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28/04/2022 | FRANCE | N°21PA03484

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 28 avril 2022, 21PA03484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler son certificat de résidence et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 2006500 du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24

juin 2021, M. C... B..., représenté par Me Guillou, demande à la Cour :

1°) d'annuler le ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler son certificat de résidence et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 2006500 du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2021, M. C... B..., représenté par Me Guillou, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006500 du 4 juin 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- les premiers juges n'ont pas rouvert l'instruction à la suite de la note en délibéré produite le 10 mai 2021 ;

- la note en délibéré produite le 10 mai 2021 n'est pas visée ;

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- elle est entachée d'erreur de fait en ce qu'il justifie de quatre années d'études supérieures ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article D. 6113-19 du code du travail ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

S'agissant de la décision portant fixation du pays de destination :

- elle est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- et les observations de Me Guillou représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 13 mars 1992, est entré régulièrement sur le territoire français le 5 septembre 2017 sous couvert d'un visa D long séjour en qualité d'étudiant. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 22 janvier 2020. Il relève appel du jugement du 4 juin 2021 par lequel le tribunal de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 11 juin 2020 lui refusant le renouvellement de son certificat de résidence mention " étudiant ", lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier qu'une note en délibéré a été enregistrée pour M. B... le 10 mai 2021 au greffe du tribunal administratif de Montreuil. Cette note en délibéré n'a pas été visée par le jugement attaqué. Le jugement est donc irrégulier et doit, en conséquence, être annulé.

3. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de M. B... devant le tribunal administratif.

Sur la décision portant refus de séjour :

4. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-1067 du 29 avril 2019, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation de signature à Mme D... A..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les décisions portant séjour des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le titre III annexé à l'accord franco-algérien et précise que M. B..., qui s'est inscrit à deux reprises en Licence 3 au titre des années 2017/2018 et 2018/2019 ne justifie pas du caractère réel et sérieux de ses études en l'absence de progression et de résultats, et que, célibataire et sans charge de famille, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui le fondent quand bien même il ne mentionnerait pas tous les éléments relatifs à sa situation. Il est ainsi suffisamment motivé. Pour les mêmes motifs, il n'est entaché d'aucun défaut d'examen.

6. En troisième lieu, aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé applicable aux ressortissants algériens qui viennent en France : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention "étudiant" ou "stagiaire" ".

7. Pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'administration saisie d'une demande de renouvellement d'un certificat de résidence en qualité d'étudiant d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été inscrit au titre des années universitaires 2017/2018 et 2018/2019 en licence 3 Gestion au sein de l'Institut Economie et Gestion à l'Université Cergy-Pontoise et qu'il s'est inscrit, au cours de l'année 2019/2020, en Mastère 1 Stratégie et Communication 360° à Paris Ynov Campus. Toutefois, à la date de la décision attaquée, le 11 juin 2020, M. B... n'avait validé aucune année de formation depuis le début de ses études en France en 2017. S'il a finalement obtenu un diplôme à l'issue de l'année universitaire 2019/2020 et s'il se prévaut d'une attestation d'inscription en mastère 2 Stratégie et Communication 360° pour l'année universitaire 2020/2021, ces éléments, postérieurs à la décision attaquée, sont sans incidence sur sa légalité. Ainsi, en estimant que, compte tenu de ses deux échecs successifs en licence 3, M. B... ne justifiait pas, à cette date, d'une progression dans ses études, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du titre III annexé à l'accord franco-algérien doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article D. 6113-9 du code du travail : " I.- Le cadre national des certifications professionnelles comprend huit niveaux de qualification. Il précise la gradation des compétences associées à chacun de ces niveaux. (...) 6° Le niveau 7 atteste la capacité à élaborer et mettre en œuvre des stratégies alternatives pour le développement de l'activité professionnelle dans des contextes professionnels complexes, ainsi qu'à évaluer les risques et les conséquences de son activité. Les diplômes conférant le grade de master sont classés à ce niveau du cadre national ; (...) ".

10. Outre que M. B... a obtenu son Mastère postérieurement à la décision attaquée, les dispositions de l'article D. 6113-9 du code du travail ne sont pas au nombre de celles sur lesquelles se fonde une décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étudiant.

11. En cinquième lieu, la circonstance que la décision vise les stipulations de l'article 9 de l'accord précité ne l'entache pas d'une erreur de droit dès lors que le préfet a examiné la situation de l'intéressé sur le fondement des stipulations du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

12. En sixième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

13. Si M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis trois années et qu'il a noué des attaches privées, sa présence en France est consécutive à l'obtention d'un titre de séjour en qualité d'étudiant qui ne lui donne pas vocation à rester durablement en France. En outre, M. B... est célibataire, sans charge de famille et ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a ainsi pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision attaquée a été prise. Il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ni que le préfet aurait méconnu son pouvoir général d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte d'obligation de quitter le territoire et tiré de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté.

16. En deuxième lieu, dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la décision portant refus de séjour est suffisamment motivée, et que la décision portant obligation de quitter le territoire français prononcée sur son fondement n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit être écarté.

17. En dernier lieu, les moyens tirés l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 13 et 14 du présent arrêt.

Sur la décision fixant le pays de destination :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte fixant le pays de destination et tiré de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté.

19. En second lieu, le moyen tiré de l'impossibilité pour le requérant de retourner en Algérie où il ne possèderait plus ses attaches essentielles n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut dès lors qu'être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 11 juin 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2006500 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 avril 2022.

Le rapporteur,

JF. GOBEILLLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03484
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : GUILLOU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-28;21pa03484 ?
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