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28/01/2022 | FRANCE | N°20PA02704

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 janvier 2022, 20PA02704


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de mutation à La Réunion et, d'autre part, les décisions de mutation à La Réunion de MM. Fabrice Boucher, Alexandre Hoarau, Stéphane Mangue, Yohann Mandrin et Thierry Payet, ainsi que d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa mutation à La Réunion dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à interveni

r sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1814496 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de mutation à La Réunion et, d'autre part, les décisions de mutation à La Réunion de MM. Fabrice Boucher, Alexandre Hoarau, Stéphane Mangue, Yohann Mandrin et Thierry Payet, ainsi que d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa mutation à La Réunion dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1814496 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris rejeté la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des pièces complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 14 septembre et 16 octobre 2020 et 18 novembre 2021 sous le n° 20PA02704, M. B..., représenté par Me Trennec, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1814496 du 30 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de mutation à la Réunion et des décisions de mutation à la Réunion de MM. Boucher, Hoarau, Mangue, Mandrin et Payet, d'autre part, à enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa mutation à La Réunion dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa mutation à la SGAP 974 à La Réunion dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors qu'il dispose bien de ses intérêts matériels et moraux dans le département de La Réunion ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en retenant que l'administration, en ne tenant pas compte de l'ordre de priorité résultant de ses liens matériels et moraux avec La Réunion par application de la circulaire du 3 avril 2018, n'a pas méconnu la loi ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la priorité de mutation dont il devait bénéficier ainsi qu'au regard de sa manière de servir ;

- la décision contestée méconnaît le principe d'égalité ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 au motif qu'il disposait d'une priorité d'affectation contrairement aux autres candidats et disposait de davantage de points qu'eux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La requête a été transmise à MM. Boucher, Mangue, Payet, Mandrin et Hoarau qui n'ont pas produit d'observation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., gardien de la paix affecté à la circonscription de sécurité publique (CSP) de Gagny a sollicité sa mutation à La Réunion au titre de l'année 2018. Sa demande de mutation a été rejetée. Par un jugement du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B... tendant à annuler la décision implicite de rejet de sa demande de mutation pour le mouvement polyvalent de 2018 ainsi que les arrêtés par lesquels MM. Boucher, Hoarau, Mangue, Mandrin et Payet ont été mutés à La Réunion. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 60 de loi du 11 janvier 1984 : " (...) II. Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité (...), aux fonctionnaires handicapés relevant de l'une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ainsi qu'aux fonctionnaires qui justifient du centre de leurs intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie. (...) ".

3. En premier lieu, pour apprécier la localisation du centre des intérêts matériels et moraux d'un fonctionnaire, il peut être tenu compte de son lieu de naissance, du lieu où se trouvent sa résidence et celle des membres de sa famille, du lieu où le fonctionnaire est, soit propriétaire ou locataire de biens fonciers, soit titulaire de comptes bancaires, de comptes d'épargne ou de comptes postaux, ainsi que d'autres éléments d'appréciation parmi lesquels le lieu du domicile avant l'entrée dans la fonction publique de l'agent, celui où il a réalisé sa scolarité ou ses études, la volonté manifestée par l'agent à l'occasion de ses demandes de mutation et de ses affectations ou la localisation du centre des intérêts moraux et matériels de son conjoint ou partenaire au sein d'un pacte civil de solidarité. Il incombe ainsi à l'administration d'apprécier la localisation du centre des intérêts matériels et moraux d'un fonctionnaire sur la base d'un faisceau d'indices.

4. M. B... fait valoir en cause que, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, il dispose bien de ses intérêts matériels et moraux dans le département de La Réunion et qu'en conséquence, il était éligible à la priorité instaurée par la loi du 11 janvier 1984 pour les

ultra- marins. Pour étayer ses dires, il produit en appel une copie de l'acte de donation d'un terrain situé à La Réunion par ses parents, des taxes foncières afférentes à ce bien ainsi qu'une carte électorale.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est né le 26 mai 1979 à La Réunion, qu'il est entré dans les cadres de la police nationale le 1er décembre 2003 comme élève gardien de la paix et qu'à sa titularisation le 1er décembre 2005, il a été affecté à la circonscription de sécurité publique de Gagny, qu'il est marié et père de trois enfants résidant en métropole, et que depuis sa titularisation le 1er décembre 2005, il a séjourné hors de La Réunion. Dans ces circonstances, et alors même, qu'il est propriétaire à La Réunion, suite à une donation de ses parents, d'un bien immobilier depuis 2011 ainsi que de terrains, et qu'il a bénéficié de congés bonifiés, M. B... doit être regardé comme ayant fixé en métropole le centre de ses intérêts matériels et moraux. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'intéressé ne démontrait pas qu'il aurait dû bénéficier de la nouvelle priorité prévue par l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984.

6. En deuxième lieu, l'intéressé estime que la décision lui refusant sa mutation est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard au fait qu'il remplissait les conditions pour bénéficier de la priorité prévue par l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 réservée aux ultra-marins et que l'administration ne conteste pas qu'il bénéficiait d'un nombre de points supérieur à MM. Boucher, Mangue et Payet. Il considère également qu'il appartenait à l'administration de produire les fiches récapitulant le nombre de points des fonctionnaires dont l'affectation est attaquée ainsi que les avis de la hiérarchie sur les demandes de mutation des trois fonctionnaires mentionnés supra afin de s'assurer qu'il n'y a pas eu de différence de traitement.

7. Toutefois, d'une part, les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 ne subordonnent la légalité des mutations prononcées lors des mouvements de personnels, ni au respect d'un régime de priorité, ni à l'observation d'un barème de mutation, lequel, quand bien même il serait mentionné dans une instruction ministérielle, est purement indicatif. Par suite, la circonstance que M. B... justifierait d'un " barème de mutation " correspondant à un nombre de points supérieur à MM. Boucher, Mangue et Payet n'est pas, à elle seule, de nature à établir que la décision attaquée serait entachée d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation.

8. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment au vu du motif allégué en défense, tenant au manque d'effectifs au sein de la circonscription de sécurité publique de Gagny (Seine-Saint-Denis) où il est affecté, que cette décision ait été prise pour des motifs étrangers à l'intérêt du service ou soit entachée d'erreur manifeste d'appréciation, nonobstant la circonstance que M. B... aurait donné toute satisfaction au plan professionnel au sein de son unité.

9. Enfin, M. B... ne démontrant pas qu'il se trouvait placé dans la même situation que celle de l'agent ayant obtenu sa mutation, il n'est pas fondé à soutenir que ce refus de mutation a méconnu le principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires d'un même corps nonobstant l'absence de production par le ministre de l'intérieur des avis hiérarchiques émis sur les demandes de mutation de MM. Boucher, Mangue et Payet. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur de droit, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la violation du principe d'égalité de traitement des agents d'un même corps doivent être écartés.

10. En dernier lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement soutenir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, que le Tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit en retenant que l'administration, en ne tenant pas compte de l'ordre de priorité résultant de ses liens matériels et moraux avec La Réunion par application de la circulaire du 3 avril 2018, n'a pas méconnu la loi.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête en toutes ses conclusions, ensemble celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information à MM. Boucher, Hoarau, Mangue, Mandrin et Payet.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 janvier 2022.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02704


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02704
Date de la décision : 28/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Affectation et mutation. - Mutation.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SCP ARENTS-TRENNEC

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-28;20pa02704 ?
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