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19/02/2019 | FRANCE | N°17VE03645

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 19 février 2019, 17VE03645


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...C...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation des arrêtés du 24 novembre 2017 du PRÉFET DU VAL-D'OISE prononçant son transfert aux autorités tchèques, responsables de sa demande d'asile et son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1711020 du 29 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet du

Val-d'Oise ou au préfet territorialement compétent d'en

registrer la demande d'asile de

M. B...C...et de lui délivrer l'attestation de demande d'as...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...C...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation des arrêtés du 24 novembre 2017 du PRÉFET DU VAL-D'OISE prononçant son transfert aux autorités tchèques, responsables de sa demande d'asile et son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1711020 du 29 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet du

Val-d'Oise ou au préfet territorialement compétent d'enregistrer la demande d'asile de

M. B...C...et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile prévue à l'article

L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2017, le PRÉFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que l'ancienneté et la stabilité des liens familiaux dont M. B...C...se prévaut ne sont pas suffisamment établies pour que la décision portant transfert aux autorités tchèques de sa demande d'asile puisse être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli a été entendu au cours de l'audience publique..

Considérant ce qui suit :

1. Le PRÉFET DU VAL-D'OISE relève appel du jugement du 29 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les arrêtés du 24 novembre 2017 portant transfert aux autorités tchèques et assignation à résidence de

M. B...C....

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté portant transfert :

2. Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...) ". Il résulte des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 que le transfert du demandeur doit s'effectuer au plus tard dans un délai de six mois, à défaut de quoi " l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant ". Ce même article prévoit que " ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Il ressort des pièces du dossier que le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder au transfert de M. B...C...à compter de la décision d'acceptation des autorités tchèques a été interrompu par la présentation, le 26 novembre 2017, de la demande de l'intéressé devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation de la décision de transfert en litige. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, ce délai a recommencé à courir à compter de la date du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a statué sur la demande, soit à compter du 29 novembre 2017. Aucune des parties ne fait valoir que la décision de transfert aurait, depuis lors, été exécutée et le PRÉFET DU VAL-D'OISE ne soutient pas que ce délai aurait été prolongé, étant précisé qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait été emprisonné ou aurait pris la fuite.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B...C...est fondé à soutenir que l'arrêté en litige portant transfert aux autorités tchèques est devenu caduc à la date du 29 mai 2018 et que, par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête du PRÉFET DU VAL-D'OISE tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 novembre 2017 ayant annulé cet arrêté.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...C... :

6. Si M. B...conclut également au non-lieu à statuer sur les conclusions du PRÉFET DU VAL-D'OISE concernant ce second arrêté, il y a lieu pour la Cour de statuer sur ce point dès lors que cet arrêté n'a pas été rapporté ni même abrogé.

7. Le I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet à l'autorité administrative de " prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable ", notamment lorsque cet étranger fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 de ce code. L'avant dernier alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'applique aux assignations à résidence prononcées en application de l'article L. 561-2 en vertu du neuvième alinéa de ce même article, dispose que : " L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage. (...) L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article

L. 611-2 (...) ". L'article R. 561-2 du même code précise que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ". Le deuxième alinéa de cet article prévoit également que, dans certains cas, notamment lorsque le comportement de l'étranger ayant fait l'objet d'une mesure de transfert en application de l'article L. 742-3 constitue une menace pour l'ordre public, l'autorité administrative peut " désigner à l'étranger une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il est assigné à résidence, dans la limite de dix heures consécutives par vingt-quatre heures ".

8. Il ressort de ces dispositions qu'une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Une telle mesure n'a pas, en dehors des hypothèses où elle inclut une astreinte à domicile pour une durée limitée, pour effet d'obliger celui qui en fait l'objet à demeurer à son domicile.

9. L'arrêté attaqué, s'il précise qu'un contrôle hebdomadaire sera réalisé par les policiers du commissariat de police de Cergy dans l'enceinte du centre hébergement dans lequel a été fixée la résidence de l'intéressé, afin de faire constater qu'il respecte la mesure d'assignation à résidence, cet arrêté ne précise ni le jour ni l'heure de ce contrôle hebdomadaire, astreignant ainsi l'intéressé à être présent de manière continue au centre d'hébergement du lundi au jeudi, de 9 heures à 17 heures et le vendredi de 9 heures à 16 heures. Par suite, et alors que l'arrêté attaqué ne fait pas état d'un comportement constituant une menace pour l'ordre public, M. B...C...est fondé à soutenir que cet arrêté, qui l'oblige à demeurer dans les locaux où il est assigné à résidence du lundi au jeudi de 9 heures à 17 heures et le vendredi de 9 heures à 16 heures, méconnaît les dispositions susvisées de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le PRÉFET DU VAL-D'OISE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté portant assignation à résidence de M. B...C....

11. Enfin, M. B... C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de celui-ci le versement à Me A... de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 novembre 2017 en ce qu'il a annulé l'arrêté du 24 novembre 2017 du PRÉFET DU VAL-D'OISE portant transfert aux autorités tchèques.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : L'État versera à Me A... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

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N° 17VE03645


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03645
Date de la décision : 19/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-03-04


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Nathalie RIBEIRO-MENGOLI
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SELARL VERPONT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-02-19;17ve03645 ?
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