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09/06/2022 | FRANCE | N°21PA04262

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 09 juin 2022, 21PA04262


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée le 3 septembre 2019 sous le n° 1907884,

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du

5 juillet 2019 par laquelle le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France a prononcé sa radiation administrative du tableau de l'ordre des architectes, ensemble la décision par laquelle le ministre de la culture a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé le 18 juillet 2019.

Par une demande enregistrée le 2

9 août 2019, transmise au Tribunal administratif de Melun par une ordonnance du 9 septembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée le 3 septembre 2019 sous le n° 1907884,

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du

5 juillet 2019 par laquelle le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France a prononcé sa radiation administrative du tableau de l'ordre des architectes, ensemble la décision par laquelle le ministre de la culture a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé le 18 juillet 2019.

Par une demande enregistrée le 29 août 2019, transmise au Tribunal administratif de Melun par une ordonnance du 9 septembre 2019 du président du Tribunal administratif de Paris et enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Melun sous le n° 1908191, M. B... a demandé l'annulation de la décision du 5 juillet 2019 du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France prononçant sa radiation administrative du tableau de l'ordre des architectes.

Par un jugement n°s 1907884, 1908191 du 8 juin 2021, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision par laquelle le ministre de la culture a implicitement confirmé la décision du 5 juillet 2019 du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France prononçant la radiation administrative de M. B... du tableau de l'ordre des architectes et a enjoint au conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France de procéder à son inscription au tableau de l'ordre des architectes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 juillet et 29 septembre 2021, la ministre de la culture demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1907884, 1908191 du 8 juin 2021 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Melun.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal ne lui a pas communiqué la procédure de la demande de M. B... enregistrée sous le n° 1908191, ni le mémoire présenté par M. B... le 9 avril 2021 qui devait comporter des éléments nouveaux et décisifs de nature à emporter la conviction de la formation de jugement en faveur de l'intéressé puisque, avant l'enregistrement de ce mémoire, le sens des conclusions du rapporteur public était au rejet de la requête ;

- le jugement n'est pas signé en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la décision de radiation de M. B... du tableau de l'ordre des architectes n'est pas fondée sur des motifs disciplinaires, mais sur l'article 10 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 et le défaut de présentation par l'intéressé des garanties de moralité nécessaires à l'exercice de la profession d'architecte, M. B... ayant utilisé irrégulièrement le titre d'architecte alors qu'il était suspendu pour des motifs disciplinaires et connaissait les effets d'une mesure de suspension ;

- le conseil régional de l'ordre des architectes s'est borné à constater de manière objective que M. B... avait maintenu son activité alors qu'il était suspendu du tableau de l'ordre des architectes pour des motifs disciplinaires, ce que l'intéressé a au demeurant lui-même reconnu ;

- une substitution de motifs peut être opérée sur le fondement du non-respect par M. B... de la période de suspension du tableau de l'ordre des architectes ;

- elle était fondée à confirmer pour " perte des garanties de moralité " la décision par laquelle le conseil régional de l'ordre des architectes a radié M. B... du tableau .

Par un mémoire en intervention enregistré le 22 novembre 2021, le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France, représenté par Me Bernier, conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de radiation administrative de M. B... du tableau de l'ordre des architectes n'est pas une sanction disciplinaire dont le prononcé est uniquement réservé aux chambres régionales de discipline des architectes et à la chambre nationale de discipline des architectes ; cette décision est en effet fondée sur " l'absence des garanties de moralité " de l'intéressé qui a utilisé irrégulièrement le titre d'architecte et ce motif peut fonder une radiation administrative du tableau en application de l'article 55 du règlement intérieur du conseil national de l'ordre des architectes ;

