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20/06/2019 | FRANCE | N°18VE01441

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 20 juin 2019, 18VE01441


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 février 2018 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1801969 du 19 avril 2018, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 22 février 2018 du préfet du

Val-d'Oise.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 avril 2018, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 février 2018 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1801969 du 19 avril 2018, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 22 février 2018 du préfet du Val-d'Oise.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 avril 2018, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Le préfet du Val-d'Oise soutient que c'est à tort que le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté attaqué en retenant le motif tiré du défaut d'examen particulier et complet de la situation de M.A..., dans la mesure où la décision annulée n'a pas été prise à la suite d'une demande de l'intéressé, où celui-ci n'a jamais sollicité de titre de séjour et que l'administration n'avait pas à se prononcer sur une éventuelle admission au séjour au regard de la situation professionnelle.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guével a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Val-d'Oise relève régulièrement appel du jugement n° 1801969 du 19 avril 2018 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 22 février 2018 obligeant M. A...à quitter le territoire français, ne lui accordant aucun délai de départ volontaire pour ce faire, a fixé le pays de destination et a interdit à l'intéressé de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux années.

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des mentions de l'arrêté contesté du 22 février 2018, qu'avant de prendre à l'encontre de M.A..., ressortissant indien, une obligation de quitter le territoire français, le préfet du Val-d'Oise a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé. Ne saurait caractériser une insuffisance de cet examen la circonstance que le préfet du Val-d'Oise n'a pas visé les éléments relatifs à sa situation professionnelle dont M.A..., qui n'a pas présenté de demande de carte de séjour temporaire à quelque titre que ce soit, s'est prévalu pour la première fois en première instance. Dès lors, le préfet du Val-d'Oise n'a pas entaché l'arrêté en litige d'erreur de droit. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 22 février 2018.

3. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur les autres moyens de la demande de première instance :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Par arrêté du 6 avril 2017 modifié par arrêté du 5 février 2018, régulièrement publiés au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département des 14 avril 2017 et 5 février 2018, le préfet du Val-d'Oise a donné délégation à Mme C...F..., adjointe au directeur des migrations et de l'intégration, en cas d'absence ou d'empêchement de ce directeur, M. E...D..., à l'effet de signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ volontaire, détermination du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions distinctes contenues dans l'arrêté du 22 février 2018 en litige manque en fait.

5. L'arrêté du 22 février 2018 du préfet du Val-d'Oise comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) ".

7. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal dressé le 22 février 2018 par l'officier de police judiciaire ayant procédé à l'audition de M.A..., que celui-ci a été informé de ce qu'il était susceptible d'être renvoyé dans son pays d'origine, l'Inde, perspective que l'intéressé a d'ailleurs rejetée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Si M. B...se prévaut de ce qu'il exerce avec son frère une activité de vente ambulante sur les marchés dans le cadre d'une entreprise immatriculée en décembre 2017 au registre du commerce et des sociétés régulièrement assurée, qu'il détient une carte de commerçant délivrée le 8 décembre 2017 pour une durée de quatre années, qu'il a suivi des cours de français et que les décisions distinctes contestées auraient pour effet de le séparer de son frère, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille et dont le visa a expiré le 29 juin 2014, n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales en Inde où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que les décisions distinctes contestées portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Par suite, l'arrêté du 22 février 2018 du préfet du Val-d'Oise n'a pas été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas affectée d'erreur manifeste d'appréciation.

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...). II.- L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas./(...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) ; 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;/(...). ".

11. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'arrêté attaqué du 22 février 2018 du préfet du Val-d'Oise, que M. A...s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa expiré le 29 juin 2014 et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, l'intéressé présentait un risque de fuite au sens des dispositions mentionnées au point 10, qui justifiait que l'autorité préfectorale ne lui accordât aucun délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision relative au délai de départ volontaire doit être écarté.

12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...). III.- L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour./(...). ".

13. Dans la mesure où M. A...ne s'est vu accorder aucun délai de départ volontaire en vue de se conformer à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, le préfet du Val-d'Oise était fondé à assortir cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, sans qu'y fassent obstacle les circonstances alléguées par l'intéressé que son frère vit en France, qu'il y a créé une entreprise commerciale et exerce une activité professionnelle, qu'il participe ainsi à l'économie française, qu'il a appris le français et qu'il n'a jamais fait l'objet de précédente mesure d'éloignement et ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas fondé.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement n° 1801969 du 19 avril 2018 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 22 février 2018 du préfet du Val-d'Oise doit être annulé et que la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801969 du 19 avril 2018 du magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

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N° 18VE01441


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01441
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: M. BOUZAR

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-06-20;18ve01441 ?
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