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29/11/2011 | FRANCE | N°09VE03994

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 novembre 2011, 09VE03994


Vu l'ordonnance du 30 novembre 2009 par laquelle le président du Tribunal administratif de Versailles a transmis au président de la Cour administrative d'appel de Versailles, le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;

Vu le recours, enregistré le 26 novembre 2009 au greffe du Tribunal administratif de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande à la Cour, d'une part, d'annuler les articles 1 et 2 du jugem

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Vu l'ordonnance du 30 novembre 2009 par laquelle le président du Tribunal administratif de Versailles a transmis au président de la Cour administrative d'appel de Versailles, le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;

Vu le recours, enregistré le 26 novembre 2009 au greffe du Tribunal administratif de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande à la Cour, d'une part, d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 0608701 en date du 1er octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à la commune de Clamart la somme de 96 259 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi par la commune du fait du non-assujettissement d'un établissement du Commissariat à l'Energie Atomique implanté sur le territoire communal à la taxe professionnelle en 1998 et 1999 et, d'autre part, de mettre à la charge de la commune de Clamart la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'Etat, dont la responsabilité ne peut être recherchée que sur le terrain de la faute lourde, eu égard aux difficultés particulières tenant à la situation de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (ISPN) devenu l'Institut de Radio protection de Sûreté nucléaire (IRSN) relatives à son assujettissement et à l'établissement des bases d'imposition, n'a commis aucune faute ni, a fortiori, aucune faute lourde ; qu'il était particulièrement difficile de faire le départ entre les activités lucratives de recherche appliquée de l'Institut et celles de recherche fondamentale, ces dernières ne pouvant être assujetties à la taxe professionnelle ; que s'agissant du préjudice subi, le chiffrage de l'imposition tel qu'il a été effectué par la commune est sujet à caution ; qu'elle effectue ce calcul par simple extrapolation et sans apporter aucune précision ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'article 6 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 portant loi de finances pour 1987 ;

Vu l'article 44-D de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 portant loi de finances pour 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2011:

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant que le 17 décembre 2000, la commune de Clamart, estimant que dans son rapport annuel de l'année 1999 le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) indiquait que l'IPSN, implanté sur le territoire de la commune, avait aussi des activités qui ne présentaient pas de caractère militaire mais civil, soit des conseils, expertises, études, réalisés principalement pour des intervenants extérieurs de la filière nucléaire donnant lieu, en contrepartie, au versement d'importantes sommes au titre de recettes, a demandé au directeur des services fiscaux d'assujettir à la taxe professionnelle l'ISPN (Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire) devenu en 2002 l'IRSN (Institut de Radio protection et de Sûreté Nucléaire) ; qu'à la suite du rejet de sa demande, la commune a saisi le Tribunal administratif de Paris qui a fait droit à ses prétentions et que, le 22 mai 2006, la commune de Clamart a saisi le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE d'une demande préalable tendant à l'indemnisation du préjudice subi au titre des années 1998 à 2003 en tenant compte, en outre, de la compensation accordée par l'Etat au titre de la diminution de la base de la taxe professionnelle ; que, devant le Tribunal administratif de Versailles, par le jugement attaqué, la commune de Clamart a obtenu satisfaction sur la quasi-totalité de sa demande, notamment au titre des années 1998 et 1999, l'administration fiscale ayant, au surplus, en cours d'instance, émis des rôles assujettissant à la taxe professionnelle l'établissement en cause pour les années 2000 à 2003 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève régulièrement appel du jugement attaqué et que la commune de Clamart présente des conclusions en appel incident ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la faute :

Considérant qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie ; que le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition ; qu'enfin, l'administration peut invoquer le fait du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ;

Considérant que le Tribunal administratif de Paris a jugé le 2 juin 2004, que le Commissariat à l'Energie Atomique devait être regardé comme ayant exercé à titre habituel, sur la commune de Clamart, dans le cadre des missions civiles confiées à l'IRSN, des activités professionnelles non salariées dès l'année 1998, dans la mesure où certains biens et services produits ne concouraient pas à l'exécution d'une mission de défense nationale mais étaient livrés, moyennant rémunération, à des tiers ; qu'en s'abstenant d'assujettir le Commissariat à l'Energie Atomique à la taxe professionnelle en raison de l'activité de recherche appliquée à but lucratif exercée par l'IRSN, les services fiscaux ont commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les difficultés liées à cet assujettissement et à la détermination des bases imposables, compte tenu de l'existence, au sein du même établissement, d'activités de recherche fondamentale non-assujetties ; que l'administration fiscale n'établit pas qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte ; qu'elle n'invoque pas non plus le fait du contribuable à titre de cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ; que, dans ces conditions, le préjudice subi par la commune de Clamart constitué par des pertes de recettes de taxe professionnelle doit être entièrement réparé par l'Etat ;

En ce qui concerne le montant du préjudice :

Considérant que le préjudice subi par une commune en cas de carence des services fiscaux à assujettir un contribuable à une taxe locale est égal au montant des impôts qu'elle aurait perçus si le contribuable avait été régulièrement inscrit au rôle ;

