La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2016 | FRANCE | N°14VE01835

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 04 février 2016, 14VE01835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1210489 du 17 avril 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme A...C...tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale de la commune du Raincy à lui verser une indemnité d'un montant de

50 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle aurait été victime sur son lieu de travail.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2014 et un mémoire enregistré le

6 novembre 2015, MmeC..., représentée par Me Kadri, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1210489 du 17 avril 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme A...C...tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale de la commune du Raincy à lui verser une indemnité d'un montant de

50 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle aurait été victime sur son lieu de travail.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2014 et un mémoire enregistré le

6 novembre 2015, MmeC..., représentée par Me Kadri, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision prise le 8 novembre 2012 par le centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune du Raincy de rejeter sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3° de condamner le CCAS de la commune du Raincy à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi ;

4° de supprimer les passages injurieux, diffamatoires, du jugement de première instance et des mémoires du président du CCAS de la commune du Raincy ;

5° de mettre à la charge du CCAS de la commune du Raincy et de ladite commune le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C...soutient que :

- le jugement est irrégulier ;

- le signataire de la décision portant refus de la faire bénéficier de la protection fonctionnelle n'avait pas compétence pour prendre une telle décision, qui relevait du seul maire de la commune ;

- le harcèlement moral et sexuel est établi par les pièces du dossier, comme l'attestent les nombreux SMS que le maire lui a adressés mais aussi les mesures humiliantes prises à son encontre ainsi que les sanctions disciplinaires dont elle a fait l'objet alors qu'elle était en période de stage dans l'attente de titularisation au grade d'attaché territorial et donc dans une situation précaire ; à compter du 4 mars 2012, elle n'a plus eu accès à son lieu de travail ni à son bureau et il lui a été interdit d'entrer en contact avec les agents placés sous sa responsabilité ; le 15 mars 2012 elle a été remplacée dans ses fonctions ; son indemnité de 450 euros a été suspendue à compter du 30 avril 2012 ; elle a été envoyée en formation du 16 avril au

1er juillet 2012 aux fins de l'éloigner, puis non reprise dans le service le 9 juillet 2012 ; elle a fait l'objet d'une suspension le 8 août 2012 pour une durée de deux mois puis le 1er octobre pour une nouvelle période de deux mois ; il a été mis fin à ses fonctions de secrétaire du conseil d'administration du CCAS par décision du 20 décembre 2012 et elle a fait l'objet d'une sanction disciplinaire de deux ans d'exclusion, le 4 décembre 2013, alors qu'aucune de ces mesures n'est justifiée par une quelconque faute professionnelle et que certains éléments relatifs à sa vie privée n'ont été invoqués pour la première fois qu'en avril 2013 ;

- aucun comportement fautif ne peut lui être reproché, qu'il s'agisse des dysfonctionnements du CCAS dans la gestion des aides sociales qui ne lui sont pas imputables ou du détournement de fonds publics qui a fait l'objet d'une enquête pénale puis d'un classement sans suite ;

- les photos et arguments mensongers relatifs à sa vie privée, comme sa participation à une émission de téléréalité ou à une activité de " gogo dancing " rémunérée, contre la production desquels elle a déposé plainte au pénal, doivent être exclus des débats conformément à l'article L. 741-2 du code de justice administrative ; l'émission de téléréalité a été enregistrée avant son recrutement par la commune du Raincy et aucun élément n'établit qu'elle ait été rémunérée pour son activité de " gogo dancing " ;

- au vu de l'ensemble de ces éléments, le harcèlement sexuel et moral est établi et son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de 50 000 euros.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Mme C...et de Me B...pour le CCAS de la commune du Raincy.

1. Considérant que MmeC..., attachée territoriale, a été recrutée en qualité d'assistante socio-éducative par la commune du Raincy, par arrêté du maire en date du

10 mars 2011, et mise à disposition à partir de cette date auprès du centre communal d'action sociale (CCAS) pour y exercer les fonctions de directrice ; qu'estimant être victime de harcèlement sur son lieu de travail, l'intéressée a adressé au maire, président du conseil d'administration du CCAS, une demande d'indemnisation en date du 5 novembre 2012, à hauteur de 50 000 euros, ainsi que, par courrier en date du 2 novembre 2012, une demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle prévue par l'article 11 de la loi susvisée du

13 juillet 1983 ; que ces demandes ont été rejetées par le CCAS de la commune du Raincy par décision implicite de rejet, s'agissant de la demande indemnitaire, et par décision du

