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10/11/2022 | FRANCE | N°20TL03645

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 10 novembre 2022, 20TL03645


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme et M. H... et Louis G... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2018 par lequel le maire de Roussillon a délivré un permis de construire à M. B... E... pour l'édification d'un hangar agricole, ainsi que de la décision du 29 octobre 2018 par laquelle cette autorité a rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1804096 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande et a mis à la charge de Mme et M. G... une som

me de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme et M. H... et Louis G... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2018 par lequel le maire de Roussillon a délivré un permis de construire à M. B... E... pour l'édification d'un hangar agricole, ainsi que de la décision du 29 octobre 2018 par laquelle cette autorité a rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1804096 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande et a mis à la charge de Mme et M. G... une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 septembre 2020 sous le n° 20MA03645 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL03645 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire enregistré le 4 mars 2021, Mme et M. G..., représentés par Me Marquès, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Roussillon du 4 juillet 2018 ainsi que la décision prise par cette même autorité le 29 octobre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Roussillon et/ou, mieux, de M. E... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le dossier de demande de permis de construire présente des insuffisances au niveau de la notice et du document graphique d'insertion ;

- ledit dossier est incomplet en l'absence du document attestant de la prise en compte de la règlementation thermique et de la réalisation d'une étude de faisabilité ;

- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Roussillon ;

- il méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ainsi que l'article A 4-5 du règlement du plan local d'urbanisme s'agissant du risque incendie ;

- il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, la convention européenne du paysage et l'article N 11 du plan local d'urbanisme s'agissant de l'insertion dans le site ;

- il a été délivré à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que les avis préalables n'ont pas été rendus sur la base du dossier complet ;

- il méconnaît les dispositions de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme s'agissant de la pente de la toiture du bâtiment.

Par des mémoires en défense et des pièces, enregistrés le 24 décembre 2020, le 13 janvier 2021, le 16 mars 2021 et le 28 mai 2021, la commune de Roussillon, représentée par Me Balique, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et sollicite le versement d'une somme de 3 000 euros par Mme et M. G... ainsi que d'une somme de 1 000 euros par les intervenantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 19 mai 2021 et 16 décembre 2021, la société civile immobilière Rosipi, Mme F... J..., Mme C... I... et Mme D... I..., représentées par la SELARL Grimaldi-Molina, demandent qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête de Mme et M. G... et qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de toute partie succombante.

Elles invoquent les mêmes moyens que les appelants, à l'exception du vice de procédure et de l'illégalité relative à la pente de la toiture.

La requête a été communiquée à M. E... qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 1er décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 décembre 2021.

Les parties ont été informées le 13 octobre 2020, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité du moyen tiré du vice de procédure invoqué par les appelants, lequel se rattache à une cause juridique distincte des moyens soulevés par eux devant le tribunal administratif de Nîmes.

Mme et M. G..., représentés par Me Marquès, ont présenté des observations en réponse à ce moyen d'ordre public le 13 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne du paysage signée à Florence le 20 octobre 2000 ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2010-1269 du 26 octobre 2010 ;

- l'arrêté ministériel du 26 octobre 2010 relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des bâtiments nouveaux et parties nouvelles de bâtiments ;

- l'arrêté ministériel du 28 décembre 2012 relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des bâtiments nouveaux et parties nouvelles de bâtiments ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Balique, représentant la commune de Roussillon.

Mme et M. G..., représentés par Me Marquès, ont produit une note en délibéré enregistrée le 23 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a présenté, le 29 mai 2018, auprès des services de la commune de Roussillon (Vaucluse), une demande de permis de construire en vue de l'édification d'un hangar agricole d'une surface totale de plancher de 854,88 m2 assorti d'un auvent de 271 m2, sur la parcelle cadastrée ...située au hameau des Dauphins. Par un arrêté du 4 juillet 2018, le maire de Roussillon a délivré à M. E... le permis de construire ainsi sollicité. Par la présente requête, Mme et M. G... relèvent appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision du 29 octobre 2018 par laquelle le maire de Roussillon a rejeté leur recours gracieux formé contre ledit arrêté.

