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08/11/2007 | FRANCE | N°06VE00541

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 08 novembre 2007, 06VE00541


Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE, Hôtel de ville 14, avenue Marcel Perrin à Méry-sur-Oise (95540), par Me Phelip ; la COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301213 en date du 15 décembre 2005 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il la condamne conjointement et solidairement avec le département du Val-d'Oise et la Compagnie générale des eaux à verser à M. X une indemnité en réparation des conséquences do

mmageables de l'accident dont celui-ci a été victime sur la route départem...

Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE, Hôtel de ville 14, avenue Marcel Perrin à Méry-sur-Oise (95540), par Me Phelip ; la COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301213 en date du 15 décembre 2005 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il la condamne conjointement et solidairement avec le département du Val-d'Oise et la Compagnie générale des eaux à verser à M. X une indemnité en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont celui-ci a été victime sur la route départementale 928 ainsi que les frais d'expertises et les frais irrépétibles;

2°) à titre subsidiaire, de condamner le département du Val-d'Oise et la Compagnie générale des eaux à la garantir de cette condamnation ;

3°) à titre plus subsidiaire, de rejeter la demande d'indemnité de la CAMPLIF et de réduire l'indemnisation des préjudices subis par M. X à la somme globale de 10 815 euros ;

4°) de condamner M. X ou toute autre partie perdante à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de son pouvoir de police puisqu'elle n'avait pas connaissance de l'affaissement de 10 à 15 cm survenu le 30 mai 2001 dans l'avenue de la Libération et que les deux premiers accidents survenus au même endroit, à la même date, vers 16 heures et 19 heures n'ont pas été portés à sa connaissance avant celui survenu vers 20 heures à M. X ; que M. X a commis une faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité puisqu'il roulait à une vitesse excessive ; qu'elle doit être garantie de toute condamnation puisque le département du Val-d'Oise, en tant que gestionnaire de la voie en question et la CGE, en tant que responsable de la rupture de la canalisation à l'origine de l'affaissement de cette voie, sont responsables de l'accident ; que les sommes allouées à M. X sont excessives puisqu'il n'est pas établi que les accessoires de sa moto non indemnisés par l'assureur, auraient été endommagés ou même installés sur son engin, qu'il ne justifie ni la nécessité ni la réalité du recours à une tierce personne pour l'aider 4 heures par jour pendant sa convalescence, que la perte de revenu due à l'ITT de deux mois et demi ne pourrait être égale qu'à la différence entre son chiffre d'affaires 2000 et celui de 2001, soit 7 215 euros, que le trouble dans ses conditions d'existence ne saurait justifier une indemnité excédant 750 euros dès lors qu'il n'a pu être totalement immobilisé par une fracture de la clavicule, que l'IPP fixée à 3% par l'expert n'a eu aucune conséquence sur son activité professionnelle et ne peut être supérieure à 1 500 euros compte tenu de la valeur du point de 500 euros admise dans des circonstances similaires par la jurisprudence, que le pretium doloris fixé à 3,5/7 peut être indemnisé à hauteur d'une somme maximum de 1 050 euros, qu'il n'y a pas lieu de réparer un préjudice esthétique de 1/7, que le préjudice d'agrément n'est pas démontré puisqu'il a été victime d'une fracture tarsienne gauche en 2002 qui l'a sans doute temporairement empêché de reprendre les sports qu'il pratiquait auparavant et la moto, que le préjudice moral allégué n'est pas établi ; que la réalité de la créance de la Caisse régionale des professions libérales d'Ile-de-France (CAMPLIF) ne saurait être justifiée par un document établi par ses propres services ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2007 :

- le rapport de Mme Kermorgant, premier conseiller ;

- les observations de Me Planchon substituant Me Gueilhers pour le département du Val-d'Oise et celles de Me Gardella pour M. X ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident de moto dont M. X a été victime le 30 mai 2001 à 20 heures a été causé par un affaissement de la chaussée de la route départementale 928 sur laquelle il circulait dans l'agglomération de la COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE, provoqué par la rupture d'une canalisation d'eau potable ;

