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28/04/2022 | FRANCE | N°21PA01614

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 28 avril 2022, 21PA01614


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2006936 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 mar

s 2021, Mme A... G... B..., représentée par Me Walther, demande à la Cour :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2006936 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 mars 2021, Mme A... G... B..., représentée par Me Walther, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006936 du 2 mars 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de travail sans délai ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnait les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision fixant son pays de destination :

- elle est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante sénégalaise née le 26 octobre 1981, est entrée régulièrement en France le 26 juillet 2015 sous couvert d'un visa de court séjour Schengen délivré par les autorités italiennes. Elle a obtenu un premier titre de séjour temporaire " vie privée et familiale ", valable du 16 novembre 2018 au 15 novembre 2019. Elle a sollicité le 2 décembre 2019 le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande par un arrêté du 6 juillet 2020, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 27 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 371-2 du code civil. Il précise que Mme B... ne remplit pas les conditions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne justifie pas que le père de l'enfant E... C... contribue effectivement à son entretien et à son éducation et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'elle est célibataire et qu'elle ne justifie pas d'une situation personnelle et familiale en France. La circonstance que l'arrêté du 6 juillet 2020 ne mentionne pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui ne constitue pas le fondement de la décision, n'est pas de nature à l'entacher d'un défaut de motivation. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui le fondent alors même que toutes les indications relatives à la situation privée et familiale de Mme B... n'y sont pas mentionnées. Dès lors, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de la situation individuelle de l'intéressée doivent être écartés comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L.114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations ". Mme B... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions, dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, non pas en raison de son caractère incomplet, mais au motif qu'elle n'établissait pas que les conditions de fond posées par cet article étaient remplies.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant : (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est la mère de l'enfant, E... C..., né le 30 avril 2018 à Paris et reconnu par M. C..., de nationalité française. Mme B... fait valoir que le père de l'enfant participe à son entretien et à son éducation. Elle se borne toutefois à produire une attestation stéréotypée et non circonstanciée de M. C..., des pièces justifiant de trois virements bancaires d'une valeur totale de 329 euros et des factures d'achats de vêtements pour enfant et de denrées alimentaires. Ces éléments, qui sont, à l'exception de trois factures d'achats ponctuelles d'octobre et novembre 2019 d'une valeur totale inférieure à 200 euros, postérieurs à la décision attaquée, sont dès lors insuffisants pour établir la contribution effective de M. C... à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil. Il s'ensuit que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". D'autre part, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Si Mme B... fait valoir qu'elle justifie en France de perspectives professionnelles, notamment parce qu'elle a débuté un certificat d'aptitude professionnelle " Accompagnement éducatif petite enfance ", cette formation est cependant postérieure à la décision attaquée. De plus, et ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... participe à l'entretien et à l'éducation de son fils E.... En outre, Mme B... n'apporte pas la preuve que son fils D..., âgé de huit mois à la date de la décision attaquée, entretiendrait des liens avec son père qui ne réside au demeurant pas régulièrement en France. Enfin, elle ne démontre pas que son fils F..., âgé de dix ans et présent sur le sol français depuis seulement trois ans à la date de la décision attaquée, ne pourrait pas poursuivre sa scolarité au Sénégal. Dès lors, compte tenu en outre du caractère récent de son entrée en France, de l'âge de ses enfants et alors qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis en refusant de lui délivrer un titre de séjour aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte d'obligation de quitter le territoire et tiré de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté.

9. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7.

10. En dernier lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que la décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte fixant le pays de destination et tiré de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté.

12. En deuxième lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'une méconnaissance des stipulations précitées.

13. En dernier lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que la décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 avril 2022.

Le rapporteur,

J.-F. GOBEILLLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01614


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : WALTHER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 28/04/2022
Date de l'import : 30/04/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21PA01614
Numéro NOR : CETATEXT000045724238 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-28;21pa01614 ?
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