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04/12/2018 | FRANCE | N°17VE00124

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 04 décembre 2018, 17VE00124


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Besson-Ledey,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de M. C... et Mme D...pour le préfet du Val-d'Oise.

Une note en délibéré présentée par le préfet du Val-d'Oise a été enregistrée le 22 novembre 2018.

Co

nsidérant ce qui suit :

1. Par un arrêt avant dire droit du 4 juillet 2017, la Cour a reconnu l'Etat responsable des dommages su...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Besson-Ledey,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de M. C... et Mme D...pour le préfet du Val-d'Oise.

Une note en délibéré présentée par le préfet du Val-d'Oise a été enregistrée le 22 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt avant dire droit du 4 juillet 2017, la Cour a reconnu l'Etat responsable des dommages subis par la société E...Auto SA à raison de l'incendie de son garage le 25 novembre 2007 et a ordonné une expertise aux fins de préciser le montant des indemnités versées par la société d'assurances Covea Risks à cette société, en indemnisation des dommages subis à raison de l'incendie de son garage le 25 novembre 2007 en indiquant, pour chaque somme versée, la date du versement et la nature du dommage indemnisé et en dressant la liste des dommages ayant résulté, pour la société E...Auto SA, de l'incendie de son garage le 25 novembre 2007, en les évaluant et en se prononçant notamment sur l'exactitude des évaluations figurant aux rapports d'expertise produits par la société Covea Risks.

2. L'article L. 121-12 du code des assurances dispose dans son premier alinéa : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ". Il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré.

3. Si le préfet du Val-d'Oise fait valoir que l'expert n'a pas disposé de justificatifs suffisants et probants pour apprécier la réalité des indemnités effectivement versées par la société Covea Risks à son assurée ainsi que l'étendue des dommages, et n'a ainsi pas pu répondre à la mission qui lui était confiée, il résulte du rapport d'expertise que l'expert a tenu compte des carences de la société mais a pu se prononcer au regard des seuls éléments dont il a pu disposer.

En ce qui concerne les dommages aux bâtiments :

4. La société Mutuelles du Mans Assurances sollicite l'octroi d'une somme de 1 085 385 euros au titre des dommages causés aux bâtiments du garage exploité par la société E...Auto SA. Toutefois si cette société était en charge de l'exploitation du garage, elle n'avait pas la propriété des murs, le propriétaire des murs étant la SCIE..., entité juridique distincte. Par suite, alors que le présent litige concerne le recours subrogatoire de la société Covea Risks, aux droits desquels vient la société Mutuelles du Mans Assurances, pour son assurée, la société E...Auto SA, et non la SCIE..., les conclusions tendant à l'indemnisation de ce poste de préjudice ne peuvent être que rejetées.

En ce qui concerne les dommages aux véhicules :

5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'un total de 50 véhicules ont été endommagés lors de l'incendie du garage le 25 novembre 2007, dont 28 ont été brûlés, 20 lavés et 2 réparés. Si le préfet du Val-d'Oise fait valoir que onze véhicules déclarés brûlés ont fait l'objet de cessions au cours des années postérieures, il résulte du rapport d'expertise que les propriétaires de 10 véhicules déclarés brûlés ont choisi de les conserver à la suite du sinistre et de percevoir une indemnité correspondant à la différence entre la valeur initiale du véhicule et la valeur postérieure au sinistre, de telle manière que l'indemnisation n'a pas été totale pour ces véhicules. S'agissant du onzième véhicule Nissan Almera immatriculé 182DKE95, il résulte de l'instruction que sa réparation étant impossible, il a été vendu à un épaviste et que la société E...Auto SA a reçu une indemnisation correspondant à la valeur totale hors taxe avant sinistre, soit 6 086 euros. Au regard de l'ensemble des informations sur les véhicules, communiquées par les parties à l'expert, ce dernier a pu dresser un tableau qu'il a soumis au contradictoire, comportant notamment les bases indemnitaires pour chaque véhicule, le montant des indemnités versées, ainsi que les précisions suffisantes pour lever la contestation du préfet sur l'indemnisation des onze véhicules remis en circulation. Il a, sur la base de ces informations, arrêté le montant du dommage pour la destruction ou la détérioration des 50 véhicules à 396 786,83 euros. Il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation subrogative du 22 janvier 2010 signées par M. E..., que celui-ci a reçu au titre de ce sinistre la somme totale de 396 785,83 euros. L'ensemble de ces éléments étant de nature à établir la réalité du paiement de l'indemnité d'assurance, il y a lieu de condamner l'Etat à verser cette dernière somme à la société Mutuelles du Mans Assurances.

