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06/05/2016 | FRANCE | N°15VE00033

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 06 mai 2016, 15VE00033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 mars 2013 par lequel le maire de la COMMUNE DE SAINT-OUEN l'a placé " en absence de service fait " du 1er février 2013 au 12 février 2013 et l'a radié des cadres pour abandon de poste à compter du 13 février 2013, ensemble la décision du 3 juillet 2013 rejetant son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre au maire de le réintégrer à la date du 13 février 2013 dans le délai d'un mois à compter de la n

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 mars 2013 par lequel le maire de la COMMUNE DE SAINT-OUEN l'a placé " en absence de service fait " du 1er février 2013 au 12 février 2013 et l'a radié des cadres pour abandon de poste à compter du 13 février 2013, ensemble la décision du 3 juillet 2013 rejetant son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre au maire de le réintégrer à la date du 13 février 2013 dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1307741 du 7 novembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, annulé l'article 2 de l'arrêté du 22 mars 2013, portant radiation des cadres de M. B...pour abandon de poste, ainsi que la décision du 3 juillet 2013, enjoint au maire de la commune de le réintégrer au 13 février 2013 et mis à la charge de la commune le versement à l'intéressé de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2015, la COMMUNE DE SAINT-OUEN demande à la Cour :

1° d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif ;

2° de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif a, en annulant la décision du 3 juillet 2013 rejetant le recours gracieux de M.B..., statué ultra petita, sa demande étant dirigée exclusivement contre l'arrêté du 22 mars 2013 ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que M. B...avait manifesté, par son courrier du 21 janvier 2013, son intention de ne pas rompre tout lien avec le service alors que l'intéressé a refusé sans raison valable de rejoindre son poste et que ses explications ainsi que les documents qu'il a fournis ne sauraient constituer des motifs légitimes de son absence ; ainsi, l'autorité communale a pu légalement considérer que l'intéressé, dont l'engagement en faveur du mouvement rebelle du 23-mars, également appelé " M23 ", est avéré durant la période en cause, avait rompu tout lien avec le service ;

- par voie de conséquence, la radiation des cadres de l'intéressé pour abandon de poste étant légale, le tribunal administratif ne pouvait faire droit ni aux conclusions à fin d'injonction de l'intéressé, ni à ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Mme C...A..., fonctionnaire territorial, pour la COMMUNE DE SAINT-OUEN, et de M.B....

1. Considérant que M.B..., né le 14 octobre 1964, a été recruté le 23 avril 2001 par la COMMUNE DE SAINT-OUEN en qualité d'auxiliaire de soins non titulaire, puis, après sa réussite au concours, nommé comme auxiliaire de soins stagiaire le 1er août 2002 et titularisé le 1er août 2003 ; que, par un courrier du 7 février 2013, le maire de la COMMUNE DE SAINT-OUEN a mis en demeure l'intéressé de justifier ses absences à compter du 1er février 2013 et, par ailleurs, de reprendre ses fonctions au plus tard le 13 février 2013, faute de quoi il serait radié des cadres à compter de cette date pour abandon de poste ; que, par un arrêté du 22 mars 2013, le maire de la commune, d'une part, a placé M. B..." en absence de service fait " du 1er février au 12 février 2013, d'autre part, l'a radié des cadres pour abandon de poste à compter du 13 février 2013 ; que M. B... a formé un recours gracieux contre cet arrêté en tant qu'il porte radiation des cadres, recours qui a été rejeté par une décision du 3 juillet 2013 ; que la COMMUNE DE SAINT-OUEN relève appel du jugement du 7 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a, à la demande de M.B..., d'une part, annulé l'article 2 de l'arrêté du 22 mars 2013, portant radiation des cadres de l'intéressé pour abandon de poste, et la décision du 3 juillet 2013 rejetant son recours gracieux, d'autre part, enjoint au maire de la commune de le réintégrer au 13 février 2013 et, enfin, mis à la charge de la commune le versement à l'intéressé de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de la COMMUNE DE SAINT-OUEN à fin d'annulation du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen relatif à sa régularité :

