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07/12/2021 | FRANCE | N°20PA01385

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 07 décembre 2021, 20PA01385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2018 par lequel la maire de Paris a prononcé sa mise à la retraite d'office et de l'avis du 15 avril 2019 par lequel le conseil supérieur des administrations parisiennes se prononce pour le maintien de cette sanction, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1915918 du 10 avril 2020, le Tribunal administratif de Pari

s a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2018 par lequel la maire de Paris a prononcé sa mise à la retraite d'office et de l'avis du 15 avril 2019 par lequel le conseil supérieur des administrations parisiennes se prononce pour le maintien de cette sanction, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1915918 du 10 avril 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2020, et un mémoire, enregistré le

12 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Cittadini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 avril 2020 du Tribunal administratif de Paris;

2°) d'annuler la décision et l'avis mentionnés ci-dessus des 27 septembre 2018 et

15 avril 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car le tribunal n'a pas répondu sur l'absence de garantie procédurale concernant le tirage au sort ;

- la sanction est entachée d'une erreur de fait, l'action syndicale entreprise ne pouvant, d'abord, être assimilée à un vol de véhicule, aucun danger n'ayant ensuite été encouru par aucune personne, qu'il s'agisse du conducteur de la benne, des tiers ou des policiers ayant procédé à son arrestation, l'image de la ville de Paris, qui n'était pas visée par l'action syndicale, n'ayant, enfin, pas été atteinte ;

- elle est entachée d'une " erreur manifeste d'appréciation " et elle est disproportionnée ;

- l'avis du conseil supérieur des administrations parisiennes est entaché de plusieurs vices de procédure (le tirage au sort a porté sur les représentants syndicaux ne siégeant pas, et non l'inverse, comme auparavant ; les deux avis portant sur sa sanction et sur celle de M. A... n'ont pas été individualisés ; le président a fait preuve de partialité).

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2021, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les conclusions présentées à fin d'annulation de la décision du conseil supérieur des administrations parisiennes sont irrecevables et, en tout état de cause, qu'aucun des moyens présentés par M. B... n'est fondé.

Par une ordonnance du 30 septembre 2021, l'instruction a été rouverte et la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983,

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984,

- le décret n°94-415 du 24 mai 1994,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique:

- le rapport de M. Pagès;

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique;

- les observations de Me Cittadini pour M. B...;

- et les observations de Me Froger pour la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été embauché par la ville de Paris le 9 mars 1981 et titularisé en 1999.

Il exerçait, au jour des évènements ayant conduit à la prise de sanction de mise à la retraite d'office en litige, le 25 mai 2018, les fonctions d'assistant d'encadrement et de maintenance automobile à la direction de la propreté et de l'eau. A 9h30, le 25 mai 2018, accompagné de M. A..., également objet d'une sanction de mise à la retraite d'office pour les mêmes faits, il a, par un stratagème, fait descendre de son camion benne un conducteur de la ville de Paris et a subtilisé son véhicule. Le conducteur floué ayant prévenu sa hiérarchie, la ville de Paris, faisant usage d'un système de géolocalisation récemment installé, a signalé l'emplacement du véhicule aux services de police. Plusieurs agents de la brigade de recherche et d'intervention ont contraint le véhicule à s'arrêter sous la menace de leurs armes et ont procédé à l'arrestation de M. B... et de M. A..., lesquels ont alors déclaré participer à une action syndicale ayant pour objet le déversement des ordures contenues dans la benne devant le siège du parti politique

" La République en marche ". Par l'arrêté du 27 septembre 2018 en litige, la maire de Paris a prononcé la mise à la retraite d'office de M. B... à compter du 30 novembre 2018. Par l'avis du 15 avril 2019 en litige, le conseil supérieur des administrations parisiennes s'est prononcé pour le maintien d'une telle sanction de mise à la retraite d'office. M. B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 27 septembre 2018 et de cet avis du 15 avril 2019. Il relève appel du jugement du 10 avril 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ayant suffisamment répondu aux points 11 et 12 du jugement attaqué au moyen tiré de l'irrégularité du tirage au sort des représentants syndicaux, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2018 :

