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29/03/2012 | FRANCE | N°10VE03093

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 29 mars 2012, 10VE03093


Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société anonyme par actions simplifiée unipersonnelle CARDIF ASSISTANCE, prise en la personne de son président, dont le siège est 62/70 rue Blanchard à Fontenay-aux-Roses (92260), par Me Beurey, avocat ; la société CARDIF ASSISTANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807131 du 9 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de la décision en date du 24 avril 2008 par laquelle l'insp

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Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société anonyme par actions simplifiée unipersonnelle CARDIF ASSISTANCE, prise en la personne de son président, dont le siège est 62/70 rue Blanchard à Fontenay-aux-Roses (92260), par Me Beurey, avocat ; la société CARDIF ASSISTANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807131 du 9 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de la décision en date du 24 avril 2008 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section des Hauts-de-Seine a refusé de lui accorder l'autorisation de procéder au licenciement pour faute de Mme Mireille A ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

Elle soutient :

- que la proposition refusée par Mme A constitue une simple modification des conditions de travail à l'exclusion de toute modification du contrat de travail ; que l'emploi proposé n'entraine aucune modification du niveau de qualification et correspond précisément à l'emploi " d'assistante de direction administrative " revendiqué par Mme A, ni n'entraine davantage de modification de ses attributions ou tâches ou de sa rémunération ; qu'à l'évidence l'inspection du travail fait systématiquement siennes les allégations de Mme A sans prendre la peine de les vérifier et de les corroborer par des éléments matériels ou des pièces précises ; que la société a appliqué la décision du conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges du 17 avril 2007 et a proposé un poste similaire ou équivalent sur un emploi conforme à la grille de classification figurant en annexes I et III de la convention collective applicable ; que la rétrogradation ou le déclassement ne sont pas fondés dès lors qu'il n'existe aucune garantie contractuelle, ni même conventionnelle sur le rang du supérieur hiérarchique auquel doit être rattaché Mme A ou duquel elle doit dépendre ; que sa supérieure n'est pas qu'une simple secrétaire mais est elle-même une secrétaire attachée à la direction, niveau 2, position 2.2 coefficient 220 de même niveau que Mme A, est titulaire d'une formation en communication marketing et s'est, pour ce motif, vu confier la responsabilité de la coordination du service et la qualité de supérieur hiérarchique de Mme A ;

- que le licenciement ne présente aucun lien avec les mandats ; que l'acharnement allégué par la décision attaquée n'est pas fondé dès lors que les faits sont inexacts, erronés et n'ont pas été vérifiés ; que la demande d'autorisation étant fondée sur un refus d'un changement non substantiel de ses conditions de travail qui ne faisait pas obstacle à l'exercice de ses différents mandats, c'est à tort que l'inspecteur du travail a retenu l'existence d'un lien avec les mandats ;

- que c'est par une erreur manifeste d'appréciation de fait et de droit que le tribunal a considéré que l'inspecteur du travail était tenu de refuser l'autorisation, quelle que soit la valeur du motif avancé à l'appui de la demande ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2012 :

- le rapport de Mme Geffroy, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,

- et les observations de Me Poncin pour Mme A ;

Considérant que, par une décision du 24 avril 2008, l'inspectrice du travail de la 2ème section des Hauts-de-Seine a refusé d'autoriser le licenciement de Mme A, déléguée syndicale, représentante syndicale au comité d'entreprise et conseillère prud'homale, au double motif d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail de l'intéressée dont le refus ne peut être considéré comme fautif et d'un acharnement de la société dans sa volonté de licencier sans cause Mme A caractérisant un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats détenus par l'intéressée ; que la société CARDIF ASSISTANCE interjette appel du jugement contesté par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail ;

Considérant que le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute ; qu'en cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus ; qu'après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié, que des conditions d'exercice de son mandat ; qu'en tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives ;