8 novembre 2012, s'agissant de la demande de protection fonctionnelle ; que, par jugement du

17 avril 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme C...tendant au versement d'une indemnité de 50 000 euros et à sa réintégration juridique ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le moyen tiré de ce que la décision de rejet de sa demande de protection fonctionnelle serait entachée d'une illégalité externe est un moyen relatif au

bien-fondé de la requête et non à la régularité du jugement du tribunal administratif ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

Sur la demande d'annulation de la décision de refus de la protection fonctionnelle :

3. Considérant que si Mme C...a indiqué en première instance que le refus de la faire bénéficier de la protection fonctionnelle constituait une faute susceptible d'engager la responsabilité du CCAS de la commune du Raincy de nature à justifier l'indemnisation demandée, elle n'a toutefois présenté qu'en appel des conclusions à fin d'annulation de la décision en date du 8 novembre 2012 du CCAS de la commune du Raincy lui refusant le bénéfice de cette protection ; que lesdites conclusions en annulation, nouvelles en appel, sont dès lors irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

4. Considérant que, en vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ;

5. Considérant que Mme C...ne conteste ni avoir participé à une émission de téléréalité " L'amour est aveugle " qui a fait l'objet d'une diffusion sur TF1 le 4 novembre 2011, ni avoir effectué une prestation de " gogo dancing " dans une discothèque le 23 juin 2012, ni encore avoir adressé au président du conseil d'administration du CCAS de la commune du Raincy des photos la représentant en " tenue légère " ; que le simple rappel de ces faits par l'administration n'excède pas le droit à la libre discussion et ne présente aucun caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire alors au surplus qu'ils servent de base à l'action disciplinaire intentée contre l'agent et sur lesquels il appartient à la Cour de forger sa conviction ; que, par suite et alors même que Mme C...aurait introduit des actions pénales à raison du rappel de tels faits, les conclusions tendant à la suppression de ces passages et à ce qu'ils soient exclus des débats doivent être rejetées ;

Sur la demande indemnitaire :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir soulevées par le CCAS de la commune

du Raincy :

6. Considérant, en premier lieu, que Mme C...a formé une demande préalable d'indemnisation à l'encontre du CCAS de la commune du Raincy par courrier en date du 5 novembre 2012 ; que, dès lors, la fin de non-recevoir tirée de ce qu'elle n'aurait lié le contentieux qu'à l'égard du maire du Raincy et non du CCAS de ladite commune doit être écartée ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C...a introduit devant le Tribunal administratif de Montreuil une demande d'annulation du rejet de sa demande d'indemnisation du fait de harcèlement moral par le CCAS du Raincy ; que la circonstance que, en contradiction avec le reste de ses écrits, elle ait, par une simple erreur de plume à la fin de son mémoire introductif d'instance, demandé la condamnation du CCAS de Corbeil-Essonnes ne saurait faire regarder la requérante comme ayant entendu diriger son action contre ce dernier et non celui du Raincy ; que la fin de non-recevoir tirée de ce qu'elle n'aurait demandé la condamnation du CCAS de la commune du Raincy que par un mémoire complémentaire tardif, enregistré le 17 janvier 2013, ne peut dès lors qu'être écartée ;

8. Considérant, en dernier lieu et ainsi qu'il a été dit précédemment, que la demande indemnitaire de Mme C...a été dirigée en première instance à l'encontre du CCAS de la commune du Raincy ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...a clairement conclu en première page de sa requête d'appel à l'annulation du jugement attaqué notamment en ce qu'il a rejeté cette demande dirigée contre le maire en sa qualité de président du CCAS ; que, par suite, la circonstance que, par une nouvelle erreur de plume, elle ait pu, à la fin de cette requête d'appel, conclure à la condamnation du maire, sans autre précision de sa qualité de président du CCAS, ne saurait faire regarder Mme C...comme ayant introduit des conclusions indemnitaires nouvelles en appel, et irrecevables pour ce motif, à l'encontre de la seule commune du Raincy ;