- la décision de radiation administrative a été prise au regard des deux décisions de sanctions disciplinaires antérieures rendues à l'encontre de M. B... et sur le fait que celui-ci a exercé son activité d'architecte alors qu'il était soumis à une période de suspension ; elle est ainsi justifiée au regard du comportement de l'intéressé.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Desgardin, conclut au rejet de la requête de la ministre de la culture et des conclusions présentées par le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France et conclut à ce que soit mis à la charge de la ministre de la culture et du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France le versement de la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la ministre de la culture et le conseil régional de l'ordre des architectes ne sont pas fondés ;

- sa situation n'entre dans aucun des cas énumérés par l'article 55 du règlement intérieur ; par suite, le conseil régional de l'ordre des architectes ne pouvait pas légalement prendre une décision de radiation administrative du tableau de l'ordre régional des architectes d'Ile-de-France ;

- la décision de radiation en litige est entachée d'un détournement de procédure dès lors qu'elle prononce une sanction disciplinaire ;

- le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France n'est pas compétent pour prononcer une sanction disciplinaire qui relève de la compétence exclusive de la chambre régionale de discipline ;

- la procédure prévue par le décret du 28 décembre 1977 n'a pas été mise en œuvre et les droits de la défense ont été méconnus ;

- il n'a pas exercé la profession d'architecte pendant la période pendant laquelle il a été suspendu ;

- la sanction du 9 mai 2017 a été rendue à l'issue d'une procédure irrégulière et pouvait faire l'objet d'un appel au moment où le conseil régional de l'ordre des architectes a prononcé sa radiation ;

- la demande de substitution de motifs ne peut qu'être écartée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 ;

- le décret n° 77-1481 du 28 décembre 1977 ;

- l'arrêté du 18 mai 2017 portant modification de l'arrêté du 19 avril 2010 portant approbation du règlement intérieur du conseil national de l'ordre des architectes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Desgardin, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est inscrit au tableau régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France depuis juin 2000. Par une décision du 5 juillet 2019, notifiée le 13 juillet suivant, le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France a procédé à sa radiation du tableau de l'ordre des architectes au motif qu'il ne remplissait plus les conditions de moralité nécessaires à l'exercice de sa profession. Le 18 juillet 2019, M. B... a formé un recours administratif à l'encontre de cette décision qui a été implicitement rejeté. Par un jugement du 8 juin 2021, le Tribunal administratif de Melun a, à sa demande, annulé la décision par laquelle la ministre de la culture a implicitement confirmé la décision du 5 juillet 2019 du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France prononçant sa radiation administrative et a enjoint au conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France de procéder à son inscription au tableau de l'ordre des architectes. La ministre de la culture relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces des dossiers de première instance que la demande de

M. B... transmise au Tribunal administratif de Melun par une ordonnance du

9 septembre 2019 du président du Tribunal administratif de Paris et enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Melun sous le n° 1908191 constitue en réalité le doublon de la demande de M. B... enregistrée par ce même tribunal le 3 septembre 2019 sous le

n° 1907884. Cependant, la demande enregistrée sous le n° 1908191 n'a pas été radiée des registres du greffe du tribunal et, contrairement à ce qui est mentionné dans les visas du jugement attaqué, cette demande n'a pas été communiquée à la ministre de la culture. Dans ces conditions, la ministre de la culture est fondée à soutenir que le jugement du Tribunal administratif de Melun du 8 juin 2021 est, pour ce motif, irrégulier et à en demander l'annulation.

3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués tirés de l'irrégularité du jugement, qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B..., présentée devant le Tribunal administratif de Melun.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France tirée de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre sa décision du

5 juillet 2019 :

