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15/09/2022 | FRANCE | N°22TL20762

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 15 septembre 2022, 22TL20762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... H..., Mme I... D... B..., et leurs enfants A.... Francisco Daniel H... et Andres Eduardo H... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 19 novembre 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2107233, 2107234, 2107235, 2107236 du 18 février 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse

a annulé les décisions fixant le pays de renvoi, mis à la charge de l'Etat la somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... H..., Mme I... D... B..., et leurs enfants A.... Francisco Daniel H... et Andres Eduardo H... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 19 novembre 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2107233, 2107234, 2107235, 2107236 du 18 février 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions fixant le pays de renvoi, mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et rejeté le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 11 mars 2022 sous le n° 22TL20762, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions fixant le pays de destination et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros.

Il soutient que Mme D... B... et MM. H... n'établissent pas être exposés à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine.

Par ordonnance du 19 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2022.

II. Par une requête, enregistrée le 11 mars 2022 sous le n° 22TL20763, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2107233, 2107234, 2107235, 2107236 du 18 février 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a annulé les décisions fixant le pays de destination et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par ordonnance du 19 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., M. H..., son époux, et leurs deux enfants, tous de nationalité vénézuélienne, sont entrés en France le 15 novembre 2018 et ont sollicité l'asile. L'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes par des décisions du 28 janvier 2021, confirmées par une décision de la cour nationale du droit d'asile du 30 septembre 2021. Par quatre arrêtés du 19 novembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par une première requête, le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement du 18 février 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a annulé les décisions fixant le pays de destination et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros. Par une seconde requête, il demande le sursis à exécution de ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions fixant le pays de destination et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées nos 22TL20762 et 22TL20763, présentées par le préfet de la Haute-Garonne, présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment des nombreux articles de presse et témoignages concordants versés à l'instance devant le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif, dont celui de l'ancien maire de Maturin, désormais en exil, et de deux anciennes directrices de cette municipalité, également exilées, permettent de tenir pour établi, d'une part, que la mairie de Maturin a été dirigée de 2014 à 2016 par un maire d'opposition, d'autre part, que M. H... a fait partie de l'équipe de direction de cette municipalité durant cette période, que la mairie a été prise par violence le 29 septembre 2016 par un groupe armé proche du pouvoir et, enfin, qu'à cette occasion M. H... a quitté ses fonctions sous la menace des armes. En outre, les déclarations des requérants devant le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse lors de l'audience du 4 février 2022 quant à l'actualité des menaces dont ils feraient l'objet en cas de retour au Venezuela sont corroborées par des témoignages concordants, dont celui de l'ancien maire de Maturin, établi en avril 2021, qui décrit M. H... comme un " ennemi et objectif politique du régime " ou encore celui d'un député de l'assemblée vénézuélienne, du 23 janvier 2022, dont il ressort que M. H... a eu accès, dans le cadre de ses fonctions, à des informations sur des vols commis par l'ancien maire de Maturin, dirigeant du parti socialiste uni du Venezuela, et que sa sécurité ne peut donc plus être garantie au Venezuela. Ainsi, Mme D... B... et MM. H... établissent qu'ils encourent des risques graves pour leur sécurité en cas de retour au Venezuela.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé ses arrêtés du 19 novembre 2021 en tant qu'ils ont fixé le Venezuela comme pays de renvoi et a mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la demande de sursis à exécution :

6. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

7. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer.

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 22TL20762 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22TL20763 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. G... H..., Mme I... D... B..., M. F... H... et M. E... H....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

Mme Fabien, présidente assesseure,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022.

Le rapporteur,

V. C...

Le président,

A. Barthez Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22TL20762, 22TL20763


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 15/09/2022
Date de l'import : 25/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 22TL20762
Numéro NOR : CETATEXT000046307843 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-15;22tl20762 ?
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