Considérant, en premier lieu, que si la société CARDIF ASSISTANCE a entendu invoquer un moyen tiré de la partialité de l'inspectrice du travail en soutenant que l'inspection du travail aurait fait siennes les allégations de Mme A sans prendre la peine de les vérifier et de les corroborer par des éléments matériels ou des pièces précises, elle n'apporte toutefois aucun commencement de preuve à l'appui de cette allégation ; qu'en revanche il ressort des pièces du dossier que l'inspection du travail a, à bon droit, été mise dans l'obligation d'intervenir plusieurs fois de 2003 à 2008 pour obtenir de la société qu'elle exécute les décisions de justice relatives à la situation de Mme A ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'association Comité d'Organisation de l'Assistance Respiratoire d'Ile-de-France employeur de Mme A à compter du 12 décembre 1983 a constitué en mars 2003 la société CARDIF ASSISTANCE, société par actions simplifiée à associé unique, à laquelle il a transféré le 15 juillet 2003, dans le cadre d'un apport partiel d'actif, son activité lucrative d'assistance respiratoire à domicile ; que si 90 salariés sur les 94 membres du personnel de l'association requérante dont les fonctions étaient rattachées à l'activité lucrative, ont été transférés à la société CARDIF ASSISTANCE en application des dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail alors en vigueur, Mme A a été maintenue au sein de l'association avec trois autres salariés ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2005 que Mme A consacrait pourtant la plus grande partie de ses fonctions à l'activité transférée, et que la modification unilatéralement imposée par l'association avait pour effet d'empêcher la poursuite de son contrat de travail avec le nouvel employeur, et de la priver de la possibilité d'exercer ses mandats ; que, la société CARDIF ASSISTANCE dont le directeur était également directeur de l'association Comité d'Organisation de l'Assistance Respiratoire d'Ile-de-France n'établissant pas que l'absence de transfert effectif de l'intéressée pendant deux années supplémentaires était fondée sur des critères tenant soit à la situation individuelle, soit à l'ancienneté, soit aux qualités personnelles de l'intéressée, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en estimant que la demande dont il était saisi présentait un lien avec le mandat détenu par la salariée concernée l'inspectrice a entaché d'excès de pouvoir sa décision de rejeter cette demande ;

Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier qu'en exécution d'un jugement du 17 avril 2007 du conseil des prud'hommes ordonnant à la société CARDIF ASSISTANCE de "rétablir Mme A dans ses fonctions d'assistante de direction administrative/rédacteur ou de lui donner un poste similaire ou équivalent sans perte de salaire ni modification substantielle des tâches", la société a proposé le 10 septembre 2007 une affectation au secrétariat attaché à la direction, lequel, en application d'un projet de réorganisation de secrétariat qui aurait été annoncé au comité d'entreprise quatre jours auparavant, serait placé sous la coordination de l'une des trois secrétaires du service ; que si Mme A recrutée depuis 1983 par un contrat de travail du 21 avril 1984 dont le dernier avenant du 29 septembre 1999 lui attribuait le titre d'assistante à la direction administrative conservait la même rémunération, son positionnement hiérarchique était explicitement modifié par la proposition de poste laquelle désignait comme supérieure directe de Mme A une autre secrétaire promue coordinatrice mais relevant de la même classification conventionnelle que Mme A ; que ni la réalité et la nécessité de la restructuration du secrétariat de la société par l'adjonction d'un échelon hiérarchique supplémentaire, ni, la qualification de la secrétaire choisie pour diriger le secrétariat, laquelle serait titulaire d'un diplôme en communication marketing qui selon la société l'habiliterait particulièrement à diriger ce service de trois personnes, ne sont établies par les pièces du dossier ; qu'enfin la circonstance que le contrat de travail de Mme A n'aurait pas indiqué explicitement de positionnement hiérarchique est sans incidence sur une modification de ce positionnement intervenue en cours de carrière sans l'accord de l'intéressée ; qu'ainsi le nouvel emploi qui était proposé à Mme A constituait une modification de son contrat de travail qu'elle était fondée à refuser ; que dans ces conditions, en refusant par courrier du 17 décembre 2007 le changement de poste qui lui était proposé, notamment au motif que le seul poste d'assistante de direction de la société ne pouvait être qu'auprès du président, Mme A qui a entendu s'opposer à cette modification substantielle de son positionnement hiérarchique, n'a pas commis de faute ; que, par suite, le moyen tiré par la société CARDIF ASSISTANCE de ce que la proposition refusée par Mme A constituait une simple modification des conditions de travail à l'exclusion de toute modification du contrat de travail doit, en tout état de cause, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CARDIF ASSISTANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 24 avril 2008 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section des Hauts-de-Seine a refusé de lui accorder l'autorisation de procéder au licenciement pour faute de Mme Mireille A ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CARDIF ASSISTANCE une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société CARDIF ASSISTANCE est rejetée.

Article 2 : La société CARDIF ASSISTANCE versera à Mme Mireille A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10VE3093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE03093
Date de la décision : 29/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Bénéfice de la protection.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme KERMORGANT
Avocat(s) : BEUREY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-03-29;10ve03093 ?
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