Considérant que l'excavation d'une profondeur de 10 à 15 cm constituait, par son importance, un risque auquel les usagers des voies publiques ne sauraient normalement s'attendre ; que, en outre, le danger provoqué par ce brusque affaissement n'était pas prévisible dès lors qu'aucune anomalie n'avait été décelée lors d'une inspection effectuée la veille de l'accident à 14 heures par la direction départementale de l'équipement du Val-d'Oise, chargée de l'entretien de la route départementale 928 pour le compte du département du Val-d'Oise ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'un dispositif de signalisation a été mis en place à 21 heures après que les pompiers ont signalé à 20 heures 30 l'accident de M. X aux services chargés de l'entretien, lesquels n'ayant pas été avertis des deux premiers accidents survenus le même jour à 16 heures et à 19 heures n'ont pu intervenir avant ; que, dans ces conditions, le département du Val-d'Oise doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe en tant que propriétaire de la voie publique, de l'état normal d'entretien de cette voie ;

Considérant que si l'autorité municipale qui exerce la police de la circulation sur les voies situées à l'intérieur de l'agglomération a, en application de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, l'obligation d'assurer la sûreté et la commodité de passage dans les rues de la commune et si sa responsabilité peut être engagée du fait d'une éventuelle carence à prévenir les risques d'accident même lorsqu'il s'agit d'une route départementale dont elle n'a pas la charge de l'entretien, il résulte de l'instruction que la COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE ne pouvait ni prévoir un tel effondrement ni intervenir après les deux premiers accidents qui, sans gravité, n'ont pas nécessité l'intervention des services de police et ne lui ont pas été signalés immédiatement ; qu'elle n'a, dans ces conditions, commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a estimé que la COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE et le département du Val-d'Oise étaient solidairement responsables de l'accident survenu à M. X ;

Considérant que, comme il vient d'être dit, l'affaissement de la chaussée a été provoqué par la rupture d'une canalisation d'eau souterraine très ancienne appartenant au Syndicat des eaux d'Ile-de-France, dont la gestion et l'entretien ont été confiés à la Compagnie générale des eaux par une convention en date du 3 avril 1962 ; que la responsabilité de la Compagnie générale des eaux est engagée vis à vis de M. X, usager de la voie publique, du fait que la dégradation de la voie en question trouve sa cause dans une fuite de ladite canalisation, située sous la chaussée et qui doit être regardée comme un ouvrage incorporé à la route départementale 928 ; que la Compagnie générale des eaux, à qui il incombe d'apporter la preuve de l'entretien normal de cette canalisation pour s'exonérer de cette responsabilité, n'établit pas, par ses seules allégations, avoir procédé à une surveillance régulière du réseau de distribution d'eau potable dont elle assure la gestion et donc l'entretien ; qu'aucune faute ou imprudence ne peut être retenue à la charge de M. X ; que, dès lors, la Compagnie générale des eaux doit être déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de cet accident ; qu'elle n'est, par suite, fondée à demander ni à être mise hors de cause, ni, à titre subsidiaire, à être garantie par la COMMUNE DE MERY-SUR-OISE et le département du Val-d'Oise des condamnations prononcées à son encontre, ni à ce que le Syndicat des eaux d'Ile-de-France soit, en tant que maître d'ouvrage du réseau de distribution d'eau potable, déclaré responsable de l'accident survenu à M. X;

Sur l'indemnité :

En ce qui concerne le caractère non contradictoire de l'expertise médicale :

Considérant que si l'expertise médicale ordonnée par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise aux fins d'évaluer le préjudice subi par M. X n'a pas été menée contradictoirement, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le rapport de l'expert, qui constitue une des pièces du dossier, soit retenu à titre d'élément d'information ; que la Compagnie générale des eaux, qui a été mise en mesure d'en discuter les conclusions en première instance, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif ne pouvait en tenir compte pour fixer le montant de l'indemnisation de M. X ;

En ce concerne l'évaluation du préjudice subi par M. X :

