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25/05/2022 | FRANCE | N°20TL20452

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 25 mai 2022, 20TL20452


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Chimirec Socodeli a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le maire de Muret a retiré le permis de construire n° PC031039517M054 qui lui avait été accordé le 29 septembre 2017 pour la construction de deux auvents et le réaménagement d'un site de traitement de déchets industriels.

Par un jugement n° 1800908 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Chimirec Socodeli a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le maire de Muret a retiré le permis de construire n° PC031039517M054 qui lui avait été accordé le 29 septembre 2017 pour la construction de deux auvents et le réaménagement d'un site de traitement de déchets industriels.

Par un jugement n° 1800908 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2020 sous le n° 20BX00452 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 20TL20452 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et des mémoires, enregistrés le 7 juin 2021 et le 8 février 2022, la commune de Muret, représentée par la SCP Bouyssou et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 décembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Chimirec Socodeli en première instance ;

3°) de mettre à la charge de la société Chimirec Socodeli une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Toulouse a méconnu le principe du contradictoire en se fondant sur l'étude d'impact non communiquée aux parties et non sur le seul résumé technique produit ;

- l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'erreur d'appréciation dès lors que le permis de construire octroyé méconnaissait les dispositions de l'article UF 2-2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ;

- l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'erreur de droit dès lors qu'elle était en situation de compétence liée pour retirer le permis de construire qui méconnaissait les règles du plan local d'urbanisme ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas le principe du contradictoire protégé par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors qu'il y avait urgence à procéder au retrait du permis de construire ;

- l'arrêté attaqué est suffisamment motivé.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 septembre 2020, le 17 septembre 2021 et le 21 février 2022, la société Chimirec Socodeli conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Muret une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Toulouse ne méconnaît pas le principe du contradictoire ;

- les autres moyens soulevés par la commune de Muret ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bonnel, représentant la commune de Muret, et de Me Blazy, représentant la société Chimirec Socodeli.

Considérant ce qui suit :

1. La société Chimirec Socodeli a présenté, le 24 mai 2017, une demande de permis de construire en vue d'édifier deux auvents et de réaménager un site anciennement exploité pour le négoce de produits chimiques, sur un terrain situé boulevard du Grand Castaing, dans la zone industrielle Sans Souci de la commune de Muret. Par un arrêté du 29 septembre 2017, le maire de Muret a accordé le permis de construire sollicité. Par un arrêté du 27 décembre 2017, notifié le 28 décembre suivant, il a retiré ce permis de construire. La commune de Muret relève appel du jugement en date du 6 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté du 27 décembre 2017.

Sur la régularité du jugement

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Le caractère contradictoire de l'instruction fait obligation de communiquer à toutes les parties l'ensemble des mémoires et pièces soumis au débat contradictoire. Ne sont toutefois pas soumis à une telle exigence les répliques et autres mémoires, observations ou pièces par lesquels les parties se bornent à réitérer des éléments de fait ou de droit qu'elles ont antérieurement fait valoir au cours de la procédure. Il résulte de la lecture du jugement du tribunal que, pour estimer que l'arrêté en date du 27 décembre 2017 portant retrait du permis de construire du 29 septembre 2017 est entaché d'une erreur d'appréciation, les premiers juges ne se sont pas appuyés sur l'étude d'impact qui n'a pas été soumise au débat contradictoire par les parties mais sur les conclusions du commissaire enquêteur de décembre 2017, lesquelles ont été communiquées à la commune de Muret avec la requête introductive d'instance de la société Chimirec Socodeli. En outre, l'ensemble des mémoires et pièces produits par les parties a été communiqué par le tribunal administratif à la partie adverse. La commune de Muret n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 6 décembre 2019 serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement

3. L'article L. 424-5 du code de l'urbanisme prévoit que le permis de construire ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision et que, passé ce délai, il ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. Aux termes de l'article UF2-2 du règlement de plan local d'urbanisme de Muret : " Occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières (...) 2 - Les installations classées pour la protection de l'environnement ne sont autorisées qu'à la condition qu'elles soient compatibles avec le milieu environnant et nécessaires à la vie du quartier et de la cité. ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles (...) ". Il résulte des dispositions précitées que, sauf cas de fraude, un retrait de permis de construire ne peut intervenir que dans un délai de trois mois suivant la date de délivrance du permis de construire et s'il est illégal. En outre, sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, un permis de construire ne peut être retiré sans qu'ait été préalablement respectée la procédure contradictoire.

