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18/10/2007 | FRANCE | N°05VE01253

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 octobre 2007, 05VE01253


Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Hugues-Franck X, demeurant ... et Mme Marie-Cécile Y, demeurant ..., par Me Fau ; M. X et Mme Y demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0203844 en date du 7 avril 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Chilly-Mazarin, de l'État et du service départemental d'incendie et de secours de l'Essonne à verser la somme de 120 000,00 € à M. X et la somme de 76

902,77 € à Mme Y en réparation du préjudice subi par eux du fait du ...

Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Hugues-Franck X, demeurant ... et Mme Marie-Cécile Y, demeurant ..., par Me Fau ; M. X et Mme Y demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0203844 en date du 7 avril 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Chilly-Mazarin, de l'État et du service départemental d'incendie et de secours de l'Essonne à verser la somme de 120 000,00 € à M. X et la somme de 76 902,77 € à Mme Y en réparation du préjudice subi par eux du fait du décès de leur fille, ainsi que 3 000 € à chacun d'eux au titre des frais irrépétibles ;

2°) de condamner solidairement la commune de Chilly-Mazarin, l'État et le service départemental d'incendie et de secours de l'Essonne à payer à M. X 75 000 € au titre de son préjudice moral et 45 000 € au titre de son préjudice économique, d'autre part, à Mme Y 75 000 € au titre de son préjudice moral et 1 902,77 € au titre de son préjudice matériel, les sommes relatives aux préjudices moral, économique et matériel portant intérêts de droit à compter du 11 juillet 2002 ;

3°) de condamner la commune de Chilly-Mazarin, l'État et le service départemental d'incendie et de secours de l'Essonne à payer à chacun d'eux la somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils exposent que, le 26 octobre 1996, leur fille âgée de quatre ans a été défenestrée par sa nourrice et en est décédée ; que l'absence de l'officier de police sur les lieux du drame constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la police nationale, agissant au nom de la commune ; que la responsabilité de la commune est engagée sur le fondement de la seule faute simple ; que les tergiversations et les lenteurs consécutives à l'absence de coordination des services ont un lien direct de causalité avec le décès de leur fille ; que les erreurs commises par le service départemental d'incendie et de secours de l'Essonne constituent également des fautes de nature à engager la responsabilité de la commune de Chilly-Mazarin ; que rien n'explique pourquoi les sapeurs-pompiers, qui étaient présents sur les lieux à 2 h 50 du matin, ont attendu 4 h 10 du matin pour se décider à forcer la porte de l'appartement où était enfermée leur fille avec sa nourrice ; que l'absence de tout moyen pris pour prévenir un risque de défenestration constitue également une faute du service départemental d'incendie et de secours de l'Essonne ; que le préjudice moral doit être chiffré à 75 000 € pour chacun d'entre eux ; que le préjudice matériel de Mme Y résultant des dommages causés à son appartement s'élève à 958,92 € ; que M. X qui était gravement affecté par le décès de sa fille, a été licencié dans les semaines qui ont suivi ces événements ; que bien que son employeur a été condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a subi une importante perte de revenus et il lui a été impossible de retrouver un emploi ; qu'ainsi son préjudice économique s'élève à 45 000 € ; que les défendeurs ne sont pas fondés à lui opposer la prescription quadriennale ;

Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2007 :

- le rapport de M. Blin, président-assesseur ;

- les observations de Me Papasian pour le service départemental d'incendie et de secours de l'Essonne ;

- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code des collectivités territoriales : « - La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; (…) 6° Le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les personnes atteintes de troubles mentaux dont l'état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés ; » ; qu'aux termes de l'article L. 2216-2 du même code : « Sans préjudice des dispositions de l'article L. 2216-1, les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est atténuée à due concurrence. La responsabilité de la personne morale autre que la commune dont relève l'agent ou le service concerné ne peut être engagée que si cette personne morale a été mise en cause, soit par la commune, soit par la victime du dommage. S'il n'en a pas été ainsi, la commune demeure seule et définitivement responsable du dommage. » et qu'aux termes de l'article L. 2216-1 dudit code : « La commune voit sa responsabilité supprimée ou atténuée lorsqu'une autorité relevant de l'Etat s'est substituée, dans des hypothèses ou selon des modalités non prévues par la loi, au maire pour mettre en oeuvre des mesures de police. » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 25 octobre 1996, Mme Y avait confié la garde de sa fille, Anaïs X, alors âgée de quatre ans, à son domicile de Chilly-Mazarin à une nourrice, Mlle Z ; que cet appartement est situé au huitième étage d'un immeuble ; que vers 22 heures, des voisins ont entendu des hurlements de la nourrice ; qu'un de ces voisins, lui-même fonctionnaire de police, a averti le commissariat de Longjumeau à 2 h 20 du matin que des cris de femme provenaient de l'appartement de Mme Y, qu'il qualifiait de hurlements d'hystérie ; que deux gardiens de la paix furent dépêchés sur les lieux où ils parvinrent à 2 h 30 ; qu'il entendirent alors les cris d'une femme et les cris d'un enfant et eurent conscience qu'il ne s'agissait plus simplement d'un tapage nocturne mais qu'ils avaient affaire à une personne ne jouissant plus de la plénitude de ses facultés mentales ; qu'ils en informèrent le lieutenant de police, officier de police judiciaire qui était en déplacement au commissariat de Palaiseau et celui d'Etampes qui prescrivit l'ouverture de la porte ; que, si quatre sapeurs-pompiers volontaires du centre de première intervention de Chilly-Mazarin, appelés à 2 h 50, se déplaçaient sur les lieux à 3 h 03 minutes, ils échouèrent dans leur tentative d'ouvrir la porte ; que les gardiens de la paix reçurent alors le renfort de quatre fonctionnaires de la brigade criminelle locale ; qu'à la demande de l'officier de police judiciaire, ils firent appel à un serrurier qui commença son intervention à 3 h 40 pendant qu'un adjudant des sapeurs-pompiers tentait de s'introduire dans l'appartement à partir du balcon du septième étage ; que la gardienne de l'enfant avait alors commencé de jeter des objets par les fenêtres ; que la porte fut ouverte vers 4 h 10 et les policiers entrèrent dans le logement pour interpeller la femme en état de démence ; que, cependant, l'enfant n'était plus dans l'appartement et a été retrouvée décédée quelques instants plus tard à l'extérieur de cet appartement à l'aplomb de l'immeuble, sa nourrice ayant procédé à sa défenestration ; que les parents de l'enfant, Mme Y et M. X, demandent la condamnation solidaire de la commune de Chilly-Mazarin, de l'État et du service départemental d'incendie et de secours de l'Essonne à leur verser une indemnité en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait du décès de leur fille ;