Sur l'intervention :

2. La société civile immobilière Rosipi, Mme J... et Mmes I..., propriétaires de terrains bâtis et de parcelles au sein du hameau des Dauphins, ont intérêt à l'annulation du jugement et de l'arrêté en litige. Leur intervention au soutien des prétentions des appelants doit donc être admise.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, les requérants n'ont soulevé devant le tribunal administratif de Nîmes que des moyens tirés de l'illégalité interne du permis de construire, au nombre desquels, notamment, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande. S'ils soutiennent devant la cour que ledit permis aurait été délivré à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que les avis préalables à sa délivrance n'auraient pas été émis sur le base d'un dossier complet, un tel moyen, relevant de la légalité externe, se rattache à une cause juridique distincte de celle des moyens de première instance et constitue donc un moyen nouveau irrecevable en appel.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / (...) / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / (...) ". Et aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. (...) ". La circonstance que le dossier de demande de permis ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par le code de l'urbanisme ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'administration sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

5. D'une part, si la notice produite par M. E... à l'appui de sa demande de permis n'indique pas que le terrain d'assiette du projet est situé au sein du périmètre du site inscrit du Plan de Gordes et du Parc naturel régional du Luberon, ladite notice comporte les éléments permettant de localiser précisément la parcelle, ce à quoi contribuent également tant le plan de situation que l'extrait cadastral joints au dossier. De surcroît, le maire a consulté l'architecte des bâtiments de France dont l'avis rappelle l'appartenance de la parcelle au site inscrit. Par ailleurs, la notice mentionne la nature actuellement agricole du terrain et présente les choix retenus par le pétitionnaire pour assurer le respect des prescriptions du plan local d'urbanisme relatives à l'aspect extérieur des constructions. La même notice comporte également trois photographies de la parcelle et des espaces environnants, ainsi qu'une vue de proximité et une vue aérienne. D'autre part, le dossier de demande contient deux photomontages montrant le hangar projeté au sein de son environnement, le premier en proximité immédiate où apparaît l'habitation des requérants, le second en vue plus lointaine permettant d'apprécier l'insertion du bâtiment par rapport à l'ensemble du hameau. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, les pièces produites permettent d'appréhender sans ambiguïté la hauteur de la construction, en particulier grâce au plan de masse coté en trois dimensions et aux plans de coupe du hangar. Par suite et ainsi que l'a jugé le tribunal, l'autorité administrative a été en mesure d'apprécier la conformité du projet à la règlementation applicable. Dès lors, les dispositions précitées n'ont pas été méconnues.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / (...) / j) Lorsque le projet est tenu de respecter les dispositions mentionnées à l'article R. 111-20 du code de la construction et de l'habitation, un document établi par le maître d'ouvrage attestant la prise en compte de la réglementation thermique, en application de l'article R. 111-20-1 de ce code, et, pour les projets concernés par le cinquième alinéa de l'article L. 111-9 du même code, la réalisation de l'étude de faisabilité relative aux approvisionnements en énergie, en application de l'article R. 111-20-2 dudit code ; / (...) ".

7. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles R. 111-20, R. 111-20-1 et R. 111-20-6 du code de la construction et de l'habitation alors en vigueur, de l'article 2 du décret susvisé du 26 octobre 2010 et des arrêtés susvisés du 26 octobre 2010 et du 28 décembre 2012 relatifs aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des bâtiments que les prescriptions prévues par le premier de ces articles ne sont applicables ni aux bâtiments à usage agricole ou d'élevage, ni aux bâtiments ou parties de bâtiments dont la température normale est inférieure ou égale à 12° C, ni aux bâtiments ou parties de bâtiment qui, en raison de contraintes spécifiques liées à leur usage, doivent garantir des conditions particulières de température. Par suite, la circonstance que le projet de M. E..., portant sur un bâtiment agricole, intègre l'aménagement d'une chambre froide positive n'avait pas pour effet de lui imposer de joindre à sa demande de permis les documents mentionnés au j) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen invoqué en ce sens doit être écarté comme inopérant.

