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29/11/2018 | FRANCE | N°16VE00924

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 29 novembre 2018, 16VE00924


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés, avec intérêts de retard et majorations, au titre de la période du 15 décembre 2008 au 31 mars 2010.

Par un jugement n° 1308251 du 27 janvier 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enr

egistrés respectivement le 29 mars 2016 et le 17 février 2017, la SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés, avec intérêts de retard et majorations, au titre de la période du 15 décembre 2008 au 31 mars 2010.

Par un jugement n° 1308251 du 27 janvier 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 29 mars 2016 et le 17 février 2017, la SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL, représentée par la SCP Nataf et Planchat, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a appliqué la procédure de contrôle prévue à l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, alors que la comptabilité de la contribuable n'était pas tenue selon un système informatique centralisé ;

- le vérificateur ne l'a pas informée de la nature des traitements envisagés et ne l'a pas mise à même de choisir une des options prévues à cet article ;

- la procédure fiscale suivie porte atteinte aux droits de la défense et au principe d'égalité des armes au sens de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, faute d'accès de la contribuable à son dossier pénal et de communication par l'administration de la demande de code la concernant ;

- elle a été privée d'un recours effectif lui permettant de faire reconnaître la nullité de la saisine de la pièce qui lui est opposée ;

- la méthode de reconstitution des bases est radicalement viciée dans son principe par l'assimilation des ruptures de numérotation des factures à une dissimulation des recettes au moyen du logiciel Alliance Plus ;

- les pénalités pour manoeuvres frauduleuses lui ont été infligées en méconnaissance de l'article 6 de ladite convention ;

- l'administration n'a pas démontré sa mauvaise foi.

......................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Soyez,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL relève appel du jugement, rendu le 27 janvier 2016, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés, avec intérêts de retard et majorations, au titre de la période du 15 décembre 2008 au 31 mars 2010.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " II.- En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. (...) ".

3. En premier lieu, la SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL expose que ses recettes sont comptabilisées à partir d'un état des recettes journalières, et qu'elles ne sont qu'ensuite intégrées dans son logiciel comptable, que les inventaires annuels des stocks proviennent de relevés physiques réalisés par un prestataire extérieur sur papier, qu'aucune écriture de correction du montant des stocks après inventaire n'est enregistrée dans le logiciel Alliance Plus dont elle est équipée, et que ce dernier ne centralise pas les recettes, mais est exclusivement destiné à télétransmettre les ventes en tiers payant aux caisses de sécurité sociale. Toutefois, elle ne conteste pas que le logiciel Alliance Plus dispose d'une fonction " outil d'administration " permettant à l'utilisateur de supprimer l'historique de la caisse en cours et de faire disparaître une partie des recettes en espèces de l'officine. Ainsi, le logiciel Alliance Plus permet de modifier les données comptables informatisées et, même s'il n'est pas connecté au logiciel de comptabilité de la requérante, constitue un élément de traitement comptable informatisé servant à soustraire une partie des recettes payées en espèces. Il fait donc office de logiciel de caisse et concourt à la formation des résultats comptables. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le vérificateur a appliqué à tort à la comptabilité de l'entreprise les procédures de contrôle prévues à l'article L. 47 A précité doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL a été informée de la nature des investigations et des différentes options prévues à l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, par courriers du 29 novembre 2010 et du 29 juin 2011. En réponse, la contribuable a expressément opté, le 30 novembre et le 29 juin 2011, pour la remise au vérificateur des copies des fichiers nécessaires à la réalisation des traitements demandés. Par suite, le moyen tiré de ce que le vérificateur n'aurait pas informé la contribuable de la nature des traitements envisagés et ne l'aurait pas mise en mesure de choisir une des options prévues à l'article L. 47 A manque en fait.