4. Aux termes de l'article 23 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture : " Le conseil régional assure la tenue du tableau régional des architectes. Il procède à l'inscription des architectes après avoir vérifié qu'ils remplissent les conditions requises par la présente loi et ses textes d'application. Il procède à leur radiation si ces conditions cessent d'être remplies. Les refus d'inscription ou les décisions de radiation peuvent être frappés de recours devant le ministre chargé de la culture qui statue après avis du conseil national. Le ministre chargé de la culture peut annuler les décisions d'inscriptions irrégulières et radier du tableau régional les personnes qui auraient cessé de remplir les conditions requises. (...) ". Aux termes de l'article 21-2 du décret du 28 décembre 1977 sur l'organisation de la profession d'architecte : " Lorsque les conditions d'inscription au tableau ou à son annexe cessent d'être remplies, le conseil régional procède à la radiation de l'intéressé qui peut saisir le ministre chargé de la culture dans un délai de trente jours à compter du jour de la notification de la décision. Il informe le conseil régional de son recours dans les mêmes conditions. Le dossier complet, contenant toutes les pièces sur lesquelles la décision a été fondée, est immédiatement adressé par le conseil régional au conseil national. Le ministre se prononce par décision motivée ".

5. Il résulte de ces dispositions que le recours formé devant le ministre de la culture constitue un recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge administratif qui a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale et qu'elle est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité.

6. Il résulte des points 4 et 5 que la décision implicite de la ministre de la culture intervenue à la suite du recours administratif préalable formé le 18 juillet 2019 par M. B... contre la décision du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France du 5 juillet 2019 s'est substituée à cette dernière décision. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en première instance par le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France tirée de l'irrecevabilité des conclusions aux fins d'annulation de la décision du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France du 5 juillet 2019 doit être accueillie et ces conclusions rejetées comme irrecevables.

Sur la légalité de la décision implicite du ministre de la culture :

7. D'une part, aux termes de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1977 : " Sont inscrites, sur leur demande, à un tableau régional d'architectes les personnes physiques de nationalité française ou ressortissantes d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui jouissent de leurs droits civils, présentent les garanties de moralité nécessaires et remplissent l'une des conditions suivantes : / 1° Etre soit titulaire du diplôme d'Etat d'architecte ou d'un autre diplôme français d'architecte reconnu par l'Etat, et titulaire de l'habilitation de l'architecte diplômé d'Etat à l'exercice de la maîtrise d'œuvre en son nom propre délivrée par l'Etat, soit titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre étranger permettant l'exercice de la profession d'architecte et reconnu par l'Etat ; / 2° Etre titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre délivré par un Etat tiers, qui a été reconnu dans un Etat membre ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen et qui leur a permis d'exercer légalement la profession dans cet Etat pendant une période minimale de trois ans, à condition que cette expérience professionnelle soit certifiée par l'Etat dans lequel elle a été acquise ; (...) / 3° Etre reconnue qualifiée par le ministre chargé de la culture, après examen de l'ensemble des connaissances, qualifications et expérience professionnelles pertinentes au regard de celles exigées par les règles en vigueur pour l'accès à l'exercice de cette profession, lorsque le demandeur ne bénéficie pas des diplômes, certificats et autres titres listés dans les annexes V, point 5.7, et VI de la directive 2005/36/ CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. / Dans les cas mentionnés au 2° et au 3°, le ministre chargé de la culture peut exiger, pour l'inscription de l'intéressé au tableau de l'ordre, l'accomplissement d'une mesure de compensation ; / 4° Etre reconnue qualifiée par le ministre chargé de la culture sur présentation de références professionnelles établissant que la personne s'est particulièrement distinguée par la qualité de ses réalisations dans le domaine de l'architecture après avis d'une commission nationale. (...) ". Il résulte des dispositions de l'article 23 de la même loi, citées au point 4, que le conseil régional de l'ordre des architectes, qui assure la tenue du tableau régional des architectes, procède à l'inscription des architectes après avoir vérifié qu'ils remplissent les conditions requises par la présente loi et ses textes d'application ainsi qu'à leur radiation si ces conditions cessent d'être remplies.

