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07/10/2021 | FRANCE | N°20PA00845

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 07 octobre 2021, 20PA00845


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1926095/1-1 du 4 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annul

les arrêtés du 15 novembre 2019 et a enjoint au préfet de police de réexaminer la si...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1926095/1-1 du 4 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du 15 novembre 2019 et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire enregistrée le 5 mars 2020 et un mémoire ampliatif enregistré le 19 mai 2020, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1926095 du 4 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu que le requérant avait été privé de son droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement prise à son encontre ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

La requête et le mémoire ampliatif ont été communiqués à M. A... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Doré a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né en octobre 1989, est entré en France en septembre 2012 sous couvert d'un visa de long séjour " étudiant ". Son titre de séjour en qualité d'étudiant a été renouvelé jusqu'en février 2015 et il se maintient depuis cette date en situation irrégulière sur le territoire français. Par un arrêté du 15 novembre 2019, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination et, par un arrêté du même jour, lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans. Le préfet de police fait appel du jugement du 4 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du 15 novembre 2019 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui est une composante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, assortie d'une décision de refus d'un délai de départ volontaire et d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'enquête établi par les services de police, que M. A... a été entendu le 30 septembre 2019 sur sa situation administrative et familiale et a été mis en mesure de présenter des observations. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné a annulé l'arrêté du préfet de police en date du 15 novembre 2019 au motif qu'il avait été prise en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu issu du droit de l'Union européenne.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français mentionne les textes dont il est fait application, notamment le 4° du I de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de son titre de séjour. Cette décision indique également qu'il n'est pas porté pas une atteinte disproportionnée au droit du requérant à la protection de sa vie privée et familiale, dès lors notamment qu'il est célibataire et qu'il ne peut justifier contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant. La décision en litige comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et révèle en outre que le préfet a procédé à un examen de sa situation personnelle. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen doivent être écartés.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. M. A... se prévaut de la durée de son séjour en France, au cours duquel il a été titulaire de titres de séjour en qualité d'étudiant, et de la présence en France de son fils né en novembre 2017 et issu de sa relation avec une compatriote titulaire d'un titre de séjour. Toutefois, il n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant en se bornant à produire une attestation peu circonstanciée de la mère de ce dernier, dont il est séparé. Il ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle dans la société française. Il ressort enfin des pièces du dossier que le requérant a fait l'objet entre 2013 et 2019 de plusieurs condamnations pénales pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis, rébellion, détention et usage illicite de stupéfiants et en dernier lieu d'agression sexuelle. Dans ces conditions, eu égard notamment aux conditions du séjour du requérant sur le territoire français et à la menace pour l'ordre public qu'il représente, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi et n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant de M. A.... Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination :

8. En premier lieu, l'arrêté contesté du 15 novembre 2019 relève que l'intéressé, qui ne peut pas présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes et n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine ou dans le pays de résidence habituelle où il est effectivement réadmissible. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire et de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté comme manquant en fait.

9. En second lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus de lui accorder un délai de départ volontaire et contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, pour les motifs exposés ci-dessus, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et fixation du pays de destination n'étant entachées d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions, invoqué au soutien des conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...)".

12. D'une part, l'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait mention de faits précis relatifs à la situation de M. A... qui justifient cet arrêté, notamment les circonstances qu'il représente une menace pour l'ordre public dès lors qu'il a été signalé pour plusieurs infractions et qu'il ne peut être regardé comme se prévalant de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France dès lors qu'il était célibataire et ne justifiait pas contribuer à l'éducation et à l'entretien de son enfant vivant en France. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision en litige ne peut qu'être écarté.

13. D'autre part, eu égard aux éléments mentionnés au point précédent et à défaut de justifier de circonstances humanitaires au sens des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions en prenant à son encontre une décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de 36 mois.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 4 février 2020 et lui a enjoint de réexaminer la demande de M. A... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1926095/1-1 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris du 4 février 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A...

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2021.

Le rapporteur,

F. DORÉ

Le président,

J. C... La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA00845 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00845
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-07;20pa00845 ?
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