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26/01/2022 | FRANCE | N°20PA02314

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 26 janvier 2022, 20PA02314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nouméa Crédit a demandé au Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge des rappels de taxe de solidarité sur les services (TSS) mis à sa charge au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 pour un montant global de 37 209 843 francs CFP et la restitution de cette somme.

Par un jugement n° 1900465 du 25 juin 2020, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête

et un mémoire enregistrés les 17 août et 30 décembre 2020, la société Nouméa Crédit, représentée par Me Pi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nouméa Crédit a demandé au Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge des rappels de taxe de solidarité sur les services (TSS) mis à sa charge au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 pour un montant global de 37 209 843 francs CFP et la restitution de cette somme.

Par un jugement n° 1900465 du 25 juin 2020, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 août et 30 décembre 2020, la société Nouméa Crédit, représentée par Me Pierre Carcelero, Me Julie Bazin et Me Frédéric Agez, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900465 du 25 juin 2020 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de prononcer la décharge et la restitution des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas statué sur la complexité des traitements réalisés lors de la reprise du contrôle ;

- l'article 961 du code des impôts a été méconnu, la notification de redressement du 27 avril 2018 relative à la taxe de solidarité sur les services au titre de la période du

1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 procédant d'un réexamen des données informatisées obtenues lors d'une précédente vérification et de nouveaux traitements appliqués à ces données ;

- de nouveaux traitements informatiques complexes ont été réalisés sur les fichiers résultats contenant les données détaillées de l'entreprise au titre des exercices 2014 à 2016 recueillis à l'occasion d'une précédente vérification de comptabilité clôturée, sans que soit formulée une nouvelle demande relative aux traitements informatiques, en méconnaissance de la procédure prévue à l'article Lp 957. 1 II du code des impôts alors que la société avait choisi d'effectuer elle-même les traitements prévus ;

- des retraitements ont aussi été effectués afin d'extourner, pour la détermination de l'assiette des redressements, les montants de TSS déjà acquittés le cas échéant notamment sur les frais de dossier ;

- la circonstance que ces traitements n'aient pas été effectués sur le matériel de l'entreprise ne permet pas de les considérer comme réguliers ;

- la méthodologie de constitution du fichier " NOUMEA CREDIT - RA.xlsx " permettant d'avoir une lisibilité des contrats rompus dont la durée est effectivement inférieure à 24 mois n'a pas été explicitée ;

- l'article 967 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie a ainsi été méconnu ;

- le débat oral et contradictoire en cours de contrôle, qui n'a en tout état de cause pas eu lieu lors de la reprise de la vérification de comptabilité, ne peut se substituer à l'obligation de motivation de la notification de redressement qui pèse sur l'administration ;

- cette insuffisance de motivation méconnait le respect des droits de la défense, les principes d'équité et d'égalité, et le point " 2.c " de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne qui oblige l'administration à motiver ses décisions.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2020, le gouvernement de la

Nouvelle-Calédonie, représenté par le cabinet Briard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Nouméa Crédit la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bazin, représentant la société Nouméa Crédit, et de

Me Masquart, représentant le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. La société Nouméa Crédit relève appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe de solidarité sur les services (TSS) mis à sa charge au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 pour un montant global de 37 209 843 francs CFP, et à la restitution de cette somme.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal, qui n'était pas tenu de se prononcer sur tous les arguments présentés par la société requérante à l'appui de ses moyens, a statué sur le moyen qui lui était soumis, tiré de ce que les traitements informatiques réalisés par l'administration méconnaissaient les dispositions des article 961 et 957-1 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie. Le jugement attaqué est par suite suffisamment motivé, alors même que les premiers juges n'ont pas expressément répondu à l'argumentation de la société relative à la complexité des traitements effectués.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article 957 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie : " Lorsque la vérification de la comptabilité pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes ou pour la même période. ". Aux termes de l'article Lp. 957.1 du même code: " 1. Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de présentation des documents comptables mentionnés au troisième alinéa de l'article Lp. 927 bis en remettant sous forme dématérialisés répondant à des normes fixées par arrêté du gouvernement, une copie des fichiers des écritures comptables. La direction des services fiscaux peut effectuer des tris, classements ainsi que des calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. (...) II.- En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents des services fiscaux indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des deux options suivantes : a) le contribuable peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, la direction des services fiscaux précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du gouvernement ; b) le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de la direction des services fiscaux les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du gouvernement. (...) Elle communique au contribuable sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des redressements au plus tard lors de l'envoi de la notification de redressement mentionnée à l'article 967 ". Et aux termes de l'article 967 dudit code : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. En cas d'application, des dispositions du II de l'article Lp. 957.1, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. (...) ".