8. Aux termes de l'article 55, intitulé " Radiation administrative ", du règlement intérieur de l'ordre des architectes, fixé par l'annexe de l'arrêté du 18 mai 2017 portant modification de l'arrêté du 19 avril 2010 portant approbation du règlement intérieur du conseil national de l'ordre des architectes : " Lorsque les conditions d'inscription au tableau ou à son annexe cessent d'être remplies, le conseil régional procède à la radiation administrative de l'intéressé. / a) Intervention de la radiation administrative. / Le conseil régional prend une décision de radiation de lui-même dans les cas suivants : - défaut de production d'attestation d'assurance dans le délai de régularisation imparti à l'intéressé suite à sa suspension administrative du tableau, de son annexe ou du registre des succursales, - invalidation du diplôme, du certificat ou titre reconnu, - perte des droits civils, - absence des garanties de moralité, - non-conformité des statuts d'une société d'architecture, d'une succursale ou d'une SPFPL, - décès, - départ sans laisser d'adresse ".

9. D'autre part, aux termes de l'article 27 de la loi du 3 janvier 1977 : " Une chambre régionale de discipline des architectes instituée au sein de chaque conseil régional exerce en première instance le pouvoir disciplinaire à l'égard des architectes. Elle est composée : / - d'un magistrat de l'ordre administratif, en activité ou honoraire, président de la chambre, désigné soit par le président de la cour administrative d'appel, lorsque la chambre a son siège dans le même département que la cour, le cas échéant sur proposition du président du tribunal administratif dans le ressort duquel la chambre a son siège si le président de la cour administrative d'appel entend nommer un membre de ce tribunal, soit par le président du tribunal administratif dans le ressort duquel la chambre a son siège ; / - de trois architectes désignés par le conseil régional de l'ordre des architectes, lors de chaque renouvellement de ce dernier. / Un suppléant est désigné dans les mêmes conditions pour chacun des membres de la chambre. / Les décisions de la chambre régionale de discipline sont rendues en formation collégiale, sous réserve des exceptions, déterminées par décret en Conseil d'Etat, tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger. Elles sont motivées. / La chambre régionale de discipline ne peut connaître des activités qu'un architecte exerce en qualité de fonctionnaire ou d'agent public non titulaire. L'action disciplinaire est engagée par des représentants de l'Etat ou par le conseil régional de l'ordre des architectes agissant soit d'office, soit à la requête de toute personne intéressée. (...) ". Aux termes de l'article 28 de la même loi : " I. - La chambre régionale de discipline des architectes peut prononcer les sanctions suivantes : (...) - radiation du tableau régional des architectes. La suspension ou la radiation privent l'intéressé de l'ensemble des droits attachés à l'inscription au tableau. (...) II. - Les décisions de la chambre régionale de discipline des architectes peuvent être déférées en appel à la Chambre nationale de discipline des architectes par l'architecte sanctionné, par les représentants de l'Etat ou par le conseil régional de l'ordre des architectes. La sanction prononcée par la chambre régionale de discipline ne peut être mise à exécution pendant le délai d'appel ni pendant la durée de l'instance devant la chambre nationale de discipline des architectes ".

10. Aux termes de l'article 56, intitulé " Radiation disciplinaire " du règlement intérieur de l'ordre des architectes : " Lorsque la décision de la chambre de discipline est devenue exécutoire, l'intéressé reçoit notification des dates d'exécution de cette décision. Une décision de chambre régionale de discipline est exécutoire et définitive lorsqu'elle n'a pas fait l'objet d'un appel dans le mois qui suit sa notification, ou lorsque l'appel a été rejeté par le président de la chambre nationale de discipline, par ordonnance motivée, en application de l'article 54 du décret n° 77- 1481 du 28 décembre 1977 ".