En ce qui concerne les dommages du contenu :

6. La société Covea Risks réclame une somme de 426 254 euros correspondant à l'indemnisation du contenu. Elle a produit à ce titre trois quittances d'indemnité de sinistre sur le contenu de 200 000, 225 000 et 1 254 euros soit un total de 426 254 euros signées par M. E... justifiant ainsi s'être acquittée des sommes en cause. Selon l'expert le contenu ainsi indemnisé correspond au matériel, marchandises et frais de gardiennage détaillés dans le rapport d'expertise du cabinet Polyexpert réalisé le 8 décembre 2008 pour le compte de l'assureur. Pour effectuer son évaluation, le cabinet Polyexpert s'est fondé sur ses constatations sur place et l'évaluation faite par le cabinet d'expertise industrielle Collomé Frère. Il a pu évaluer le matériel à indemniser immédiatement à hauteur de 180 166 euros et de manière différée à hauteur de 73 056 euros en fournissant un listing complet des matériels tenant compte de leur valeur et d'un coefficient de vétusté de 40%. Il s'est fondé sur l'état du stock retrouvé sur les listings informatiques de la société non endommagés par l'incendie pour évaluer les marchandises à 178 985 euros. Il a enfin admis d'autres frais comme les frais de pompage, de reconstitution média, de déblais et de gardiennage qui lui ont été justifiés. Alors que l'expert désigné par la Cour ne relève aucune incohérence entre l'indemnité versée et les dommages en réparation desquelles elle a été versée, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la société Mutuelles du Mans Assurances la somme de 426 254 euros.

En ce qui concerne la perte d'exploitation :

7. La société Mutuelles du Mans Assurances sollicite à ce titre l'octroi d'une somme de 406 281 euros. Elle n'a toutefois produit qu'une quittance subrogative dûment signée d'un montant de 385 000 euros indemnisant la perte d'exploitation. Elle ne saurait dès lors être regardée comme ayant justifié du paiement de cette indemnité qu'à hauteur de cette somme. Il ressort des pièces du dossier notamment du rapport du cabinet polyexpert du 22 octobre 2009 que la somme de 385 000 euros demandée correspond au coût des salaires versés au titre des mois de décembre 2007 et janvier 2008 ainsi qu'au coût des licenciements auxquels la société a procédé. Alors que l'expert désigné par la Cour valide les conclusions du cabinet Polyexpert, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la société Mutuelles du Mans Assurances la somme de 385 000 euros.

8. Si le préfet du Val-d'Oise demande de déduire de ces sommes les éventuelles aides que la société E...aurait obtenu de l'Etat, il n'apporte aucun élément tendant à démontrer que de telles aides auraient eu pour objet une indemnisation du sinistre que l'assureur n'aurait ainsi pas été tenu d'indemniser.

En ce qui concerne les frais accessoires :

9. Les frais accessoires dont la société Mutuelles du Mans Assurances demande le remboursement concernent les frais des expertises effectuées par les cabinets CI2R et Polyexpert. Ces frais étant justifiés à hauteur de 40 607,31 euros et en lien avec l'évaluation des dommages subis par la société E...Auto SA en raison du sinistre survenu le 25 novembre 2007, il y a lieu de condamner l'Etat à verser cette somme à la société Mutuelles du Mans Assurances. En revanche, la somme de 21 451,08 également réclamée et correspondant aux frais des cabinets d'avocats sera prise en charge au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à la société Mutuelles du Mans Assurances la somme totale de 1 248 647,14 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation :

11. La société Mutuelles du Mans Assurances, venant aux droits de la société Covea Risks, a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 1 248 647,14 euros à compter du 5 juillet 2010, date de réception de sa demande préalable par l'administration.

12. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 5 novembre 2010 devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation à compter du 5 juillet 2011, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

13. Il résulte de tout ce qui précède que La société Mutuelles du Mans Assurances, venant aux droits de la société Covea Risks, est fondée à demander l'annulation du jugement du 5 avril 2012 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 1 248 647,14 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2010 et capitalisation à chaque échéance annuelle à compter du 5 juillet 2011.

Sur les frais d'expertise :

14. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 14 418 euros par l'ordonnance susvisée du président de la Cour en date du 8 janvier 2018.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

16. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Mutuelles du Mans Assurances et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1008768 du 5 avril 2012 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser la somme de 1 248 647,14 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2010. Les intérêts échus à la date du 5 juillet 2011 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les frais d'expertise taxés à hauteur de 14 418 euros par ordonnance du président de la Cour en date du 8 janvier 2018 sont mis à la charge de l'Etat.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Mutuelles du Mans Assurances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 17VE00124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00124
Date de la décision : 04/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-03-02 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Subrogation. Subrogation de l'assureur.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Céline GUIBÉ
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SCP CLAISSE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-12-04;17ve00124 ?
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