5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction qu'une information judiciaire a été ouverte à l'encontre d'une pharmacie située dans le Gard, et qu'un rapport d'expertise du 24 février 2009 a démontré que le logiciel de gestion Alliance Plus utilisé par cette société comportait la fonction " outil d'administration ". Il s'en est suivi le 23 juin 2009 une perquisition pénale au cours de laquelle les enquêteurs auraient saisi les coordonnées de pharmaciens ayant demandé à l'éditeur de ce logiciel le mot de passe permettant d'accéder à cette fonction. Le 25 janvier 2010, un juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Nîmes a communiqué à l'administration fiscale une liste des pharmacies, dont la SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL, ayant demandé ce mot de passe. Il est constant que la proposition de rectification du 15 décembre 2011 informait la contribuable de son droit à communication des copies des pièces de l'instruction pénale et des références du dossier (408/0047) et que l'intéressée a ainsi pu obtenir, notamment, copie du rapport de l'expert désigné par le vice-président du Tribunal de grande instance de Nîmes au cours de la procédure pénale et d'un extrait du fichier. Si elle estime ne pas avoir eu accès à l'entier dossier pénal, il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur se serait appuyé sur des documents détenus par l'autorité judiciaire autres que ceux dont l'intéressée pouvait demander communication, lesquels, du reste, étaient à eux seuls suffisants pour établir les rectifications en litige. Dès lors, et en tout état de cause, le moyen tiré de la rupture, au détriment de la requérante, du principe d'égalité des armes au sens de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. En quatrième lieu, la SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL relève que l'administration fiscale se serait fondée, pour rectifier ses bases imposables, sur la perquisition pénale mentionnée au paragraphe précédent. Elle estime que, malgré ses réserves sur la légalité de cet acte de procédure pénale, elle ne dispose d'aucune voie de recours pour faire reconnaître la nullité de la saisine des pièces, recueillies lors de cette perquisition, qui lui sont opposées. Mais si les faits révélés par cette procédure pénale ont conduit l'administration à engager une vérification de comptabilité de la requérante, c'est uniquement sur le fondement des éléments recueillis au cours de cette vérification que l'administration a rectifié les bases imposables de la société, et non grâce aux informations qui lui avaient été communiquées par l'autorité judiciaire. Ainsi, à supposer même que la procédure pénale mentionnée ci-dessus ait été viciée, l'absence de recours effectif contre cette procédure est sans incidence sur la régularité du contrôle fiscal en question et sur la régularité des rectifications en litige. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance du droit au recours effectif au sens de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. En vertu des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, lorsqu'un contribuable s'est abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, il ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition contestée qu'en rapportant la preuve de son caractère exagéré. En l'espèce, la SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL n'a pas présenté d'observations au sujet de la proposition de rectification du 15 décembre 2011. Il lui incombe donc de démontrer le caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qu'elle conteste, qui lui ont été assignés pour la période du 15 décembre 2008 au 31 mars 2010.

8. Le vérificateur a constaté qu'au moyen de la fonction " outil d'administration ", qui est activable par un mot de passe dont le gérant de l'officine avait demandé expressément à l'éditeur la communication par un courrier du 17 décembre 2008, la SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL a supprimé au cours de la période vérifiée des recettes payées en espèces, ne relevant pas du tiers payant. Ces suppressions ayant fait apparaître une rupture de séquences dans les factures et les règlements, le vérificateur a procédé au rehaussement du chiffre d'affaires dissimulé par la contribuable, en multipliant le nombre de règlements manquants figurant dans les fichiers des règlements par la valeur moyenne des règlements en espèces pour les produits disponibles sans ordonnance figurant dans le fichier des factures, tout en prenant en compte la ventilation par taux de taxe sur la valeur ajoutée selon les ratios qui ressortaient du même fichier. L'administration a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux omissions de recettes ainsi constatées, à partir du calcul, détaillé dans la proposition de rectification, de la répartition des montants facturés par taux de taxe sur la valeur ajoutée. Pour réfuter l'assimilation des ruptures de numérotation des factures à une dissimulation des recettes grâce à la fonction " outil d'administration ", la requérante avance sans autre précision que ces ruptures peuvent provenir de la reprise de factures en attente, de régularisations ou encore de disfonctionnements informatiques. Ce faisant, elle ne démontre pas, comme il lui incombe, que la méthode de reconstitution des bases est radicalement viciée dans son principe.

Sur les majorations :

9. D'une part, pour les motifs exposés au point 5, la circonstance que la SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL n'aurait pas eu accès à l'entier dossier pénal n'est pas de nature à rompre à son détriment le principe d'égalité des armes au sens de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de ce que les majorations pour manoeuvres frauduleuses seraient intervenues au terme d'une procédure contraire à ce principe doit donc être écarté.

10. D'autre part, en vertu des dispositions du c. de l'article 1729 du code général des impôts, les inexactitudes ou les omissions relevées dans un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraînent l'application d'une majoration de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses. Et en vertu des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration, en cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre, notamment, de la taxe sur la valeur ajoutée.

11. Pour justifier l'application de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses, l'administration se prévaut de l'acquisition par la requérante de la fonction " outil d'administration " du logiciel Alliance Plus, qui permettait la dissimulation de recettes en espèces sans tiers payant, moyennant un mot de passe. Elle expose que, d'après le rapport d'expertise ordonné pendant l'instruction pénale, l'entrée de ce mot de passe nécessaire à l'activation de cette fonction impose un laborieux parcours dans les menus et sous-menus de l'application. Elle est donc fondée à inférer de ces circonstances une manoeuvre délibérée de la SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL afin de créer une situation dissimulant des opérations imposables, tout en donnant à sa comptabilité l'apparence de la sincérité. Par suite, le moyen tiré du caractère injustifié de la majoration mentionnée ci-dessus doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés, avec intérêts de retard et majorations, au titre de la période du 15 décembre 2008 au 31 mars 2010. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SELARL PHARMACIE DE LA PORTE DE MONTREUIL est rejetée.

2

N° 16VE00924


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00924
Date de la décision : 29/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-11-29;16ve00924 ?
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