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12/02/2019 | FRANCE | N°17VE03570

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 février 2019, 17VE03570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU FINISTERE (CRCAM) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge, en droits et pénalités, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1604614 du 2 octobre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 novembre 2017 et 4 juillet 2018, la CRCAM, repré

sentée par la SCP Waquet-Farge-Hazan, société d'avocats, demande à la cour :

1° d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU FINISTERE (CRCAM) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge, en droits et pénalités, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1604614 du 2 octobre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 novembre 2017 et 4 juillet 2018, la CRCAM, représentée par la SCP Waquet-Farge-Hazan, société d'avocats, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge demandée ;

3 de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les dépenses de mécénat doivent venir en déduction de la valeur ajoutée en application du 2 de l'article 1586 du code général des impôts, dès lors que, loin d'être constitutives de " libéralités ", elles présentent le caractère de services extérieurs au sens de cet article ;

- les prévisions de la doctrine BOI-BIC-RICI-20-30-10-20 n° 60 et du paragraphe 68 de l'instruction 6-E-1-10 du 25 mai 2010 sont opposables en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que le tribunal a affirmé que les produits liés à l'actualisation des créances devaient être inclus dans la valeur ajoutée servant de base de calcul à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dès lors d'une part, que ces produits ne correspondent à aucune création de valeur mais à une simple écriture comptable, d'autre part, que le code général des impôts ne permet pas de déduire les dotations aux provisions sur créances douteuses de la valeur ajoutée.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Munoz-Pauziès,

- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU FINISTERE (CRCAM) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au cours de laquelle le vérificateur a constaté que la société, pour le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, avait d'une part, omis de prendre en compte des produits résultant d'une actualisation de ses créances et, d'autre part, déduit des dépenses de mécénat. Le service a en conséquence notifié des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, au titre des années 2010 et 2011. La CRCAM relève appel du jugement du 2 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement attaqué, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments de la société requérante, répond de façon suffisante aux moyens soulevés devant les premiers juges. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

3. Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " " I. - Les personnes physiques ou morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 € sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies. (...) ". Cet article 1586 sexies dispose que : " (...) III. Pour les établissements de crédit (...):/ 1. Le chiffre d'affaires comprend l'ensemble des produits d'exploitation bancaires et des produits divers d'exploitation autres que les produits suivants : / a) 95 % des dividendes sur titres de participation et parts dans les entreprises liées ; / b) Plus-values de cession sur immobilisations figurant dans les produits divers d'exploitation autres que celles portant sur les autres titres détenus à long terme ; / c) Reprises de provisions spéciales et de provisions sur immobilisations ; / d) Quotes-parts de subventions d'investissement ; / e) Quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun. / 2. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1 (...) ; / b) Et, d'autre part : / -les charges d'exploitation bancaires autres que les dotations aux provisions sur immobilisations données en crédit-bail ou en location simple ; / -les services extérieurs, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail ainsi que les redevances afférentes à ces biens lorsqu'elles résultent d'une convention de location-gérance ; toutefois, lorsque les biens pris en location par le redevable sont donnés en sous-location pour une durée de plus de six mois, les loyers sont retenus à concurrence du produit de cette sous-location ; (...). ".

4. Ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour les établissements dont il s'agit. La norme applicable est, pour un établissement de crédit, le règlement du comité de la réglementation bancaire du 16 janvier 1991 relatif à l'établissement et à la publication des comptes des établissements de crédit et le règlement du 12 décembre 2002 du comité de la réglementation comptable relatif au traitement comptable du risque de crédit, modifié par le règlement du 3 novembre 2005. Lorsqu'un poste comptable applicable aux établissements de crédit n'est pas spécifique aux activités de ces établissements, il y a lieu de l'interpréter à la lumière des dispositions équivalentes du plan comptable général, tel qu'il est défini par le règlement du comité de la réglementation comptable du 23 avril 1999.

