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21/01/2010 | FRANCE | N°09VE01836

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 21 janvier 2010, 09VE01836


Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2009 par télécopie et le 15 juin 2009 en original au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Cengiz A, demeurant chez Mme B, ... par Me Boitel ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904311 en date du 5 mai 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 avril 2009 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné sa reconduite à la frontière et fixé la Turq

uie comme pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2009 ;...

Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2009 par télécopie et le 15 juin 2009 en original au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Cengiz A, demeurant chez Mme B, ... par Me Boitel ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904311 en date du 5 mai 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 avril 2009 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné sa reconduite à la frontière et fixé la Turquie comme pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2009 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant le temps nécessaire à cet examen ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement attaqué a méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; que l'arrêté du préfet est insuffisamment motivé ; que le requérant encourt des risques graves en cas de retour en Turquie, à raison de son activité au sein du mouvement indépendantiste kurde et que la décision de le reconduire à destination de ce pays méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision de reconduite à la frontière méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où le requérant vit en concubinage depuis plus d'un an avec une ressortissante française ; que la décision de reconduite à la frontière est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2010 :

- le rapport de M. Morri, premier conseiller,

- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Boitel, pour M. A ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de reconduite à la frontière :

Considérant que M. A, qui ne pouvait justifier être entré régulièrement en France, se trouvait dans le cas prévu au 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet pouvait ordonner sa reconduite à la frontière ;

Considérant que l'arrêté attaqué, qui contient l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé ;

Considérant que M. A, entré en France au cours de l'année 2004, fait valoir qu'il vit en concubinage depuis plus d'un an avec une ressortissante française ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans ; qu'eu égard au caractère encore récent de ce concubinage à la date de la décision de reconduite à la frontière, M. A n'est pas fondé à soutenir que cette décision, à la date à laquelle elle a été prise, a porté une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie privée et familiale normale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une mesure de reconduite à la frontière sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

En ce qui concerne la décision fixant la Turquie comme pays de destination :

Considérant que M. A, d'origine kurde et de confession alevie, fait valoir qu'il a été l'objet, en raison de son engagement en faveur de la cause kurde et notamment au sein du parti politique DEHAP, de persécutions de la part des autorités turques ; que la demande de statut de réfugié de M. A a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 12 septembre 2005 et que ce rejet a été confirmé par la Commission de recours des réfugiés le 13 juillet 2006 ; que, toutefois, il ressort des pièces produites postérieurement à cette décision de rejet et, notamment, d'un procès-verbal de perquisition du 29 novembre 2007 et d'un mandat d'arrêt du 25 novembre 2007 que M. A serait activement recherché par les autorités turques ; que, par ailleurs, M. A, qui soutient avoir fait l'objet de tortures, produit un certificat médical du 9 avril 2008 indiquant qu'il présente des cicatrices compatibles avec cette affirmation ; que l'administration, enfin, ne conteste pas l'authenticité des documents produits ; que, dans ces conditions, les risques allégués par M. A doivent être regardés comme suffisamment établis et que la décision fixant la Turquie comme pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de faire droit à sa demande d'annulation de cette décision ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision fixant la Turquie comme pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui n'annule pas la décision de reconduite à la frontière, n'implique pas nécessairement la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, le réexamen de la situation de M. A au regard du séjour ou la délivrance d'une carte de séjour temporaire ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros demandée par M. A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 5 mai 2009 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Seine Saint-Denis fixant la Turquie comme pays de destination.

Article 2 : La décision du préfet de la Seine Saint-Denis en date du 16 avril 2009 fixant la Turquie comme pays à destination duquel M. A sera éloigné est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 09VE01836 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 09VE01836
Date de la décision : 21/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Johan MORRI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : BOITEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-01-21;09ve01836 ?
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