4. En premier lieu, si l'administration, à la suite des observations de la société Nouméa Crédit sur une première notification de redressement du 21 décembre 2017, a établi, le 27 avril 2018, une seconde notification de redressement, qui annule et remplace la précédente, et dans laquelle elle propose des rappels différents portant sur la TSS et justifiés par un motif autre que celui figurant dans la première notification de redressement, elle était toujours en droit, dans le délai de reprise de l'article 985 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, d'adresser une nouvelle notification de redressement fondée sur un autre motif. L'administration n'a disposé, pour arrêter le montant de la TSS, que des seules données des fichiers correspondant aux traitements effectués par la société elle-même à l'occasion de la vérification de comptabilité et s'est bornée à effectuer des retraitements des données contenues dans les fichiers de résultats, à partir de ses propres outils, sans recourir sur place au matériel utilisé par l'entreprise pour tenir sa comptabilité. Ces retraitements ne sauraient être assimilés à la vérification d'une comptabilité informatisée au sens des dispositions de l'article Lp. 957.1 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie et ne révèlent par suite pas une seconde vérification des écritures comptables.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'à l'occasion du contrôle sur place de la comptabilité de la SA Nouméa Crédit le 9 octobre 2017, l'administration lui a demandé de choisir entre l'une des deux possibilités de remises de résultats des traitements de la comptabilité informatisée prévues par le II des dispositions de l'article Lp. 957.1 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie. La société a fait savoir, par une lettre d'option du 12 octobre 2017, qu'elle effectuerait elle-même les traitements demandés. Pour établir le montant de la TSS mis à la charge de la société pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, l'administration, sans formuler aucune autre demande, a simplement utilisé les fichiers qui lui avaient été communiqués et, après exploitation des données de ces fichiers, a renseigné de nouveaux fichiers dans lesquels figurent la TSS à rappeler sur les loyers facturés ainsi qu'un fichier permettant d'évaluer les rappels de TSS lors de la résiliation anticipée des contrats de location. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté que les informations extraites de la comptabilité informatisée et adressées par la société au service des impôts suffisaient à la constitution des fichiers nécessaires à l'établissement des bases de la TSS. L'administration, qui n'a donc pas procédé à de nouvelles extractions de données d'une comptabilité informatisée pour déterminer la TSS des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, et qui s'est bornée, comme elle pouvait le faire sans méconnaitre les dispositions précitées, à utiliser les fichiers dont elle disposait, n'avait par suite pas à inviter l'entreprise à formuler à nouveau le choix prévu par le II de ce même article Lp. 957.1 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie. Il suit de là que le moyen tiré du non-respect des dispositions de l'article Lp. 957.1 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie doit être écarté.

6. La société requérante soutient en troisième lieu que la notification de redressement du 27 avril 2018 n'est pas suffisamment motivée dès lors qu'elle ne comporte pas l'explication littérale des traitements à partir desquels le service vérificateur a établi les bases de redressement à la TSS des contrats résiliés dont la durée est inférieure à 24 mois. La notification de redressement du 27 avril 2018 précise la procédure mise en œuvre pour l'établissement de la TSS due au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, rappelle le droit applicable, puis expose de manière suffisamment détaillée les éléments constituant la base de la TSS en ce qui concerne les contrats de location ayant une durée minimale de 2 ans ainsi que la base de cette même taxe en ce qui concerne les contrats résiliés ayant une durée effective de location inférieure à 2 ans, détermine la base nette rappelée et le trimestre d'exigibilité et, enfin, détaille les rappels de TSS au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 en précisant que le détail des montants relevés et calculés figure sur un support informatique joint à la notification de redressement. Ainsi, pour regrettable que soit l'absence d'une explication littérale relative au traitement qui a permis la constitution du fichier Nouméa Crédit RA.xlsx arrêtant les bases du redressement à la TSS desdits contrats résiliés, cette seule omission ne permet pas de regarder la notification du 27 avril 2018 comme insuffisamment motivée au sens de l'article 967 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie et comme n'ayant pas permis à la société Nouméa Crédit de présenter utilement ses observations dans le cadre de la procédure contradictoire de redressement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la notification de redressement du 27 avril 2018 ne peut qu'être écarté. Les dispositions précitées de l'article 967 du code des impôts de Nouvelle Calédonie n'ont ainsi pas été méconnues. Pour les mêmes motifs, la société requérante n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir, à raison d'une insuffisante motivation de la notification de redressement, de la méconnaissance des droits de la défense, des principes d'équité et d'égalité, et du point " 2.c " de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.

7. La notification de redressement étant suffisamment motivée, le moyen tiré de ce que l'existence d'un débat oral et contradictoire en cours de contrôle ne saurait se substituer à l'obligation de motivation ne peut qu'être écarté. En l'absence d'une reprise de la vérification de comptabilité, le moyen tiré de ce que la société requérante aurait été privée d'un tel débat au cours de cette reprise ne peut également qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nouméa Crédit n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la société au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante le versement d'une somme au profit du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur le fondement de l'article

L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Nouméa Crédit est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nouméa Crédit et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2022.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 20PA02314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02314
Date de la décision : 26/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-26;20pa02314 ?
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