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07/10/2021 | FRANCE | N°20PA02915

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 07 octobre 2021, 20PA02915


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays où elle pourrait être reconduite et lui a interdit de retourner en France pendant deux ans.

Par un jugement n° 1909017 du 30 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête enregistrée le 9 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me Weinberg, demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays où elle pourrait être reconduite et lui a interdit de retourner en France pendant deux ans.

Par un jugement n° 1909017 du 30 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me Weinberg, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1909017 du 30 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 3 octobre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 25 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 25 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que son mémoire produit le 15 juillet 2020, avant la clôture de l'instruction, n'a été ni enregistré par le greffe, ni visé par le juge ;

- le jugement n'a pas ni visé, ni répondu à plusieurs moyens ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le juge aurait dû solliciter des pièces pour compléter l'instruction auprès des deux parties, qu'il a manqué de loyauté dans l'administration de la preuve et méconnu l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision de refus d'octroyer un délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'absence de risques de fuite et de sa situation personnelle et familiale ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête de Mme B... a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré,

- les observations de Me Weinberg, pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., ressortissante philippine, née le 8 février 1976 est entrée en France en septembre 2012 selon ses déclarations. Par un arrêté du 3 octobre 2019, le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans assorti d'une inscription dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. Mme B... fait appel du jugement du 30 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Mme B... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est intervenue en violation du principe général du droit de l'Union européenne selon lequel toute personne a le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement.

3. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. En outre, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-383/13 du 10 septembre 2013, selon le droit de l'Union, une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.

4. Le préfet du Val-de-Marne, qui n'a produit ni observations, ni pièces, tant en première instance qu'en appel, ne justifie pas que Mme B... a été mise à même de présenter des observations préalablement à l'édiction de la décision contestée portant obligation de quitter sans délai le territoire français. Par suite, cette décision doit être regardée comme ayant été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement. Mme B... est ainsi fondée à demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter sans délai le territoire français. Par voie de conséquence, doit aussi être annulé l'arrêté par lequel le préfet a pris à son encontre une interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement et de l'arrêté qu'elle conteste.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1909017 du 30 juillet 2020 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 3 octobre 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2021.

Le rapporteur,

F. DORELe président,

J. C...

La greffière,

M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA02915 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02915
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : WEINBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-07;20pa02915 ?
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