Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans l'espace Schengen.
Par un jugement n° 2003713 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juin 2021, M. A..., représenté par Me Berdugo, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 6 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 19 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois, ou à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de quinze jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas suffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- cet arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet n'a pas sollicité la production du formulaire de demande d'autorisation de travail, en méconnaissance des articles L. 114-5 et L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet a entaché la procédure d'irrégularité en ne saisissant pas la commission du titre de séjour, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté attaqué est fondé sur des faits matériellement inexacts dès lors, d'une part, qu'il est divorcé et que ses enfants séjournant en Égypte sont majeurs et, d'autre part, qu'il disposait de quinze bulletins de paie à la date du refus de titre de séjour ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale, le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... ;
- et les observations de Me Petit, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant égyptien né le 3 février 1972, déclare être entré en France le 28 avril 2006. Par un arrêté du 19 février 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans l'espace Schengen. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 6 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Surles conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-14, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article
L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
3. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a notamment relevé, pour fonder l'arrêté attaqué, que M. A... ne justifiait pas de sa résidence habituelle sur le territoire français entre 2008 et 2012 et entre 2015 et 2018. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande, l'intéressé a produit en première instance de nombreuses copies de documents, variés et émanant d'institutions publiques ou d'organismes et personnes privés. Au titre de l'année 2010, il a ainsi fourni un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie du mois de septembre 2010, un avis d'imposition sur les revenus de 2009, un contrat avec la société Orange, un courrier de La Banque Postale, une facture de la société Orange, une attestation d'aide médicale d'État et un courrier " Solidarité Transport ". En ce qui concerne l'année 2011, M. A... a produit une facture de la société Orange pour l'achat d'un téléphone au mois de janvier 2011, une ordonnance médicale, une carte d'aide médicale d'État et un courrier " Solidarité Transport ". Au titre de l'année 2012 sont produits un avis d'imposition sur les revenus de 2011, deux ordonnances médicales, un compte-rendu radiologique, un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie, une carte d'aide médicale d'État, un courrier " Solidarité Transport " et un décompte de remboursement de frais médicaux. Par ailleurs, s'agissant de l'année 2015, le requérant a fourni deux avis d'imposition sur les revenus de 2014 et de 2013, un compte-rendu d'analyses médicales, une notification de jugement du tribunal administratif de Montreuil, une ordonnance médicale, une carte d'aide médicale d'État et un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie. Au titre de l'année 2016, l'intéressé a produit un avis d'imposition sur les revenus de 2015, une ordonnance médicale, une carte d'aide médicale d'État, un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie et une attestation de dépôt de dossier en préfecture. Enfin, en ce qui concerne l'année 2017 sont produites trois ordonnances médicales, un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie et un courrier du service des impôts. Les pièces produites au titre de l'année 2018 sont également nombreuses et probantes. L'ensemble de ces pièces est de nature à justifier, contrairement à ce qu'ont indiqué le préfet de la Seine-Saint-Denis et les premiers juges, que M. A... a fixé sa résidence habituelle sur le sol français depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté.
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé le bénéficiaire d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
5. La consultation obligatoire de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d'un étranger et constitue pour ce dernier une garantie substantielle. Dès lors que M. A... justifiait résider habituellement depuis plus de dix ans sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué, le préfet de la Seine-Saint-Denis était tenu de saisir cette commission pour avis. En l'absence d'une telle consultation, l'intéressé a été privé d'une garantie. Par suite, l'arrêté litigieux, intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, est entaché d'illégalité.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande, et que l'arrêté du 19 février 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis doit être annulé en toutes ses dispositions.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. L'annulation de l'arrêté en litige, qui n'implique pas nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. A... le titre de séjour sollicité, implique en revanche qu'il se prononce à nouveau sur la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par l'intéressé. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de M. A... et de prendre une nouvelle décision au regard des circonstances de droit et de fait prévalant à la date de cette dernière décision, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de délivrer à l'intéressé, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2003713 du 6 mai 2021 du tribunal administratif de Montreuil, ainsi que l'arrêté du 19 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans l'espace Schengen, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de M. A... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.
La rapporteure,
G. B...La présidente,
M. C...La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA03218 2