Considérant que les requérants précisent que la responsabilité de la commune serait engagée en raison d'un défaut d'organisation des services de police résultant du fait que l'officier de police de permanence n'a pas jugé nécessaire de se déplacer sur les lieux de l'intervention, du renoncement de ce service à faire intervenir une brigade spécialisée dans les interventions difficiles, des hésitations du service de police pendant près de deux heures à faire ouvrir la porte de l'appartement par force puis, alors que la personne qui gardait l'enfant avait commencé à jeter un certain nombre d'objets par les fenêtres, du fait de n'avoir ordonné que tardivement l'ouverture de la porte de l'appartement ; que, toutefois, compte tenu des difficultés d'appréciation de la situation, il ne résulte pas de l'instruction que les services de police aient commis une faute en ne demandant pas dès trois heures du matin l'intervention d'une brigade spécialisée ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que la personne qui gardait l'enfant avait perdu la raison au moment des faits et a fait l'objet le 9 janvier 1998 d'une ordonnance de non-lieu pour irresponsabilité ; que, si la nourrice de l'enfant avait commencé à jeter des objets par la fenêtre vers quatre heures du matin, il ne résulte pas de l'instruction que le service de police aurait commis une faute en ordonnant dans ces circonstances l'ouverture forcée de la porte et en pénétrant dans l'appartement ; qu'en outre, il n'est pas établi que l'ouverture tardive de la porte de l'appartement ait provoqué la défenestration de l'enfant ; qu'en conséquence, le lien de causalité entre les fautes alléguées du service de police et le décès de l'enfant résultant de sa défenestration par sa nourrice n'est pas établi ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à demander la condamnation solidaire de la commune de Chilly-Mazarin, du service départemental d'incendie et de secours de l'Essonne et de l'État, en raison d'une faute commise par les services de police, à leur verser une indemnité en réparation du préjudice moral, ainsi que d'une perte d'emploi, s'agissant de M.X, subis du fait de la mort de leur enfant ; que Mme Y n'est pas davantage fondée à demander une indemnité en réparation des dégâts matériels occasionnés à son appartement ;

Considérant que les requérants soutiennent également que la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours serait engagée, d'une part, du fait que les pompiers, qui en avaient reçu l'ordre vers trois heures du matin, ne sont pas parvenus à ouvrir la porte de l'appartement faute de moyens suffisants, d'autre part, du fait qu'ils n'ont pas déployé de procédé anti-défenestration au droit des fenêtres de l'appartement ; que, toutefois, il n'est pas établi que si la porte avait été fracturée dès le début de l'intervention, la gardienne de l'enfant n'aurait pas procédé à la défenestration de cet enfant ; qu'ultérieurement, en présence des services de police et dans le cas de personnes en état de démence avec un enfant, il n'appartenait pas aux sapeurs-pompiers de prendre la décision d'ouvrir la porte alors que la nourrice d'Anaïs pouvait se révéler dangereuse pour les intervenants et pour l'enfant qui lui avait été confié ; que, par ailleurs, les procédés anti-défenestration ne sont pas homologués ni utilisés en France par les services de secours ; que, dès lors, en ne déployant pas un tel procédé en bas de l'immeuble, les services de secours n'ont commis aucune faute de nature à engager leur responsabilité ou celle de la commune ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les défendeurs, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, soient condamnés à payer aux requérants la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner les requérants à payer aux défendeurs les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X et de Mme Y est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Chilly-Mazarin et du service départemental d'incendie et de secours de l'Essonne, relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 05VE01253
Date de la décision : 18/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre BLIN
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : SCP ANCEL et COUTURIER-HELLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-10-18;05ve01253 ?
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