8. En quatrième lieu, selon l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Roussillon, sont notamment autorisés dans la zone agricole, à laquelle est rattachée la parcelle d'assiette du projet en litige : " Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à savoir : / (...) / - Les bâtiments techniques (hangars, remises, caveaux...) ; / (...) / Sous réserve de démontrer la nécessité pour l'exploitation agricole, les constructions nouvelles doivent respecter les conditions suivantes : / - Lorsque le siège de l'exploitation existe, les constructions autorisées doivent former un ensemble bâti cohérent et regroupé avec les bâtiments existants du siège d'exploitation. Les logements doivent trouver leur place en priorité au sein des bâtiments existants ou en extension de ceux-ci ou, lorsque ce n'est pas possible, former un ensemble bâti cohérent et regroupé avec les bâtiments existants du siège. / - Pour les nouveaux sièges d'exploitation, l'implantation des constructions doit être recherchée de manière à limiter le mitage de l'espace agricole et assurer une bonne intégration paysagère du projet. Les implantations seront étudiées en rapprochement du bâti existant. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est exploitant agricole depuis au moins l'année 2014 et qu'il exerce une activité de maraîchage sur une superficie de 7,39 hectares répartie sur les communes de Gordes, Goult et Roussillon. Les pièces annexées à la demande de permis mentionnent que l'intéressé ne dispose à ce jour que d'un hangar vétuste d'une surface de 200 m2, lequel lui est prêté par son père sur la commune de Gordes et ne peut être agrandi en raison de l'exposition de la parcelle au risque d'inondation. Le pétitionnaire précise que son projet consiste à construire un hangar destiné au stockage du matériel et des récoltes, pour répondre à une demande croissante et moderniser ses installations en créant une chambre froide positive, une centrale de séchage et une ligne d'emballage. Eu égard à l'ensemble de ces indications, M. E... doit être regardé comme justifiant de la nécessité de son projet de hangar pour son exploitation agricole, ainsi que l'exige l'article A 2 du plan local d'urbanisme, indépendamment même de son intention, exprimée dans la notice, de transférer le siège social de son entreprise au sein du nouveau bâtiment. Dans leur rapport sur la demande de permis, les services de la direction départementale des territoires de Vaucluse ont d'ailleurs reconnu le besoin d'un tel bâtiment agricole pour cette exploitation qui en est actuellement dépourvue. Les appelants et les intervenantes ne contestent pas utilement le caractère nécessaire du hangar projeté en remettant en cause l'opportunité du choix de la parcelle ... par rapport à d'autres terrains possédés par M. E... et son père dans la commune voisine. En outre et dès lors qu'il n'existe à ce jour ni siège d'exploitation ni autre bâtiment sur le terrain retenu, la conformité de l'implantation du projet doit s'apprécier au regard des conditions posées par le dernier alinéa de l'article A 2 précité. Il ressort à cet égard des plans joints à la demande de permis que le hangar sera édifié en continuité immédiate du hameau des Dauphins, de sorte que son implantation répond bien aux objectifs de limitation du mitage de l'espace agricole et de rapprochement avec le bâti existant. Dans ces conditions, le permis de construire en litige n'a pas été délivré en méconnaissance de l'article A 2 du plan local d'urbanisme de la commune de Roussillon.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Par ailleurs, aux termes du paragraphe 5 de l'article A 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Roussillon : " Défense contre l'incendie : Les futurs projets devront respecter les règles précisées au titre VIII du présent règlement (dispositions issues du Règlement Départemental de Défense Extérieure contre l'Incendie - RDDECI). ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le règlement du plan local d'urbanisme de Roussillon reproduit en son titre VIII le " tableau récapitulatif des besoins en eau " constituant l'annexe 2 du règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie, dans sa version approuvée par arrêté préfectoral le 10 janvier 2017. Il résulte notamment de ce tableau que les hangars agricoles largement ventilés sont classés en " risque courant faible ", nécessitant un poteau incendie de 30 m3/h pendant une heure situé à moins de 150 mètres, lorsqu'ils ont une surface inférieure à 1 000 m2 et qu'ils sont classés en " risque courant ordinaire ", nécessitant un poteau incendie de 60 m3/h pendant deux heures situé à moins de 150 mètres, lorsqu'ils ont une surface supérieure ou égale à 1 000 m2. Toutefois et ainsi que les appelants l'avaient soutenu en première instance, le hangar litigieux ne peut être considéré comme largement ventilé, dès lors notamment qu'il n'est pas ouvert sur deux façades opposées ainsi que l'exige la définition posée par le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie. Si ledit règlement ne prescrit aucune mesure spécifique pour les hangars agricoles non largement ventilés, il dispose néanmoins que les cas non prévus dans le tableau doivent être traités en s'inspirant des mesures préconisées pour les bâtiments ou installations présentant un risque comparable. En l'espèce, le hangar agricole projeté peut être assimilé à la catégorie des établissements recevant des travailleurs d'une surface de plancher comprise entre 250 m2 et 1 000 m2 et ayant le plancher bas du dernier niveau à moins de huit mètres, laquelle relève du " risque courant ordinaire " et requiert un poteau incendie de 60 m3/h pendant deux heures situé à moins de 150 mètres.