3. M. B... soutient, en premier lieu, que la décision est entachée de diverses erreurs de fait, tenant à la qualification erronée de " vol " du camion-benne, alors même que celui-ci a été détourné, de ce que, n'ayant opposé aucune résistance lors de son arrestation, il n'a pas mis en danger sa vie ou celle d'autrui ou porté atteinte à l'image de la ville de Paris et de ce qu'il n'est pas démontré que l'arrêt de travail du conducteur de la benne ait un lien avec l'incident. Pour autant, la soustraction frauduleuse à un collègue d'un véhicule de l'administration est établie, le requérant ayant d'ailleurs reconnu sa culpabilité lors d'une procédure pénale de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et fait l'objet d'une ordonnance d'homologation le condamnant à 70 heures de travail d'intérêt général pour avoir soustrait frauduleusement un camion-benne appartenant à la mairie de Paris. Par ailleurs, les services de la brigade de répression des infractions ont dû, pour mettre fin à cette opération, procéder à une interpellation armée avenue de l'Opéra, filmée par des passants et diffusée sur Internet.

Le requérant ne peut donc pas sérieusement soutenir qu'il n'a pas mis en danger sa vie ou celle d'autrui et porté atteinte à l'image de la ville de Paris. Enfin, le conducteur de la benne a nécessairement été choqué par la soustraction frauduleuse de son véhicule. Le moyen tiré, en ses différentes branches, de l'erreur de fait, doit, par conséquent, être écarté.

4. En deuxième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Les faits reprochés au requérant, quand bien même ils sont survenus hors de son temps de service, de soustraction frauduleuse d'une benne à ordures en vue du déversement de son contenu devant la permanence d'un parti politique ne peuvent se rattacher à une pratique syndicale normale et constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. Au surplus, il n'est pas démontré que l'action intentée par M. B... relevait d'une action syndicale coordonnée et non d'une initiative personnelle, dès lors que l'ensemble des éléments produits affirmant le caractère coordonné de la soustraction frauduleuse ont été établis postérieurement à la date des faits. S'agissant du caractère proportionné de la sanction, il est d'abord établi que

M. B..., masqué, a soustrait frauduleusement une benne à ordure à un de ses collègues, sans lui donner aucune explication sur le but syndical poursuivi et laissant ce conducteur, son service, puis les services de police, dans l'ignorance de la nature de l'action entreprise, alors même que le contexte terroriste, qu'il connaissait, pouvait faire regarder le vol d'un poids-lourd comme un préalable potentiel à une action violente. Il est ensuite constant que l'arrestation des requérants a nécessité une intervention armée de la brigade de répression et d'intervention avenue de l'Opéra à Paris, intervention qui a fait l'objet d'une vidéo reprise sur les réseaux sociaux et plusieurs sites de presse, mettant en danger M. B..., son collègue fautif et les passants, et portant ainsi nécessairement atteinte à l'image de la ville de Paris. M. B..., qui a procédé à une soustraction par stratagème d'un camion benne à un de ses collègues conducteur, en vue de déverser son contenu devant le siège d'un parti politique, ne peut en tout état de cause utilement se prévaloir de ce que précédemment, à l'appui de revendications syndicales, des véhicules de service avaient été détournés au cours du service, à visage découvert, pour les garer devant l'hôtel de ville, siège de son employeur, comme cela a pu se faire. Par suite, eu égard au mode opératoire, à la gravité des faits et à leur retentissement, la sanction de mise à la retraite d'office doit être regardée, en l'espèce, comme proportionnée au regard des faits fautifs sanctionnés, alors même que cette sanction a des conséquences sur la situation financière de l'intéressé.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2018, par lequel la maire de Paris a prononcé sa mise à la retraite d'office.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'avis du 15 avril 2019 du conseil supérieur des administrations parisiennes et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la ville de Paris:

7. Aux termes de l'article 52 du décret du 24 mai 1994 : " Chacune des sections du conseil supérieur constitue le conseil de discipline de recours prévu à l'article 91 de la loi du