Considérant, s'agissant du préjudice matériel allégué, que les frais de réparation ou de remplacement des accessoires du véhicule, lesquels auraient été endommagés lors de l'accident, ne sont pas justifiés et ne sauraient être indemnisés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, âgé de quarante sept ans lors de l'accident, a fait l'objet de deux interventions chirurgicales, l'une pour réduire la fracture de sa clavicule, l'autre pour l'ablation du matériel d'ostéosynthèse, ayant entraîné une incapacité totale temporaire de deux mois et demi, et qu'il demeure atteint d'une incapacité permanente de 3 % ; qu'il ressort des déclarations fiscales de l'intéressé pour les années 2000 et 2001 qu'en l'absence du versement d'indemnités journalières la perte de revenus liée à l'incapacité de travail peut être évaluée à 7 215 euros ; que M. X ne justifie pas, par la méthode d'extrapolation qu'il propose, avoir subi, du fait de son accident, une perte de revenus supérieure à cette somme ; que les dépenses engagées au titre de l'assistance d'une tierce personne jusqu'au 31 juillet 2001, dont au demeurant la nécessité n'est pas établie, ne sauraient donner lieu à indemnisation en l'absence de tout justificatif ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, y compris le préjudice d'agrément résultant de la privation de la possibilité de pratiquer son sport habituel, en les fixant à la somme de 2 000 euros ; qu'à ces sommes doit être ajouté le montant des frais médicaux et pharmaceutiques résultant directement de l'accident et attesté par les écritures de la Caisse régionale des professions libérales d'Ile-de-France, soit 2 853,80 euros, mais pas celui de l'indemnité forfaitaire de 760 euros demandée par ladite caisse au titre du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale; que ses souffrances physiques et morales doivent être évaluées à la somme de 4 000 euros et le préjudice esthétique lié à la présence d'une cicatrice sur l'épaule droite, qualifié de très léger, doit être évalué à la somme de 500 euros ; qu'ainsi le préjudice total subi par M. X s'élève à 16 068,80 euros ; que l'évaluation retenue par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit être ramenée à cette somme ;

En ce qui concerne les droits de la Caisse régionale des professions libérales d'Ile-de-France :

Considérant, en premier lieu, que dès lors qu'il appartient à la Caisse régionale des professions libérales d'Ile-de-France de réclamer indifféremment à la COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE, au département du Val-d'Oise, ou à la Compagnie générale des eaux, le remboursement de ses débours auquel ils ont été condamnés solidairement par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, ses conclusions tendant à ce que la cour opère la répartition de la condamnation ainsi prononcée ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : « Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. » ; que la Caisse régionale des professions libérales d'Ile-de-France, qui justifie du versement de 2 853,80 euros au titre des frais de soins et d'hospitalisation, a droit à l'indemnisation de cette somme ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : …En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit du fonds national des accidents du travail de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros… ; qu'en application de ces dispositions il y a lieu de condamner la Compagnie générale des eaux à verser à la Caisse régionale des professions libérales d'Ile-de-France une indemnité forfaitaire de 910 euros correspondant à la limite maximum fixée par ces mêmes dispositions ;

En ce qui concerne les droits de M. X :

Considérant que la Caisse régionale des professions libérales d'Ile-de-France n'établit pas avoir versé, au titre de ses débours, d'autres sommes que celle correspondant aux frais médicaux et pharmaceutiques de M. X ; que celui-ci a droit à une indemnité globale de 13 215 euros ; que les droits retenus pour un montant de 20 147 euros par le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise doivent être ramenés à cette somme et la Compagnie générale des eaux condamnée à la verser à M. X ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Compagnie générale des eaux les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 750,20 euros et les frais irrépétibles de première instance, d'un montant de 1 000 euros, auxquels la COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE et le département du Val-d'Oise ont été condamnés;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE et le département du Val-d'Oise sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il les condamne chacun à réparer un quart des conséquences dommageables de l'accident ; que l'indemnité fixée par le tribunal administratif doit être ramenée à la somme de 13 215 euros et mise à la charge de la Compagnie générale des eaux ; que l'indemnité versée à la Caisse régionale des professions libérales d'Ile-de-France doit être portée à la somme de 3 763,80 euros ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la Compagnie des eaux les frais d'expertise, d'un montant de 750,20 euros et les frais irrépétibles de première instance d'un montant de 1 000 euros ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la Compagnie générale des eaux tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de condamner la Compagnie générale des eaux à verser à la COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE et au département du Val-d'Oise une somme de 1 500 euros à chacun au titre de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE et le département du Val-d'Oise sont mis hors de cause.

Article 2 : La Compagnie générale des eaux versera à M. X une somme de 13 215 euros.

Article 3 : La Compagnie générale des eaux versera à la Caisse régionale des professions libérales d'Ile-de-France la somme de 3 763,80 euros.

Article 4 : Les frais d'expertise s'élevant à 750,20 euros et les frais exposés non compris dans le dépens de première instance, d'un montant de 1 000 euros, sont mis à la charge de la Compagnie générale des eaux.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : La Compagnie générale des eaux versera à la COMMUNE DE MÉRY-SUR-OISE et au département du Val-d'Oise une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions de M. X et le surplus des conclusions de la Compagnie générale des eaux sont rejetés.

06VE00541 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE00541
Date de la décision : 08/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Martine KERMORGANT
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : GUEILHERS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-11-08;06ve00541 ?
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