2. Considérant qu'une mesure de radiation de cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer ; qu'une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable ; que lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé ;

3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 7 février 2013, notifié le 9 février suivant, le maire de la COMMUNE DE SAINT-OUEN a mis en demeure M. B..., qui ne s'était pas présenté à son poste depuis le 1er février 2013, de reprendre ses fonctions au plus tard le 13 février 2013, faute de quoi il serait radié des cadres à compter de cette date sans procédure disciplinaire préalable ; qu'il est constant que, suite à la notification de cette mise en demeure et avant l'expiration du délai fixé par cette dernière, l'intéressé ne s'est pas présenté à cette convocation, ni n'a fait connaître à l'autorité communale aucune intention ;

4. Considérant, d'autre part, que si, par un courrier du 22 mai 2013, M. B...a formé, ainsi qu'il a été dit au point 1, un recours gracieux contre l'arrêté du maire de la commune en date du 22 mars 2013 en tant qu'il prononce sa radiation des cadres, recours à l'appui duquel il a fait valoir qu'il avait été dans l'obligation de quitter la France pour se réfugier en République d'Ouganda en raison d'une tentative d'assassinat dont il aurait fait l'objet, lui et sa famille, le 23 novembre 2012, suite aux propos qu'il aurait tenus le 20 novembre 2012 lors d'une émission sur France 24 et qu'à raison de ces faits, il était en arrêt maladie pour dépression, l'intéressé n'a ainsi fourni à son employeur aucune précision suffisante ou crédible ni aucun élément probant de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service ; qu'en particulier, sur son état de santé dont il s'est ainsi prévalu, M. B... n'a fourni aucun arrêt de travail pour maladie, ni aucun autre document ou certificat médical ; qu'en outre, sur les faits de tentative d'assassinat dont il a fait état, il n'a présenté aucun commencement de preuve de nature à démontrer la véracité des faits allégués ; que, par ailleurs, les documents fournis par M. B...en cours d'instance, à savoir une attestation du 10 avril 2013 du premier secrétaire de l'ambassade de France en Ouganda certifiant qu'il s'est présenté le 10 décembre 2012 " pour signaler une procédure en cours au Tribunal de Bobigny (tentative d'assassinat à son domicile) ", attestation rédigée sur les seules déclarations de l'intéressé, ainsi que la première et la quatrième page d'un jugement correctionnel en date du 3 juillet 2013 du Tribunal de grande instance de Bobigny, lesquelles ne mentionnent ni les faits ni les motifs de la condamnation prononcée, ne sauraient permettre, à eux seuls, de justifier le retard que l'intéressé aurait eu à rejoindre son poste ou à manifester un lien avec le service ; qu'au surplus, la commune requérante présente des éléments, notamment un article daté du 23 mars 2013 et disponible sur l'Internet, faisant état de l'engagement politique et militaire de M. B... en faveur du " Mouvement du 23-mars ", également appelé " M23 ", groupe armé rebelle sévissant dans l'est de la République démocratique du Congo, l'intéressé se définissant, dans cet article, comme colonel de ce mouvement et étant photographié entouré de militaires armés ;