En ce qui concerne la demande au titre du harcèlement sexuel :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers ; / 2° Le fait qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il a témoigné de tels agissements ou qu'il les a relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que des propos, ou des comportements à connotation sexuelle, répétés ou même, lorsqu'ils atteignent un certain degré de gravité, non répétés, tenus dans le cadre ou à l'occasion du service, non désirés par celui ou celle qui en est le destinataire et ayant pour objet ou pour effet soit de porter atteinte à sa dignité, soit, notamment lorsqu'ils sont le fait d'un supérieur hiérarchique ou d'une personne qu'elle pense susceptible d'avoir une influence sur ses conditions de travail ou le déroulement de sa carrière, de créer à l'encontre de la victime, une situation intimidante, hostile ou offensante sont constitutifs de harcèlement sexuel et, comme tels, passibles d'une sanction disciplinaire ;

10. Considérant que Mme C...soutient que le maire du Raincy, président du conseil d'administration du CCAS, aurait eu un comportement inapproprié en faisant pression sur elle, de façon répétée et contre son gré, pour obtenir des faveurs de nature sexuelle sur la période allant d'octobre 2011 à juillet 2012 ; que, toutefois, aucun fait n'est relevé sur la période antérieure au mois de février 2012 ; que si les quelques messages écrits par téléphone portable - dits SMS - produits à l'instance, parmi les très nombreux, environ 15 000, que lui a adressés le président du conseil d'administration du CCAS, pendant la période de février à juillet 2012, excédaient certes le cadre de ses fonctions par leur caractère et leur contenu parfois déplacés, MmeC..., bien qu'y ayant été invitée, s'abstient de produire la teneur de ses réponses à ces occasions alors qu'il n'est pas contesté qu'elle lui a elle-même adressé 494 SMS sur la même période ; qu'elle ne fait valoir aucun élément témoignant de ce qu'elle aurait eu une gêne dans ces échanges ; que les faits imputés à cet élu, s'ils prennent appui sur une relation professionnelle, doivent être regardés en l'état des pièces du dossier comme développés dans un cadre privé et sur la base d'échanges réciproques en l'absence d'attitude directement menaçante ou de gestes déplacés avec une employée au comportement ambigu, notamment au regard de l'émission de téléréalité à laquelle elle avait participé, " L'amour est aveugle ", diffusée en novembre 2011 et du témoignage du responsable adjoint du service jeunesse de la commune selon lequel Mme C...aurait eu dans l'exercice de ses fonctions un comportement provocateur et séducteur ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments et en l'absence de tout fait public, que le comportement du président du conseil d'administration du CCAS du Raincy ne peut être regardé, dans ce contexte, comme constitutif d'un harcèlement sexuel à l'encontre de MmeC... ;

En ce qui concerne la demande au titre du harcèlement moral :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /

1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ; que, d'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; que, par ailleurs, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme C...a fait l'objet de deux séries de mesures visant à l'écarter de ses fonctions au sein du CCAS de la commune du Raincy ; que ces faits sont constitutifs d'une présomption de harcèlement moral au regard de leur nature, des conditions dans lesquelles ils sont intervenus, de leur caractère déstabilisant et de leurs conséquences sur la santé de l'intéressée ; qu'ils se sont déroulés, d'une part, sur la période allant de la fin du mois de février 2012 à son retour de stage au début du mois de juillet 2012 puis, d'autre part, à compter de ce dernier mois ;

13. Considérant, en effet et d'une part, qu'il résulte de l'instruction et notamment des SMS produits par la requérante, que sa relation avec le maire, président du CCAS, s'est brutalement détériorée à la fin d'un voyage professionnel au Maroc entre le lundi 27 février et le

dimanche 4 mars 2012 après que, selon elle, elle a refusé ses avances insistantes ; qu'après de nombreux échanges de SMS notamment dans la nuit du 1er au 2 mars, l'élu lui a signifié ce dernier jour par SMS qu'il souhaitait la voir le lundi 5 mars suivant, lui reprochant la gravité de son attitude et lui annonçant qu'il ne pourrait plus travailler " dans un climat de réelle confiance " avec elle ; que par SMS du dimanche 4 mars 2012, la première adjointe lui a donné rendez-vous le lendemain matin à 9H pour faire un point de situation sur ses activités au sein du CCAS ; que Mme C...a alors été placée en congé de maladie du 5 au 9 mars 2012 pour " anxiété réactionnelle " ; qu'elle a constaté, ce qui n'est pas contesté en défense, que les codes d'accès à son bureau ont été modifiés et qu'elle n'a plus eu accès à son poste de travail ; que son arrêt maladie a été prolongé du 12 au 28 mars 2012 ; que c'est dans ce contexte que le

