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24/01/2023 | FRANCE | N°21PA02695

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 janvier 2023, 21PA02695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 499 635,30 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de sa prise en charge à l'hôpital Tenon du 13 au 21 novembre 2017.

Par un jugement n° 1915772/6-2 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 mai 2021, l

e 22 octobre 2021 et le

3 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Rodrigue-Moriconi, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 499 635,30 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de sa prise en charge à l'hôpital Tenon du 13 au 21 novembre 2017.

Par un jugement n° 1915772/6-2 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 mai 2021, le 22 octobre 2021 et le

3 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Rodrigue-Moriconi, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1915772/6-2 du 12 mars 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) à titre principal, d'ordonner une expertise médicale ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 500 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'hôpital Tenon est engagée en raison des fautes médicales commises lors de l'intervention chirurgicale subie le 13 novembre 2017, qui ont conduit à une aggravation des douleurs liée à son endométriose ;

- la responsabilité de l'hôpital Tenon est engagée en raison de l'origine nosocomiale de l'infection qu'elle a contractée à la suite de cette intervention ;

- il y a lieu d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer les manquements commis dans sa prise en charge et d'évaluer l'étendue de ses préjudices ;

- subsidiairement, il y a lieu d'indemniser les préjudices qu'elle a subis en lien avec sa prise en charge hospitalière à hauteur de 500 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2022, l'AP-HP conclut au rejet de la requête, ou à titre subsidiaire, à ce que les prétentions indemnitaires de Mme B... soient ramenées à de plus justes proportions.

Elle soutient que :

- la prise en charge de Mme B... au sein de l'hôpital Tenon a été conforme aux règles de l'art ;

- il n'est pas établi que l'intéressée aurait contracté une infection nosocomiale lors de l'intervention ; en tout état de cause, il n'est pas démontré l'existence de préjudices en lien avec cette infection ;

- la mesure d'expertise médicale sollicitée est dès lors dépourvue d'utilité.

Par ordonnance du 21 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 5 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 novembre 2017, Mme B..., alors âgée de vingt-cinq ans et atteinte d'une endométriose profonde, a subi une intervention sous cœlioscopie à l'hôpital Tenon, établissement relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), consistant en une résection du torus utérinum et des ligaments utéro-sacrés associée à une colpectomie partielle. Au cours de cette intervention, l'intéressée a présenté un trouble hémodynamique corrigé par l'administration de médicaments. Dans les suites opératoires immédiates, une détresse respiratoire aigüe a été constatée nécessitant son transfert en service de réanimation puis dans le service de cardiologie de l'hôpital Saint-Antoine le 15 novembre suivant afin de réaliser des explorations complémentaires. Le 16 novembre, une IRM avec produit de contraste a alors été initiée mais n'a pu être mené à son terme du fait de l'apparition d'un œdème des lèvres et des paupières ainsi que d'une éruption cutanée. Parallèlement, Mme B... a souffert d'une infection urinaire du fait de la pose d'une sonde urinaire consécutive à son intervention. L'intéressée a ainsi demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'AP-HP à l'indemniser des préjudices subis lors de sa prise en charge hospitalière. Par un jugement du

12 mars 2021, dont Mme B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation. Si une médiation est engagée, il en informe la juridiction. Sous réserve des exceptions prévues par l'article L. 213-2, l'expert remet son rapport d'expertise sans pouvoir faire état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation. ".

3. Mme B... soutient que sa prise en charge hospitalière n'a pas été adaptée et que les douleurs liées à son endométriose se sont aggravées à la suite de l'intervention chirurgicale réalisée le 13 novembre 2017 nécessitant une nouvelle opération à la clinique privée des peupliers le 20 novembre 2019. En outre, il résulte de l'instruction que Mme B... a présenté une infection urinaire à Klebsiella pneunomiae lors de sa prise en charge à l'hôpital Tenon qui a été, selon l'intéressée, à l'origine de douleurs persistantes pendant plusieurs mois.

4. L'état du dossier, qui ne comprend aucune expertise médicale, ne permet pas à la cour de se prononcer sur l'origine et la cause des douleurs dont fait état Mme B..., ni sur l'existence des fautes médicales et de l'infection nosocomiale dont se prévaut la requérante, ni enfin sur l'existence et l'étendue des préjudices qui ont pu en résulter. Dans ces conditions, l'expertise sollicitée en appel par la requérante est utile et ne présente pas de caractère frustratoire ou dilatoire. Par suite, il y a lieu, avant de statuer sur la requête de Mme B..., d'ordonner une expertise aux fins précisées ci-après.

