lieu, M. A...soutient que l'interdiction de retour aura pour effet de le séparer de sa concubine et de l'enfant à naitre. Toutefois, pour les mêmes motifs de fait que ceux précédemment exposés, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à l'encontre de M. A..., méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché cette décision d'erreur d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

N° 18VE03397 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03397
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : CALVO PARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-06-20;18ve03397 ?
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