12. Il ressort des plans produits par le pétitionnaire et il n'est d'ailleurs pas contesté que le hangar sera distant de 150 mètres de la borne incendie n° 42 située dans le hameau des Dauphins. La circonstance que le dossier mentionne une borne plutôt qu'un poteau incendie ne permet pas de caractériser une méconnaissance des prescriptions règlementaires, alors que tant l'avis favorable du service départemental d'incendie et de secours de Vaucluse, rendu le 29 avril 2019, que la fiche technique établie par ce même service, lesquels sont certes postérieurs à l'arrêté attaqué mais décrivent une situation préexistante à cet arrêté, identifient sous l'appellation de " poteau " le point d'eau incendie n° 42 de la commune de Roussillon. Par ailleurs, il ressort de ces mêmes pièces que le point d'eau en cause possède un débit compris entre 78 et 86 m3/h, ce qui satisfait aux exigences prévues pour un bâtiment à " risque courant ordinaire ". Par voie de conséquence, les appelants et les intervenantes ne sont pas fondés à soutenir que le permis aurait été délivré en méconnaissance du paragraphe 5 de l'article A 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Roussillon. Il ressort au surplus des pièces du dossier que la nouvelle version du règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie, approuvée par arrêté préfectoral le 20 février 2019, classe en " risque courant faible " l'ensemble des hangars agricoles d'une surface de plancher inférieure à 1 000 m2, indépendamment de leur caractère ventilé, en y imposant un poteau incendie de 30 m3/h pouvant être situé jusqu'à 200 mètres. Enfin, pour l'appréciation du risque au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le pétitionnaire a précisé avoir également prévu la mise en place d'un système d'irrigation agricole pour un débit de 30 m3/h, tel que présenté dans l'attestation de la Société du Canal de Provence versée au dossier. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'arrêté attaqué n'est pas non plus entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 précité du code de l'urbanisme.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". En outre, aux termes de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Roussillon, applicable à la parcelle en litige en lieu et place de l'article N 11 partiellement invoqué à tort par les appelants : " Les constructions par leur situation, leur architecture, leurs dimensions et leur aspect extérieur ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. / (...) / Les toitures principales doivent être de préférence à deux pans. Néanmoins, les volumes secondaires, les annexes (remises, abris de jardin et garages) peuvent avoir un toit à un seul pan si elles sont contiguës à un bâtiment principal. / La pente des toits doit être comprise entre 30 et 35 %. D'autres conceptions de toiture, telles que les toitures terrasses, sont acceptables sous réserve de s'intégrer de manière harmonieuse dans leur environnement. ".

14. D'une part, les dispositions précitées de l'article A 11 du plan local d'urbanisme de la commune de Roussillon ont le même objet et prévoient des exigences qui ne sont pas moindres que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme également invoquées par les requérants. Par suite, c'est par rapport aux prescriptions du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité de l'arrêté en litige. Par ailleurs, les appelants ne peuvent utilement se prévaloir des stipulations de la convention européenne du paysage signée à Florence le 20 octobre 2000, dès lors que ce texte est dépourvu d'effet direct en droit interne.