4. Pour prendre l'arrêté du 27 décembre 2017 retirant le permis de construire initialement accordé à la société par arrêté du 29 septembre 2017, le maire de Muret s'est fondé sur la circonstance que le type de déchets stockés sur le site dans le cadre du projet de réaménagement n'était ni compatible avec le milieu environnant, ni nécessaire à la vie du quartier en méconnaissance des dispositions de l'article UF2-2 du règlement de plan local d'urbanisme de la commune. Pour annuler cet arrêté, le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur les motifs tirés de ce qu'il méconnaît le principe du contradictoire prévu à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et qu'il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article UF2-2 du règlement de plan local d'urbanisme de la commune.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la commune de Muret a invité la société Chimirec Socodeli, par courrier en date du 21 décembre 2017, notifié le 26 décembre 2017, à présenter ses observations sur la décision de retrait du permis de construire qu'elle envisageait de prendre. Toutefois, elle a édicté ce retrait dès le 27 décembre 2017. Si elle se prévaut du fait qu'elle n'aurait eu connaissance de l'impact de l'activité de la société Chimirec Socodeli sur l'environnement, et donc de l'illégalité de ce permis de construire, qu'à la suite de la remise du rapport du commissaire enquêteur dans le cadre de la demande déposée par la société Chimirec Socodeli au titre des installations classées pour l'environnement, il ressort des pièces du dossier et notamment du résumé non technique de l'étude d'impact joint à la demande de permis de construire en date du 24 mai 2017 et du courrier de la commune de Muret en date du 10 mai 2017 que cette dernière était informée du projet de la société de construire une installation classée pour l'environnement de tri, de stockage et de revalorisation de produits dangereux sur son site de Muret avant même la remise du rapport du commissaire-enquêteur en décembre 2017. Dans ces conditions, la situation d'urgence lui étant imputable, la commune de Muret ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir du terme du délai légal de trois mois pour le retrait du permis de construire visé aux dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme pour justifier d'une urgence à procéder au retrait du permis de construire au sens de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. En outre, la commune n'était pas dans une situation de compétence liée dès lors que l'appréciation de la conformité du projet aux dispositions précédemment citées de l'article UF2-2 du règlement du plan local d'urbanisme nécessite une appréciation des faits de l'espèce. Ainsi, l'arrêté en date du 27 décembre 2017 par lequel la commune de Muret a retiré le permis de construire de la société Chimirec Socodeli a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire prévu par les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.

6. En deuxième lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment des conclusions du commissaire-enquêteur de décembre 2017 que le projet de la société Chimirec Socodeli de construire une installation de stockage et tri de produits dangereux est de nature à répondre à une demande locale, dans le cadre d'une " économie circulaire ", une partie des clients de cette société étant des producteurs de déchets dangereux installés en Haute-Garonne, lesquels envoient ces déchets dangereux pour traitement dans le site de la société à Carcassonne. D'autre part, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la seule présence de déchets dangereux ne saurait exclure par principe toute compatibilité du site avec son milieu environnant au sens des dispositions de l'article UF2-2 précité du règlement du plan local d'urbanisme. Il ressort en effet des pièces du dossier que la zone concernée est une zone à dominante d'activités artisanales et industrielles, dans laquelle sont déjà implantées des installations classées pour la protection de l'environnement et une installation " Seveso " de basse intensité. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des conclusions du commissaire enquêteur de décembre 2017, que l'activité de la société Chimirec Socodeli aggraverait la pollution existante ou serait nuisible pour la faune et la flore répertoriées sur le site. Si ce dernier a émis l'hypothèse de la présence potentielle d'huile renfermant des polychlorobiphényles sur ce site, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté en date du 1er juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a autorisé la société Chimirec Socodeli à exploiter une installation classée pour l'environnement, que cette dernière utilise de tels produits pour le traitement des déchets dangereux. Ainsi, et alors même que le site se situe à proximité immédiate d'un restaurant, de deux hôtels, d'une entreprise qui accueille de nombreux salariés, et du 3ème régiment du matériel, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'activité de la société Chimirec Socodeli serait incompatible avec le milieu environnant et ne serait pas nécessaire à la vie du quartier et de la cité. Dans ces conditions, l'arrêté du 27 décembre 2017 du maire de Muret est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article UF2-2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

7. En dernier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 6 que le permis de construire en date du 29 septembre 2017 n'était pas illégal. Contrairement à ce qu'elle soutient, la commune de Muret n'était donc pas en situation de compétence liée pour procéder à son retrait sur le fondement de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Muret n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté de son maire en date du 27 décembre 2017 portant retrait du permis de construire en date du 29 septembre 2017 accordé à la société Chimirec Socodeli.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Chimirec Socodeli, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la commune de Muret au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Muret la somme de 2 000 euros à verser à la société Chimirec Socodeli au titre de ces mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Muret est rejetée.

Article 2 : La commune de Muret versera à la société Chimirec Socodeli une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Muret et à la société Chimirec Socodeli.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

Mme Fabien, présidente assesseure,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2022.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

A. Barthez Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

N°20TL20452


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL20452
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Régime d'utilisation du permis - Retrait du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-05-25;20tl20452 ?
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