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14/05/2019 | FRANCE | N°18VE02018

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 14 mai 2019, 18VE02018


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL (CRCAM) DE L'ANJOU ET DU MAINE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis, à hauteur d'un montant total de 121 711 euros.

Par un jugement no 1704031 du 12 avril 2018, le Tribunal administratif d

e Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL (CRCAM) DE L'ANJOU ET DU MAINE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis, à hauteur d'un montant total de 121 711 euros.

Par un jugement no 1704031 du 12 avril 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2018, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 23 août et 4 octobre 2018, la CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE, représentée par la SCP Waquet-Farge-Hazan, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation en litige, ainsi que des intérêts de retard dont ils ont été assortis ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- les dépenses de mécénat qu'elle a engagées sont déductibles de la valeur ajoutée prise en compte pour le calcul de la valeur ajoutée des entreprises ; ces dépenses sont enregistrées dans un compte 639 " services extérieurs " du plan comptable des établissements de crédit ; les dépenses de mécénat sont déductibles de la valeur ajoutée même en l'absence de contreparties pour l'entreprise ; elles ne constituent pas des libéralités ; les instructions BOI-CVAE-BASE-30 et BOI-BIC-30-10-20 sont opposables à l'administration, en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; les dépenses de mécénat en litige ont un caractère récurrent, ce que l'administration ne conteste pas valablement ;

- les produits liés à l'actualisation des créances ne peuvent être inclus dans la valeur ajoutée servant de base de calcul à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, et le Tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit ; sa décision est contraire à la logique économique, au principe du parallélisme entre les charges et les produits, ainsi qu'au réalisme et à l'autonomie du droit fiscal ;

- le tribunal a entaché sa décision d'une contradiction de ses motifs et d'une dénaturation de ses écritures.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les rectifications en base à raison des dépenses de mécénat sont abandonnées et des dégrèvements, à hauteur de 8 323 euros pour l'année 2011 et de 10 784 euros pour l'année 2012, sont prononcés en faveur de la société requérante, à raison des rectifications abandonnées ;

- la requérante ne soutient aucun moyen ni argument nouveau relatif aux suppléments de cotisation assis sur l'actualisation des créances, alors qu'une décision de la Cour en date du 15 décembre 2015, jugeant dans le même sens que le Tribunal, vient d'être confirmée par le Conseil d'État, le 26 juillet 2018.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Méry ;

- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation, l'administration ayant remis en cause, pour les deux années, la déduction des dépenses de mécénat de la valeur ajoutée prise en compte pour le calcul de cette cotisation, ainsi que l'absence d'inclusion, dans le calcul de cette valeur ajoutée, des produits liés à l'actualisation des créances. La CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil par lequel celui-ci a rejeté sa demande de décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a été assujettie, ainsi que des intérêts de retard dont ces suppléments ont été assortis.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 6 novembre 2018, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a accordé à la CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE le dégrèvement, en droits et intérêts de retard, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a été assujettie à raison de la déduction des dépenses de mécénat, au titre des années 2011 et 2012, à hauteur de la somme totale de 19 107 euros. Les conclusions de la requête de la CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE sont, dans cette mesure, devenue sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

4. La CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE soutient que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation. A l'appui de son moyen, elle se borne à faire valoir que les motifs du jugement ne répondent pas à la précision des moyens et arguments qu'elle a invoqués, sans préciser le ou les moyens auxquels les premiers juges auraient insuffisamment répondu. En outre, à l'appui du même moyen, la CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE fait également valoir que les premiers juges n'auraient pas répondu à certains moyens opérants, entachant ainsi leur décision d'une omission à statuer. Toutefois, elle n'apporte pas d'éléments au soutien de cette seconde branche du moyen de nature à permettre au juge d'appel d'en apprécier le bien-fondé. En conséquence, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté dans ses deux branches.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

5. Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " I. Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies. (...) ". Et aux termes de l'article 1586 sexies du même code : " (...) III.-Pour les établissements de crédit (...):1. Le chiffre d'affaires comprend l'ensemble des produits d'exploitation bancaires et des produits divers d'exploitation autres que les produits suivants : (...) / 2. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1 (...) ; / b) Et, d'autre part : / -les charges d'exploitation bancaires autres que les dotations aux provisions sur immobilisations données en crédit-bail ou en location simple ; / -les services extérieurs, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail ainsi que les redevances afférentes à ces biens lorsqu'elles résultent d'une convention de location-gérance ; toutefois, lorsque les biens pris en location par le redevable sont donnés en sous-location pour une durée de plus de six mois, les loyers sont retenus à concurrence du produit de cette sous-location ; / -les charges diverses d'exploitation, à l'exception des moins-values de cession sur immobilisations autres que celles portant sur les autres titres détenus à long terme et des quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ; / -les pertes sur créances irrécouvrables lorsqu'elles se rapportent aux produits d'exploitation bancaire. ". Enfin, aux termes de l'article 1600 du code général des impôts, la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises se calcule sur la base de cette cotisation.

6. Ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour les établissements dont il s'agit. La norme applicable en l'espèce est le règlement du comité de la réglementation bancaire du 16 janvier 1991 relatif à l'établissement et à la publication des comptes individuels annuels des établissements de crédit et le règlement du 12 décembre 2002 du comité de la réglementation comptable relatif au traitement comptable du risque de crédit, modifié par le règlement du 3 novembre 2005. Lorsqu'un poste comptable applicable aux établissements de crédit n'est pas spécifique aux activités de ces établissements, il y a lieu de l'interpréter à la lumière des dispositions équivalentes du plan comptable général, tel qu'il est défini par le règlement du comité de la réglementation comptable du 23 avril 1999.

7. Aux termes de l'article 13 du règlement du 12 décembre 2002 du comité de la réglementation comptable relatif au traitement comptable du risque de crédit, modifié par le règlement du 3 novembre 2005 : " L'établissement assujetti enregistre les dépréciations correspondant, en valeur actualisée, à l'ensemble de ses pertes prévisionnelles au titre des encours douteux ou douteux compromis. (...). Les flux contractuels initiaux, déduction faite des flux déjà encaissés, et les flux prévisionnels sont actualisés au taux effectif d'origine des encours correspondants pour les prêts à taux fixe ou au dernier taux effectif déterminé selon les termes contractuels pour les prêts à taux variable. ". Pour l'application de ces dispositions, lorsqu'un établissement de crédit provisionne en valeur actualisée les dépréciations correspondant à des pertes prévisionnelles au titre des encours douteux ou douteux compromis, il doit également comptabiliser en valeur actualisée les éventuelles garanties qui avaient été constituées par les contreparties. L'écoulement du temps conduit l'établissement de crédit à procéder à des reprises sur les provisions passées.

8. Le règlement du 16 janvier 1991 relatif à l'établissement et à la publication des comptes des établissements de crédit prévoit que le poste 18 " coût du risque " comprend les dotations et reprises de provision pour dépréciation des créances sur la clientèle. Ce règlement précise toutefois que : " Par exception, sont classés aux postes [intitulés " Intérêts et produits assimilés "] (...) du compte de résultat les dotations et reprises sur dépréciations, (...) les intérêts recalculés au taux d'intérêt effectif d'origine sur les créances restructurées inscrites en encours sains (...). Sur option, les intérêts recalculés au taux d'intérêt effectif d'origine des créances restructurées ayant un caractère douteux et la reprise liée au passage du temps de la dépréciation des créances douteuses et douteuses compromises, restructurées ou non (...) ". Il suit de là que le règlement du 16 janvier 1991 permet aux établissements de crédit d'opter pour l'inscription au compte de résultat de la reprise, liée au passage du temps, des provisions pour dépréciation des créances douteuses ou douteuses compromises soit au poste " intérêts et produits assimilés ", qui entre dans la catégorie des produits d'exploitation bancaire, soit au poste 18 " coût du risque ", qui n'entre pas dans le calcul du produit net bancaire.

9. En premier lieu, il est constant que la CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE a enregistré les intérêts d'actualisation courant sur les flux futurs des créances douteuses dans un compte de produits d'exploitation, numéroté " 70266 ", intitulé " intérêts sur solvabilité actualisée ", du poste " intérêts et produits assimilés ", et inclus dans le calcul du produit net bancaire. Cette inscription comptable, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, est permise par le règlement du 16 janvier 1991. En conséquence, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les montants en cause correspondant à ces intérêts ont été inclus dans le calcul de la valeur ajoutée en application de l'article 1586 sexies du code général des impôts. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance des principes de réalisme et d'autonomie du droit fiscal et de symétrie des charges et des produits ne peuvent être utilement invoqués, en l'espèce, à l'appui de la lecture du texte fiscal. Il en est de même de la méconnaissance de la logique économique, les produits en cause correspondant à une valeur actuelle nette.

10. En second lieu, si la CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE soutient que le jugement est entaché d'une contradiction de ses motifs et que les premiers juges ont dénaturé ses écritures, ces moyens ne peuvent qu'être écartés comme inopérants, dès lors que le motif selon lequel les produits en cause étaient inclus dans la production bancaire au sens comptable, et par suite également au sens fiscal, est par lui-même suffisant pour répondre au moyen présenté à l'appui de ses conclusions en décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête relatives à la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à raison des rectifications en lien avec les dépenses de mécénat auxquels la CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE est rejeté.

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N° 18VE02018


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-045-03-02 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Fabienne MERY
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : SCP WAQUET FARGE HAZAN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 14/05/2019
Date de l'import : 21/05/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18VE02018
Numéro NOR : CETATEXT000038486236 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-05-14;18ve02018 ?
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