Considérant que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT fait valoir, à titre subsidiaire, que les calculs effectués par la commune pour évaluer son préjudice à la taxe professionnelle pour les années 1998 et 1999 est inexact ; qu'en effet, en application de l'article 1742 A bis du code général des impôts en vigueur à la date du litige, les bases d'imposition à la taxe professionnelle sont diminuées de 16 % et que la commune ne pouvait bénéficier de la compensation de cet abattement en application de l'article 6 IV de la loi n° 86-1317du 31 décembre 1986 dès lors que la dotation de compensation a été cristallisée en 1987 à partir du montant des impositions primitives et que la doctrine référencée 6-E-732 établit le mode de calcul applicable sur une base cristallisée en 1987 ; que, toutefois, la loi de finances n° 86-1317 du 30 décembre 1986 par son article 6 I a créé l'article 1472 A bis du code général des impôts qui institue l'abattement en cause mais aussi, simultanément, l'article 6 IV qui institue une compensation de l'abattement intégré audit code, sans que celle-ci ne prévoit d'exclure de cette compensation le montant des impositions supplémentaires qui seraient mises à la charge des contribuables des communes ; que, par suite, dès lors que le jugement attaqué calculait, à titre rétroactif, l'imposition dont aurait dû bénéficier la commune si le contribuable avait été régulièrement inscrit au rôle, il n'y a pas lieu de lui appliquer, rétroactivement, l'abattement en excluant la compensation qui en constituait la contrepartie, mais de calculer l'impôt en faisant droit à l'intégralité de sa demande, dès lors que ces deux dispositions lui étaient simultanément applicables, l'administration fiscale ne pouvant lui opposer, sans méconnaître l'ensemble des dispositions édictées à l'article 6 de la loi, qui ont pour objet de compenser les pertes de recettes fiscales subies par les communes, la circonstance que la dotation de compensation aurait été cristallisée en 1987, date à laquelle l'établissement n'était pas imposable, pour lui refuser le bénéfice de la compensation tout en la soumettant à l'abattement en litige ; qu'enfin, l'interprétation de la loi fiscale édictée par ses services dont se prévaut le MINISTRE, ne saurait fonder une imposition ; que, par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT tendant à la minoration des montants accordés en première instance ;

Sur l'appel incident de la commune de Clamart concernant l'absence de versement de la dotation compensatrice à la taxe professionnelle pour l'année 2003 résultant de l'application de l'article 44-D de la loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 :

Considérant, en premier lieu, que les conclusions en appel incident présentées par la commune de Clamart tendent à l'engagement de la responsabilité de l'Etat pour le défaut de versement de la dotation compensatrice prévue à l'article 44-D de la loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 au titre de l'année 2003 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT soutient que les conclusions en appel incident seraient irrecevables et porteraient sur un litige distinct de celui évoqué en première instance ; que, toutefois, les conclusions en litige devant le premiers juges incluaient la compensation de l'exclusion de la part des salaires dans la base d'imposition au motif exprès que les dotations compensatrices pour les années 1999 à 2003 constituaient la contrepartie de l'exclusion de celle-ci ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le MINISTRE, les conclusions en appel incident, qui ne portent pas sur un litige distinct de celui soumis aux premiers juges, ne sont pas irrecevables ;

Considérant, en second lieu, que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT soutient également que la demande préalable de la commune excluait le versement de la dotation compensatrice prévue à l'article 44-D de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 au titre de l'année 2003 et que la demande de compensation formée dans le mémoire présenté le 29 juillet 2009 devant le Tribunal était nouvelle ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que dans sa demande préalable du 22 mai 2006 reçue le 31 mai 2006, la commune demandait le remboursement de la perte fiscale qu'elle avait subie au titre des années 1998 à 2003 en incluant dans la base d'imposition à la taxe professionnelle les salaires, au motif exprès qu'ils devaient y être compris, dès lors que la réduction de l'assiette décidée par le législateur avait pour corollaire la prise en compte par l'Etat, par voie de compensation, de la perte de recettes fiscales correspondante ; que, dès lors, elle doit être regardée comme ayant demandé le bénéfice des compensations légales en vigueur alors même qu'elle n'aurait pas expressément cité les dispositions de l'article 44-D de la loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la demande serait, sur ce point, irrecevable ;

Considérant, enfin, que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ne conteste pas, dans le dernier état de ses écritures, le montant de la compensation, évaluée à 27 439 euros, qu'aurait dû percevoir la commune de Clamart au titre de l'année 2003, qui résulte de l'application de l'article 44-D de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 à la base imposable à la taxe professionnelle de l'année 2003 ; que, par suite, il y a lieu de faire droit à la demande de la commune de Clamart ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a fait droit aux conclusions de la demande de la commune de Clamart ; que les conclusions en appel incident de la commune de Clamart doivent, en outre, être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Clamart et non compris dans les dépens ; que les dispositions précitées font obstacle ce que soit mis à la charge de la commune de Clamart, qui n'est pas, dans le présent litige, la partie perdante, la somme que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est condamné à verser à la Commune de Clamart une somme de 27 439 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2006.

Article 3 : Le jugement n° 0608701 en date du 1er octobre 2009 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT versera à la commune de Clamart une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 09VE03994
Date de la décision : 29/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Autres taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : QUERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-11-29;09ve03994 ?
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