13 mars 2012, le président du CCAS l'a informée par SMS qu'il " ne veut pas qu'on la jette comme une malpropre de la mairie même si elle lui a fait de la peine " ; que si par courrier du 16 mars 2012 Mme C...a été informée de sa titularisation intervenue le 10 mars, l'arrêté indiquant qu'elle a donné toute satisfaction durant sa période de stage, ce courrier lui a cependant conseillé une nouvelle orientation vers la communication et l'évènementiel, l'a informée que le service social de la Ville allait être reformaté et qu'une nouvelle affectation lui serait proposée ; que, dans le même temps, une autre personne a été désignée temporairement, du 12 mars au 30 avril 2012, responsable de la coordination des activités du centre social par arrêté du 15 mars 2012 ; que par un SMS de ce même 16 mars 2012, le maire, président du CCAS, l'a de manière insistante, conviée à un voyage à l'étranger ; qu'immédiatement après avoir reproché le 27 mars à Mme C...son refus de participer à ce voyage, il l'a informée le 31 mars, toujours par SMS, de sa volonté de lui parler de divers sujets et de ce qu'elle le mettait en situation difficile en sa qualité d'employeur, en raison notamment des plaintes de personnes bénéficiaires d'aides du CAAS qui n'auraient perçu qu'une partie de l'aide annoncée ; qu'il a aussi évoqué à cette occasion la nécessité de récupérer le logement dont elle bénéficiait et de verser désormais la prime à la personne qui lui avait succédé au CCAS ; que c'est dans ces conditions que, suite à la lettre du 16 mars 2012, Mme C...a été envoyée en stage de formation communication du 16 avril au 1er juillet 2012, le maire lui ayant d'ailleurs fait espérer par SMS du 4 avril un poste de directeur de l'information, de la culture et des jumelages ;

14. Considérant, d'autre part, qu'à son retour de stage, le 9 juillet 2012, Mme C...a été entendue par son employeur pour des anomalies dans la gestion du CCAS notamment à compter de décembre 2011 ; que Mme C...a été à nouveau déstabilisée et placée en arrêt maladie du 11 juillet au 31 juillet 2012 pour état anxiodépressif ; qu'elle a fait alors l'objet d'une seconde série de mesures défavorables visant à l'éloigner à nouveau du CCAS à compter de son dépôt de plainte pour harcèlement le 16 juillet 2012, visant cette fois-ci à l'exclure de ses fonctions et à mettre en cause sa responsabilité dans la gestion du CCAS ; qu'ainsi, elle a fait l'objet d'un signalement au procureur de la République de Bobigny, le

18 juillet 2012, dénonçant des faits anormaux de gestion relevés au sein du CCAS, d'une mesure de suspension de ses fonctions à compter du 8 août 2012 en raison de dysfonctionnements allégués dans la gestion du CCAS pour une période de deux mois à compter du 1er août 2012, prolongée pour une période de deux mois par arrêté du 26 septembre 2012 ; qu'il a été mis fin à ses fonctions de secrétaire du conseil d'administration du CCAS de la commune du Raincy, par décision du 20 décembre 2012, laquelle a été annulée par un jugement du 3 juillet 2014, devenu définitif, du Tribunal administratif de Montreuil au motif que Mme C...n'a pas été mise à même de consulter son dossier ; qu'en outre, le signalement au procureur de la République pour détournement de fonds a fait l'objet d'un classement sans suite pour infraction non constituée dès octobre 2013 ; qu'elle a encore été sanctionnée par décision du 4 décembre 2013 d'une exclusion de deux ans de ses fonctions d'attaché territorial, alors d'ailleurs que le conseil de discipline, saisi d'une demande de révocation de l'intéressée pour non respect des règles de comptabilité publique, atteinte à la dignité de la collectivité, atteinte à l'image de la collectivité en raison de sa participation à l'émission de téléréalité diffusée en novembre 2011 et de sa prestation en tant que " gogo danseuse " en méconnaissance des règles de cumul et atteinte, une nouvelle fois, à l'image de la collectivité, n'est pas parvenu à dégager une majorité sur une quelconque sanction ; que, par ailleurs, par un jugement du 30 octobre 2015 dont le CCAS a relevé appel, le tribunal administratif a également annulé cette sanction disciplinaire du 4 décembre 2013, au motif que deux des griefs sur les trois retenus par le maire de la commune n'étaient pas fondés et que la sanction était ainsi disproportionnée ; qu'enfin, Mme C...a aussi contesté la décision du CCAS refusant son placement en congé de longue durée par arrêté du 15 octobre 2013 et a obtenu son annulation par jugement définitif du Tribunal administratif de Montreuil du 5 février 2015 ;

