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14/04/2022 | FRANCE | N°20PA01604

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 14 avril 2022, 20PA01604


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2016 par lequel le maire de F... a retiré l'arrêté du 7 juillet 2016 délivrant à M. et Mme B... un permis de construire une maison à usage d'habitation sur le fond de la parcelle cadastrée H... et située au I... et, d'autre part, de condamner la commune de F... à lui verser la somme globale de 97 025,14 euros, augmentée des intérêts à compter du 1er mars 2017 et de leur capitalisation, en répar

ation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2016 par lequel le maire de F... a retiré l'arrêté du 7 juillet 2016 délivrant à M. et Mme B... un permis de construire une maison à usage d'habitation sur le fond de la parcelle cadastrée H... et située au I... et, d'autre part, de condamner la commune de F... à lui verser la somme globale de 97 025,14 euros, augmentée des intérêts à compter du 1er mars 2017 et de leur capitalisation, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 30 septembre 2016.

Par un jugement nos 1701356, 1705251 du 29 novembre 2019, le tribunal administratif de Melun a, après avoir joint ses demandes, annulé l'arrêté du 30 septembre 2016 du maire de F... et rejeté la demande de M. A... tendant à la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2020 et des mémoires en réplique enregistrés les 28 octobre 2020 et 9 février 2021, M. E... A..., représenté par Me Rouhaud, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement nos 1701356, 1705251 du 29 novembre 2019 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté sa demande n° 1705251 ;

2°) de condamner la commune de F... à lui verser la somme de 102 025,14 euros, augmentée des intérêts à compter du 1er mars 2017 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 30 septembre 2016 du maire de F... ;

3°) de mettre à la charge de la commune de F... la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, faute pour les premiers juges d'avoir usé de leur pouvoir d'instruction pour obtenir de sa part la raison pour laquelle l'acte de vente définitif n'a pas été conclu à la date du 16 août 2016 convenue dans la promesse de vente ;

- le caractère illégal du retrait du permis de construire est constitutif d'une faute qui ouvre droit à réparation ;

- la promesse de vente est régulière ;

- il n'appartient pas à la juridiction administrative d'apprécier la régularité ni la validité de la promesse de vente ;

- l'ensemble des conditions suspensives étaient levées ;

- le lien de causalité est établi dès lors que c'est uniquement le retrait du permis de construire qui a empêché la vente définitive de son terrain aux époux B... ;

- l'acte authentique de vente n'est pas intervenu au 16 août 2016 en raison de l'indisponibilité du notaire ;

- la circonstance que l'acte de vente définitif n'ait pas été conclu à la date du 16 août 2016 est sans influence dès lors que le terme ainsi prévu n'était pas extinctif mais seulement suspensif ;

- il a subi un préjudice financier, direct et certain, constitué du manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser la vente de son terrain, du coût de l'arpentage réalisé par un géomètre-expert et de la rédaction d'un recours gracieux contre le retrait du permis de construire ;

- il a subi un préjudice moral direct et certain ;

- l'ensemble des préjudices est estimé à 102 025,14 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 septembre 2020 et 25 janvier 2021, la commune de F..., représentée par Me Fergon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. et Mme B... et au préfet de Seine-et-Marne qui n'ont pas produit d'observations.

Un mémoire a été produit par M. A... le 26 janvier 2022 à 15h07, soit postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue le 26 janvier 2022 à 12h00 par ordonnance du 6 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- les observations de Me Genies substituant Me Rouhaud, représentant M. A...,

- et les observations de Me Ba substituant Me Fergon, représentant la commune de F....

Une note en délibéré a été produite le 15 mars 2022 pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., propriétaire d'une parcelle située au 2 rue de la Ducharme à F..., a signé une promesse de vente d'une partie de cette parcelle, représentant 770 m², avec M. et Mme B.... Par un arrêté du 30 septembre 2016, le maire a retiré le permis de construire délivré le 7 juillet 2016 aux époux B.... Le 28 février 2017, M. A... a adressé une demande indemnitaire préalable pour la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité du retrait du permis de construire. Le maire de F... a implicitement rejeté cette demande le 1er mai 2017. Par un jugement nos 1701356, 1705251 du 29 novembre 2019, le tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé l'arrêté du 30 septembre 2016 portant retrait du permis de construire du 7 juillet 2016 au motif qu'il méconnaissait les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et a, d'autre part, rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. A.... M. A... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne la faute :

2. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le jugement du 29 novembre 2019 a annulé l'arrêté du 30 septembre 2016 portant retrait du permis de construire du 7 juillet 2016 au motif qu'il méconnaissait les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, le jugement relevant que la commune de F... n'établissait pas que l'arrêté du 7 juillet 2016 était affecté d'une illégalité justifiant qu'il soit procédé à son retrait. Cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de F....

En ce qui concerne le lien de causalité :

3. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un certificat d'urbanisme illégal revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation sauf circonstances particulières telles que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain.

4. Il résulte de l'instruction que la promesse de vente conclue par M. A... comportait plusieurs conditions suspensives relatives à l'obtention d'un prêt par les acheteurs pressentis, l'absence de révélation par le certificat d'urbanisme d'une servitude ou charge rendant l'immeuble impropre à sa destination normalement prévisible, l'absence d'inscriptions à l'état hypothécaire d'un montant supérieur au prix de vente stipulé, l'absence d'exercice d'un droit de préemption, l'obtention des autorisations administratives nécessaires pour la division de la parcelle section A n° 1902 et l'obtention d'un permis de construire. M. A... fait valoir que toutes les conditions suspensives étaient levées avant le retrait du permis de construire le 30 septembre 2016. Toutefois, il ne produit aucun élément pour l'établir hormis un courrier de M. et Mme B... indiquant qu'ils avaient obtenu un prêt, sans d'ailleurs préciser à quelle date. En outre, et en tout état de cause, à supposer levées l'ensemble des conditions suspensives, M. A... ne justifie pas de la non-réitération de la vente par acte authentique au 16 août 2016 tel que prévu dans la promesse de vente, en se prévalant sans apporter d'élément de l'indisponibilité du notaire ainsi que d'une attestation de M. et Mme B... du 21 mars 2018, établie pour les besoins de la cause et faisant référence à un courrier du 25 janvier 2017 qui n'est pas produit. Par suite, l'échec de la vente du bien ne peut être regardé comme ayant été causé de façon suffisamment directe et certaine par le retrait du permis de construire, de sorte que le lien de causalité entre la renonciation par les acquéreurs à l'achat de la parcelle en cause et l'illégalité du retrait du permis de construire n'est pas établi.

5. Contrairement à ce que soutient M. A..., il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient dû faire usage des pouvoirs qu'ils tiennent des dispositions de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, qui dispose que : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige. ", l'appréciation que le tribunal a portée sur les pièces du dossier, aux termes de laquelle il a jugé que M. A... n'apportait aucun élément de nature à expliquer la raison pour laquelle l'acte de vente définitif n'avait pas été conclu à la date du 16 août 2016 convenue dans la promesse de vente ni ne justifiait d'une prorogation régulière de cette dernière, étant sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. La commune de F... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. A... tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que la commune de F... demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à la commune de F..., à M. C... B..., à Mme D... B... et au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2022.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

N° 20PA01604 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01604
Date de la décision : 14/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Services de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : LEXCAP

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-14;20pa01604 ?
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