15. D'autre part, le terrain d'assiette du projet se situe dans le périmètre du site inscrit du Plan de Gordes et du Parc naturel régional du Luberon et à proximité des villages remarquables de Gordes et Roussillon, sur lesquels des vues sont possibles depuis le hameau des Dauphins ou depuis les routes adjacentes. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'édification du hangar projeté dans cette zone, identifiée comme plaine agricole au sein du projet d'aménagement et développement durables approuvé par la commune, serait de nature à porter atteinte au caractère des villages voisins ou du site inscrit dont ils font partie. Le hameau ne présente lui-même pas un intérêt particulier et comporte d'ailleurs déjà un hangar agricole, même s'il est de taille inférieure. Par ailleurs, l'architecte des bâtiments de France, consulté sur le projet, a émis le 22 mai 2018 un avis favorable assorti d'une prescription tendant à la mise en place de deux haies doubles rangs en limites sud et ouest de la propriété, composées de plantations inspirées des haies existantes dans la plaine du Plan de Gordes, tant en termes de hauteur que d'épaisseur et d'essences. Le maire de Roussillon a incorporé cette prescription à l'article 2 de l'arrêté accordant le permis de construire et y a également reproduit les mesures préconisées par l'architecte-conseil dans son avis du 9 avril 2018 s'agissant des matériaux et teintes de la couverture, des façades, du bardage, des portes, des portails et de la végétation. Les prescriptions ainsi reprises par l'arrêté attaqué y sont énoncées de manière précise et, même si leur mise en œuvre ne permettra pas de masquer complètement la construction compte tenu de ses dimensions significatives, leur respect est de nature à en limiter sensiblement l'impact sur le paysage environnant. Dès lors, le maire de Roussillon n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard du premier alinéa précité de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme.

16. Enfin et en revanche, si le hangar autorisé par le permis contesté présente bien une toiture principale à deux pans, la notice jointe à la demande mentionne que la pente de ce toit s'élèvera à seulement 26 %. La commune de Roussillon fait valoir en défense que les mesures pouvant être réalisées à partir des plans permettent de conclure à un taux de pente effective de 28,875 %, mais, en dépit du caractère limité de l'écart, un tel ratio ne peut être regardé comme satisfaisant aux prescriptions précises et inconditionnelles énoncées par le règlement du plan local d'urbanisme sur ce point. Par suite, les appelants sont fondés à soutenir que le permis en litige méconnaît le dernier alinéa de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme en tant seulement que la pente de la toiture est inférieure à 30 %.

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

17. L'article L. 600-5 du code de l'urbanisme dispose que : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. ".

18. Les dispositions précitées permettent au juge de l'excès de pouvoir de procéder à l'annulation partielle d'un permis de construire dans le cas où l'illégalité affecte une partie identifiable du projet et peut être régularisée par un permis modificatif. Leur application n'est pas subordonnée à la condition que la partie du projet affectée par le vice soit matériellement détachable du reste du projet. La régularisation ne peut légalement faire l'objet d'un permis modificatif que si les modifications apportées au projet initial pour remédier à l'illégalité n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

19. Il résulte de tout ce qui précède que seul est fondé le moyen tiré de la violation de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Roussillon en tant qu'il porte sur la pente de la toiture du hangar agricole. L'illégalité ainsi constatée n'affecte qu'une partie identifiable du bâtiment et est susceptible d'être régularisée par un permis modificatif, sans qu'un tel ajustement ne change la nature du projet. Par suite, il y a lieu de limiter à cette partie du projet la portée de l'annulation du jugement et du permis de construire en litige.

20. Eu égard à ce qui vient d'être exposé, Mme et M. G... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande en annulation de l'arrêté du 4 juillet 2018 et de la décision du 29 octobre 2018 en tant que le maire de Roussillon a autorisé une pente de toit non conforme aux prescriptions de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

Sur les frais liés au litige :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative seront dès lors rejetées. Par ailleurs, les intervenantes n'ayant pas la qualité de parties à l'instance, les demandes qu'elles présentent au titre de ces mêmes dispositions ne peuvent qu'être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la société civile immobilière Rosipi, de Mme J... et de Mmes I... est admise.

Article 2 : L'arrêté du maire de Roussillon du 4 juillet 2018 et sa décision du 29 octobre 2018 sont annulés en tant qu'ils autorisent une pente de toiture non conforme aux prescriptions de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1804096 du 10 juillet 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties et des intervenantes est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... G... et à M. A... G..., à la commune de Roussillon, à M. B... E..., à la société civile immobilière Rosipi, à Mme F... J..., à Mme C... I... et à Mme D... I....

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Avignon.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL03645


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL03645
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : MARQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-11-10;20tl03645 ?
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