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26/01/2023 | FRANCE | N°22PA03952

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 janvier 2023, 22PA03952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 juin 2022 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2214055/8 du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 23 juin 2022 du préfet de police et a enjoint à ce dernier de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de trois mois.

Procédure devant la cour :

Par une re

quête enregistrée le 25 août 2022, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler le jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 juin 2022 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2214055/8 du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 23 juin 2022 du préfet de police et a enjoint à ce dernier de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de trois mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 août 2022, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2214055/8 du 27 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A... dès lors, d'une part, qu'il est impossible d'établir avec certitude le lien de famille, la réalité et l'intensité des liens avec la personne que ce dernier a désignée comme sa sœur et d'autre part qu'il n'est pas justifié, par les pièces produites, que cette personne aurait effectivement porté assistance et hébergé M. A... ; enfin, M. A..., ne justifie d'aucune circonstance d'une particulière gravité qui imposerait son maintien en France ;

- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a, sur sa proposition, dispensé la rapporteure publique de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant yéménite né le 1er janvier 1999, est entré irrégulièrement en France le 13 mai 2022 et a sollicité, le 24 mai 2022, son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 23 juin 2022, le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités allemandes. Par un jugement du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint à l'autorité précitée de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale. Le préfet de police relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit ". L'article 2 du même règlement dispose que : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) g) " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, / - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national, / - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel cet adulte se trouve, / - lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel le bénéficiaire se trouve (...) ".

3. Pour annuler l'arrêté du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a estimé que le préfet de police avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A... dès lors que la sœur de ce dernier, bénéficiaire de la protection subsidiaire, est placée sous récépissé d'une demande de carte de séjour valable jusqu'au 13 juin 2022 et réside en France depuis 2010 avec ses enfants et son époux en situation régulière à la date de l'arrêté, et qu'elle lui apporte une aide matérielle et affective. Toutefois, d'une part, il résulte des dispositions précitées que les frères et sœurs d'un demandeur d'asile ne sont pas regardés comme un " membre de la famille " au sens et pour l'application des dispositions de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. D'autre part, la circonstance que la sœur du requérant l'héberge depuis son entrée sur le territoire national ne saurait suffire à établir l'existence d'une vie privée et familiale stable de M. A... en France. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé pour ces motifs son arrêté du 23 juin 2022.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

5. En premier lieu, en application des dispositions de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

6. L'arrêté du 23 juin 2022, par lequel le préfet de police a décidé le transfert de M. A... aux autorités allemandes vise notamment le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il indique qu'" il ressort de la comparaison des empreintes digitales de M. A... au moyen du système Eurodac, effectuée conformément au règlement n° 603/2013 [...], que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités allemandes le 11 mai 2022", puis que " les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à la situation de M. C... A..., qu'en conséquence, au regard des articles 3 et 18 (1) (b), les autorités allemandes doivent être regardées comme étant responsables de la demande d'asile de M. C... A... " et qu'enfin, ces autorités, après avoir été saisies sur ce fondement, " ont accepté leur responsabilité par un accord en date du 2 juin 2022 ". Par ailleurs, le préfet de police a précisé que " l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. C... A... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ". Ainsi, cet arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont de nature à permettre à l'intéressé de comprendre le critère retenu pour la détermination de l'État responsable de sa demande d'asile.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l'arrêté du 23 juin 2022, que la situation de M. A... a fait l'objet d'un examen personnalisé.

8. En dernier lieu, en se bornant à faire état de la présence en France de sa sœur, alors même qu'il est constant qu'il ne justifie que d'une très faible durée de présence sur le territoire français, M. A... n'apporte pas la preuve de l'intensité d'attaches stables et durables sur le territoire français. Il s'ensuit que la décision de transfert attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 juin 2022. Il y a lieu dès lors d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2214055/8 du 27 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Isabelle Marion, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.

La rapporteure,

G. B...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

É. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03952
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-26;22pa03952 ?
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