11. Il ressort des pièces du dossier que la radiation administrative du tableau de l'ordre des architectes de M. B... est fondée sur le motif qu'il ne présentait plus les garanties de moralité nécessaire à l'exercice de sa profession eu égard à la sanction de suspension du tableau de l'ordre des architectes pour une durée de trois mois avec sursis prononcée par la chambre nationale de discipline des architectes le 7 mars 2013, à la sanction de suspension de ce tableau pour une durée de trois mois ferme infligée le 9 mai 2017 par la chambre régionale de discipline des architectes et à la circonstance qu'en dépit de cette dernière sanction, qu'il ne pouvait ignorer, il a fait état de sa qualité d'architecte sur les plans d'une demande de permis de construire déposée le 25 juillet 2017 à la mairie d'Alfortville. Toutefois, ces motifs portent exclusivement sur la méconnaissance par M. B... de ses obligations déontologiques. Or, de tels motifs, qui procèdent nécessairement d'une appréciation de l'exercice par l'intéressé de sa profession d'architecte, ne peuvent donner lieu à une radiation administrative du tableau de l'ordre des architectes sur le fondement des articles 23 de la loi du 3 janvier 1977 et 55 du règlement intérieur du conseil national de l'ordre des architectes. Si les dispositions de l'article 55 du règlement intérieur du conseil national de l'ordre des architectes prévoient que le conseil régional de l'ordre des architectes peut prononcer une radiation administrative du tableau après avoir constaté que l'intéressé ne remplissait plus les " garanties de moralité ", ces dispositions ne sauraient être interprétées autrement que comme autorisant le conseil régional de l'ordre à procéder à une telle radiation après s'être borné à constater l'état de fait selon lequel les " garanties de moralité " de l'intéressé n'étaient plus remplies. En effet, seules la chambre régionale de discipline des architectes et, en appel, la chambre nationale de discipline des architectes sont compétentes pour connaître de la méconnaissance des obligations déontologiques des architectes et exercer le pouvoir disciplinaire à leur égard à l'issue d'une procédure garantissant notamment les droits de la défense. Si la ministre de la culture demande à la Cour de procéder à une substitution de motifs et de retenir comme fondement de la radiation de M. B... le motif tiré de la méconnaissance par celui-ci de la période de suspension du tableau prononcée par la chambre régionale de discipline des architectes le 9 mai 2017, ce motif, à le supposer établi, ne peut pas davantage donner lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés, à une radiation administrative du tableau. Dans ces conditions, la décision par laquelle la ministre de la culture a implicitement confirmé la décision du 5 juillet 2019 du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France prononçant la radiation administrative du tableau de l'ordre des architectes de M. B... est entachée d'illégalité.

12. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que doivent être rejetées les conclusions présentées en première instance par M. B... tendant à l'annulation de la décision du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France du 5 juillet 2019 et, d'autre part, que la décision par laquelle la ministre de la culture a implicitement confirmé la décision du

5 juillet 2019 du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France prononçant la radiation administrative de M. B... doit être annulée. Par suite, les conclusions de la ministre de la culture ainsi que celles présentées par le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France tendant au rejet de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. L'annulation par le présent arrêt de la décision en litige a pour effet de faire revivre la décision du 5 juin 2000 par laquelle le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de- France a inscrit M. B... au tableau de l'ordre. Il en résulte que les conclusions de

M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de- France de l'inscrire à nouveau au tableau de l'ordre doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'Etat et du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France une somme de 1 000 euros chacun à verser à

M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 1907884, 1908191 du 8 juin 2021 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La décision par laquelle la ministre de la culture a implicitement confirmé la décision 5 juillet 2019 du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France prononçant la radiation administrative de M. B... est annulée.

Article 3 : Les conclusions présentées devant le tribunal par M. B... tendant à l'annulation de la décision du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France du 5 juillet 2019 sont rejetées comme irrecevables.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la ministre de la culture est rejeté.

Article 5 : L'Etat et le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France verseront chacun à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la culture, à M. A... B... et au conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

La rapporteure,

V. C... Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04262


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04262
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : AARPI GIDE-LOYRETTE-NOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-09;21pa04262 ?
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