5. Considérant, enfin, qu'il est vrai que, par un courrier du 21 janvier 2013, reçu le 8 février suivant, soit la veille de la notification à l'intéressé de la mise en demeure en date du 7 février 2013, M. B...avait informé le maire de la commune qu'il avait été dans l'obligation de se réfugier à l'étranger en raison d'une tentative d'assassinat dont il aurait fait l'objet, lui et sa famille, le 23 novembre 2012, et avait joint à ce courrier un document présenté comme un " arrêt maladie " émanant d'un centre médical situé à Kampala ; que, toutefois, alors que l'intéressé n'a pas davantage fourni, à l'appui de ce courrier, le moindre commencement de preuve quant aux faits dont il se prévalait, le document produit par M. B..., daté au demeurant du 26 janvier 2013, soit postérieurement à son courrier du 21 janvier 2013, rédigé en anglais et présenté comme une prescription médicale émanant du " Kings Ark Medical Centre " à Kampala et mentionnant une sévère dépression ainsi que la nécessité d'un repos, ne comporte ni les nom, prénom et qualité de son auteur, ni les dates exactes de l'arrêt maladie qui aurait ainsi été prescrit à l'intéressé ; qu'au demeurant, la commune requérante fait valoir, sans être sérieusement contredite sur ce point, que le centre médical en cause ne figure pas dans l'annuaire des centres médicaux d'Ouganda et que l'adresse mentionnée sur le document ne correspond pas à un centre médical ; qu'ainsi, un tel document, fourni le 8 février 2013 à son employeur, n'obligeait pas ce dernier à considérer M. B... comme étant en position de congé de maladie et ainsi comme n'ayant pas cessé d'exercer ses fonctions, ni, par suite, ne constituait un obstacle à la poursuite de la procédure de mise en demeure engagée, avant licenciement pour abandon de poste ;

6. Considérant que, dans ces conditions, le maire de la COMMUNE DE

SAINT-OUEN a pu légalement estimer que le lien avec le service avait été rompu par M. B...qui, suite à la notification de la mise en demeure du 7 février 2013, ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à son employeur aucune intention avant l'expiration du délai fixé par cette mise en demeure, ni n'a présenté aucune justification de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service ; que, par suite, le maire de la commune a pu légalement, par son arrêté du 22 mars 2013, prononcer la radiation des cadres de M. B...pour abandon de poste et, par sa décision du 3 juillet 2013, rejeter le recours gracieux formé par l'intéressé contre cette mesure de radiation ; qu'il suit de là que la COMMUNE DE SAINT-OUEN est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions en litige, le Tribunal administratif de Montreuil a estimé que, par son courrier du 21 janvier 2013 et en admettant même que les circonstances invoquées et les pièces jointes n'étaient pas de nature à justifier son absence, l'intéressé n'en avait pas moins manifesté son intention de ne pas rompre tout lien avec le service ;

7. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. B...devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

8. Considérant que si M. B...fait état de ce que son employeur aurait tardé à traiter son dossier d'allocation temporaire d'invalidité, suite à un accident du travail survenu le 2 avril 2010, qu'il rencontrerait des difficultés à obtenir auprès de Pôle Emploi les allocations chômage et que sa radiation des cadres aurait eu pour conséquence une interdiction bancaire, la saisie de ses biens par voie d'huissier ainsi qu'une demande en divorce de son épouse, ces circonstances, à les supposer établies, sont sans incidence sur la légalité des décisions en litige ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE

SAINT-OUEN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er, 2 et 3 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'article 2 de l'arrêté du 22 mars 2013, portant radiation des cadres de M. B...pour abandon de poste, ensemble la décision du 3 juillet 2013 rejetant son recours gracieux, a enjoint au maire de la commune de le réintégrer au 13 février 2013 et a mis à sa charge le versement à l'intéressé de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de M. B...aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Considérant, d'une part, qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, les conclusions de M. B...tendant à ce qu'il soit enjoint à la COMMUNE DE SAINT-OUEN d'exécuter cet arrêt sous astreinte d'un euro par jour de retard ne peuvent qu'être rejetées ;

11. Considérant, d'autre part, qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge administratif d'ordonner la publication par voie de presse de ses décisions aux frais d'une partie ; que, dès lors, les conclusions de M. B...tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de publier dans le mensuel municipal le présent arrêt, ainsi que le montant des sommes engagées pour le présent litige, ne peuvent également qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE SAINT-OUEN, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. B... une somme de 500 euros à verser à la COMMUNE DE SAINT-OUEN sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1307741 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 7 novembre 2014 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Montreuil à fin d'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 22 mars 2013 et de la décision du 3 juillet 2013, à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. B...versera à la COMMUNE DE SAINT-OUEN une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE SAINT-OUEN et les conclusions d'appel de M. B...aux fins d'injonction et d'astreinte et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 15VE00033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00033
Date de la décision : 06/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : LE BAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-05-06;15ve00033 ?
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