26 janvier 1984 susvisée en matière de discipline, d'avancement et en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle, en ce qui concerne les fonctionnaires pour lesquels elle a compétence ; chaque section est alors présidée par un même conseiller d'Etat, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ; elle est composée, outre le président, des vingt-deux membres mentionnés à l'article 39./ En cas d'absence d'un ou plusieurs membres dans la représentation de l'administration ou dans celle du personnel, le nombre des membres de la représentation la plus nombreuse appelés à participer à la délibération et au vote est réduit en début de réunion afin que le nombre des représentants de l'administration et celui des représentants des personnels soient égaux. (...) Le président du conseil de discipline a voix prépondérante en cas de partage égal des voix ". Aux termes de l'article 39 du même décret : " La première section est présidée par le maire de Paris ou par son représentant, membre du conseil de Paris. Elle comprend :1° Un collège de onze représentants des personnels, désignés par le maire de Paris sur la proposition des organisations syndicales ; 2° Un collège composé, outre du président de la section, de dix conseillers de Paris, désignés par le maire de Paris pour représenter l'administration ". Aux termes de l'article 40 du même décret : " Les sièges attribués aux représentants des organisations syndicales sont répartis entre ces organisations proportionnellement au nombre de voix qu'elles ont obtenues aux élections organisées pour la désignation des représentants du personnel aux comités techniques ".

8. En premier lieu, aux termes de l'alinéa 3 de l'article 16 de la délibération 2015 DRH 19 des 16, 17 et 18 mars 2015 relative à la fixation des règles de fonctionnement du conseil supérieur des administrations parisiennes : " En cas de surnombre de l'une des représentations, le rétablissement de la parité s'effectue sur la base du volontariat et, à défaut, par tirage au sort ". Il n'est pas contesté, en l'espèce, que l'exigence de parité a conduit à réduire de

11 membres à 10 membres la représentation syndicale et que cette réduction de 11 à 10 a été effectuée par tirage au sort. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. B..., l'alinéa 3 de l'article 16 précité n'implique pas que le tirage au sort porte sur les représentants syndicaux appelés à siéger, le tirage pouvant porter sur les représentants destinés à siéger ou à ne pas siéger. Aucune règle, ni aucun principe n'impose la présence d'un tiers pour surveiller le tirage au sort, ni le contrôle du contenu des enveloppes par l'ensemble des membres du conseil, alors qu'une séance du conseil se déroule sous le contrôle du président. Au demeurant aucune contestation n'a été émise sur les modalités de tirage au sort lors de cette séance. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la délibération doit, par suite, être écarté.

9. Il ressort, en deuxième lieu, des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la réunion du conseil supérieur des administrations parisiennes, qu'il a été procédé, après la tenue d'auditions et d'une discussion sur les faits, rigoureusement identiques, reprochés aux intéressés, à une délibération portant sur la sanction du collègue de M. B..., puis à une délibération s'agissant de la sanction de M. B... lui-même. Si certaines attestations, présentées au soutien de M. B..., affirment que, contrairement aux annonces du président en séance, retranscrites dans le procès-verbal, un seul vote a eu lieu pour les deux affaires, celles-ci ne peuvent, à elles seules, remettre en cause les affirmations du procès-verbal selon lesquelles il a été procédé à deux appréciations et deux délibérations distinctes. Le moyen tiré de ce que les avis ne résulteraient pas d'une appréciation individualisée doit, par suite, être écarté.

10. Il ressort, en troisième lieu, du procès-verbal du conseil de discipline que, si le président a mené les débats et mis fin à certaines interventions, son objet était de permettre la discussion et non d'empêcher l'expression des points de vue favorables au requérant, par ailleurs retranscrits dans le procès-verbal. Les moyens tirés de ce que les droits de la défense de

M. B... ont été méconnus lors de la réunion du conseil supérieur des administrations parisiennes ou de ce que le président du conseil supérieur a fait preuve de partialité doivent, par suite, être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2018, par lequel la maire de Paris a prononcé sa mise à la retraite d'office et n'est pas plus fondé à demander l'annulation de l'avis du 15 avril 2019 par lequel le conseil supérieur des administrations parisiennes s'est prononcé pour le maintien d'une telle sanction de mise à la retraite d'office.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par la ville de Paris.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2: Les conclusions de la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient:

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2021.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au préfet de région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 20PA01385


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : SCP FOUSSARD-FROGER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 07/12/2021
Date de l'import : 14/12/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20PA01385
Numéro NOR : CETATEXT000044462111 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-07;20pa01385 ?
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