D E C I D E :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de Mme B..., procédé à une expertise médicale.

Article 2 : L'expert sera désigné par la présidente de la cour ; il aura pour mission de :

1°) prendre connaissance de l'entier dossier médical de Mme B..., notamment de tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics pratiqués lors de sa prise en charge à l'hôpital Tenon et à l'hôpital Saint-Antoine ; de convoquer et entendre les parties et tous sachants ; de procéder à l'examen médical de Mme B... ;

2°) décrire l'état de santé de Mme B... lorsqu'elle a été admise à l'hôpital Tenon avant l'intervention du 13 novembre 2017 ainsi que les conditions dans lesquelles elle a été prise en charge et soignée, notamment les traitements médicamenteux et les soins administrés, tant au sein de l'hôpital Tenon que de l'hôpital Saint-Antoine ;

3°) relater les circonstances dans lesquelles est survenu le dommage corporel subi par Mme B..., de décrire les lésions initiales, leurs suites immédiates et leur évolution ;

4°) dire si, à partir des constats qui précèdent, il y a eu manquement ou négligence dans l'organisation ou le fonctionnement d'un ou plusieurs services et/ou un ou plusieurs manquements au respect des règles de l'art dans l'établissement du diagnostic, le délai et l'exécution des traitements, l'accomplissement des soins et les investigations accomplies ; l'expert précisera si l'intervention du 13 novembre 2017 a été réalisée conformément aux règles de l'art, notamment au regard du trouble hémodynamique et de la détresse respiratoire intervenus lors de l'opération et dans ses suites immédiates ; l'expert indiquera également si l'absence de résection intestinale au cours de cette intervention était conforme aux données acquises de la science ;

5°) dire si Mme B... a été victime d'un accident médical et préciser si les conséquences de l'acte médical sont notablement plus graves que celles auxquelles la patiente était exposée par sa pathologie en l'absence de traitement et si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ;

6°) dire si Mme B... a été victime d'une infection nosocomiale et préciser son origine, son évolution et si sa prise en charge a été conforme aux règles de l'art ;

7°) donner son avis sur le point de savoir si le dommage corporel constaté présente un lien de causalité direct, certain et exclusif avec un manquement imputable à l'hôpital Tenon ou à l'hôpital Saint-Antoine, ou avec un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soin, en excluant la part des séquelles à mettre en relation avec la pathologie initiale et son évolution ou avec toute autre cause étrangère à la prise en charge de Mme B... par ces établissements ; dans le cas où le dommage trouverait son origine dans plusieurs causes distinctes, indiquer précisément comment ces différentes causes sont intervenues dans sa survenance ainsi que la part du dommage qui est imputable à chacune d'elle ;

8°) donner son avis sur le point de savoir si le ou les manquements éventuellement constatés ont fait perdre à Mme B... une chance de voir son état de santé s'améliorer ou d'éviter de le voir se dégrader ; dans cette hypothèse, quantifier la perte de chance ;

9°) dire si l'état de santé de Mme B... est consolidé et, le cas échéant, fixer la date de consolidation ; dans l'hypothèse où l'état de santé de l'intéressée ne serait pas consolidé, fixer l'échéance à l'issue de laquelle elle devra à nouveau être examinée ;

10°) décrire la nature et l'étendue des préjudices résultant de la prise en charge hospitalière de Mme B..., non imputables à son état antérieur ni aux conséquences prévisibles de sa prise en charge médicale par l'hôpital Tenon et l'hôpital Saint-Antoine si celle-ci s'était déroulée normalement, en distinguant les préjudices patrimoniaux (en particulier, dépenses de santé déjà engagées et futures, frais liés au handicap dont le cas échéant frais d'assistance par tierce personne, pertes de revenus, incidence professionnelle du dommage, autres dépenses liées au dommage corporel) et les préjudices extrapatrimoniaux (en particulier, déficit fonctionnel, souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice d'agrément, préjudice sexuel) et, pour chaque poste de préjudice, les préjudices temporaires avant consolidation et les préjudices permanents après consolidation ;

Article 3 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre Mme B...,

l'AP-HP, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne. L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit et déposera son rapport dans le délai fixé par la présidente de la cour dans la décision le désignant.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme D..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 2 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.

La rapporteure,

G. C...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02695


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle DÉGARDIN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : TSOUDEROS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 24/01/2023
Date de l'import : 29/01/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21PA02695
Numéro NOR : CETATEXT000047054802 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-24;21pa02695 ?
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