En ce qui concerne les dépenses de mécénat :

5. En l'absence de dispositions spécifiques pour la comptabilisation des dépenses de mécénat dans le règlement du 16 janvier 1991 mentionné au point 3 ci-dessus, il y a lieu de rattacher ces dépenses aux dons, lesquels doivent être enregistrés, selon le cas, dans un compte de " services extérieurs " rattaché au compte de classe 15 " charges générales d'exploitation " ou au compte de classe 22 " charges exceptionnelles ", comme le prévoit le règlement du

23 avril 1999 également mentionné au point 3, qui prescrit un enregistrement des dons, selon le cas, dans les charges d'exploitation mentionnées au compte 6238 " divers (pourboires, dons courants...) " ou dans les charges exceptionnelles mentionnées au compte 6713 " dons, libéralités ". Les dépenses de mécénat réalisées par une entreprise doivent, ainsi, être comptabilisées en charges exceptionnelles lorsqu'elles ne peuvent pas être regardées, compte tenu des circonstances de fait, notamment de leur absence de caractère récurrent, comme relevant de l'activité habituelle et ordinaire de l'entreprise et en charges d'exploitation dans le cas contraire.

6. Il est constant que la CRCAM a enregistré les dépenses de mécénat litigieuses au compte 639 " autres services extérieurs " du plan comptable des établissements de crédits. Ces dépenses étaient ainsi déductibles pour le calcul de la valeur ajoutée. C'est par suite à tort que l'administration, qui n'établit ni même n'allègue qu'elles seraient dépourvues de caractère récurent, a estimé qu'elles devaient être exclues des charges imputables sur les produits pour le calcul de la valeur ajoutée.

En ce qui concerne la reprise des provisions pour dépréciations liées à l'actualisation des créances futures :

7. Aux termes de l'article 13 du règlement du 12 décembre 2002 du comité de la réglementation comptable relatif au traitement comptable du risque de crédit, modifié par le règlement du 3 novembre 2005 : " L'établissement assujetti enregistre les dépréciations correspondant, en valeur actualisée, à l'ensemble de ses pertes prévisionnelles au titre des encours douteux ou douteux compromis.(...). Les flux contractuels initiaux, déduction faite des flux déjà encaissés, et les flux prévisionnels sont actualisés au taux effectif d'origine des encours correspondants pour les prêts à taux fixe ou au dernier taux effectif déterminé selon les termes contractuels pour les prêts à taux variable. ". Pour l'application de ces dispositions, lorsqu'un établissement de crédit provisionne en valeur actualisée les dépréciations correspondant à des pertes prévisionnelles au titre des encours douteux ou douteux compromis, il doit également comptabiliser en valeur actualisée les éventuelles garanties qui avaient été constituées par les contreparties. L'écoulement du temps conduit l'établissement de crédit à procéder à des reprises sur les provisions passées.

8. Le règlement du 16 janvier 1991 relatif à l'établissement et à la publication des comptes des établissements de crédit prévoit que le poste 18 " coût du risque " comprend les dotations et reprises de provision pour dépréciation des créances sur la clientèle. Ce règlement précise toutefois que : " Par exception, sont classés aux postes [intitulés " Intérêts et produits assimilés "] (...) du compte de résultat les dotations et reprises sur dépréciations, (...) les intérêts recalculés au taux d'intérêt effectif d'origine sur les créances restructurées inscrites en encours sains (...). Sur option, les intérêts recalculés au taux d'intérêt effectif d'origine des créances restructurées ayant un caractère douteux et la reprise liée au passage du temps de la dépréciation des créances douteuses et douteuses compromises, restructurées ou non (...)". Il suit de là que le règlement du 16 janvier 1991 permet aux établissements de crédit d'opter pour l'inscription au compte de résultat de la reprise, liée au passage du temps, des provisions pour dépréciation des créances douteuses ou douteuses compromises soit au poste " intérêts et produits assimilés ", qui entre dans la catégorie des produits d'exploitation bancaire, soit au poste 18 " coût du risque ", qui n'entre pas dans le calcul du produit net bancaire.

9. En l'espèce, il est constant que la société requérante a, comme le règlement du 16 janvier 1991 lui en donnait la faculté, enregistré les intérêts d'actualisation courant sur les flux futurs des créances douteuses dans un compte intitulé " intérêts et produits assimilés " à comprendre dans les produits d'exploitation bancaires au sens du III de l'article 1586 sexies du code général des impôts. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration les a intégrés dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base, en application de l'article 1586 ter du code général des impôts, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU FINISTERE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande portant sur les dépenses de mécénat. Par voie de conséquences, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU FINISTERE est déchargée des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 et 2011 résultant du refus de prise en compte des dépenses de mécénat dans le calcul de la valeur ajoutée.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU FINISTERE la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU FINISTERE est rejeté.

2

N°17VE03570


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03570
Date de la décision : 12/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-045-03-02 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : SCP WAQUET FARGE HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-02-12;17ve03570 ?
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