15. Considérant, toutefois, que le CCAS du Raincy fait valoir que ces mesures prises à l'encontre de MmeC... étaient étrangères à tout harcèlement et se prévaut à cette fin, en particulier, du comportement de la victime, à savoir, son attitude équivoque, sa participation à une émission de téléréalité et à une soirée en tant que gogo danseuse, sa manière de servir et sa gestion au sein du CCAS ;

16. Mais considérant qu'en se bornant à invoquer l'attitude équivoque de MmeC..., le CCAS n'apporte aucune justification d'un éventuel caractère professionnel du premier incident survenu lors du voyage au Maroc et, en particulier, dans la nuit du 1er au 2 mars 2012, lequel a manifestement entrainé un changement radical d'attitude à l'égard de l'intéressée, même si elle a bénéficié d'une titularisation le 10 mars 2012, au motif pris d'ailleurs qu'elle avait donné satisfaction durant sa période de stage ; que, de même, il ne ressort pas des pièces du dossier que le départ en stage de Mme C...ait été prononcé à son initiative et pour un changement de poste qu'elle aurait souhaité, et non pour l'écarter du service, alors d'ailleurs que le motif énoncé par le courrier du 16 mars 2012 du " reformatage " du CCAS n'est nullement établi ; qu'aucun élément concret n'est produit sur le retentissement professionnel qu'aurait pu avoir le comportement de Mme C...dans le travail non plus d'ailleurs que sur l'image de la commune, alors en outre que c'est en toute connaissance de cause de la participation de l'intéressée à l'émission de téléréalité en 2011 qu'elle a continué à être en charge du service social et été invitée à participer au voyage au Maroc ou encore réorientée vers une formation pour un poste de directeur de l'information par des SMS du maire, président du CCAS, pour le moins équivoques et déstabilisants ; qu'il n'est d'ailleurs invoqué aucune difficulté concrète dans l'exercice de ses fonctions à la tête du CCAS à l'exception certes de faits de détournements ou, à tout le moins d'irrégularités comptables, relevés à sa charge lors de son retour de stage et pour lesquels, toutefois, les suites contentieuses, au pénal comme du point de vue disciplinaire, n'attestent pas, en l'état, de leur réalité et encore moins de leur gravité, s'agissant des erreurs comptables ; qu'au contraire, le gestionnaire a délibérément engagé des poursuites sévères et les a maintenues malgré la position du conseil de discipline mais aussi le classement sans suite du signalement au procureur de la république ; qu'il a également refusé, illégalement, le placement en congé de longue durée de l'intéressée ; qu'il ne résulte donc pas de l'instruction que l'ensemble des mesures sus-évoquées visant à éloigner Mme C...du service puis à l'exclure de ses fonctions et à remettre en cause la qualité de son service ainsi que sa probité trouvent leur justification dans le seul intérêt du service alors qu'elles ont eu pour conséquence de déstabiliser l'intéressée et de dégrader son état de santé ; qu'il résulte ainsi de tout ce qui précède, et eu égard au comportement de MmeC..., que l'attitude du CCAS du Raincy, et de la commune d'ailleurs, doit être regardée comme constitutive de faits de harcèlement moral à l'encontre de l'intéressée ;

17. Considérant qu'il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation du préjudice moral dont Mme C...demande réparation en condamnant le CCAS de la commune du Raincy à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice subi ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement en date du 17 avril 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a refusé d'accueillir sa demande de condamnation du CCAS du Raincy à l'indemniser de son préjudice moral pour les faits de harcèlement moral qu'elle a subis ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MmeC..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse une somme au centre communal d'action sociale de la commune du Raincy au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de la commune du Raincy une somme de 2 000 euros à verser à Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 17 avril 2014 est annulé.

Article 2 : Le centre communal d'action sociale de la commune du Raincy est condamné à verser la somme de 5 000 euros à Mme C...en réparation de son préjudice moral.

Article 3 : Le centre communal d'action sociale de la commune du Raincy versera la somme de 2 000 euros à Mme C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de la commune du Raincy tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

''

''

''

''

N° 14VE01835 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE01835
Date de la décision : 04/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : KADRI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-02-04;14ve01835 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award