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30/06/2021 | FRANCE | N°20PA02977

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2021, 20PA02977


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2004207 du 15 septembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une req

uête, enregistrée le 16 octobre 2020 et des pièces enregistrées le 2 juin 2021 M. C..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2004207 du 15 septembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2020 et des pièces enregistrées le 2 juin 2021 M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous les mêmes délai et astreinte et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un détournement de pouvoir et méconnaît le principe d'égalité devant le service public dès lors que le préfet était tenu d'instruire sa demande de titre de séjour ;

- cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière en raison de son interpellation opérée de façon déloyale par les services de police ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale par renvoi aux écritures de première instance ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire elle-même illégale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les observations de Me F... substituant Me E..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né le 5 mai 1978, est entré en France en 2006 selon ses déclarations. Le 3 mars 2020, il a été interpellé pour des faits d'usage de faux documents administratifs. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. C... relève appel du jugement du 15 septembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

3. M. C... fait valoir que le préfet ne pouvait lui notifier une décision portant obligation de quitter le territoire français sans avoir préalablement instruit la demande de titre de séjour qu'il avait déposée. Toutefois, le dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait, à lui seul, faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger qui se trouve dans le cas mentionné au 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis un détournement de pouvoir en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu le principe d'égalité devant le service public.

4. En deuxième lieu, M. C... soutient que le préfet aurait utilisé un procédé déloyal à son encontre en l'interpellant dans les locaux de la préfecture où il s'était rendu dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour. Toutefois, il ne relève pas de l'office du juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions de l'interpellation qui ont, le cas échéant, précédé la mesure d'éloignement prise à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière. Les conditions de l'interpellation de M. C... sont, dès lors, sans influence sur la légalité de l'arrêté du 3 mars 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire français.

5. En troisième lieu, M. C... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne présente pas le caractère d'une mesure privative de liberté au sens de ces stipulations.

6. En quatrième et dernier lieu, M. C... se prévaut de la durée de sa présence en France et de son intégration professionnelle. Toutefois, s'il affirme être entré en France en 2006 et y résider de manière continue depuis lors, il n'établit pas sa présence sur le territoire au cours des années 2006 à 2011 et 2014. Par ailleurs, si M. C... établit avoir travaillé en qualité d'agent de service auprès de la société Servia Services de mars 2012 à septembre 2013 puis de mai 2019 à mars 2020, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle stable et continue depuis son entrée sur le territoire français. Enfin, célibataire et sans charge de famille en France, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 28 ans. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en l'obligeant à quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

7. Les moyens tirés de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'incompétence de l'auteur de l'acte, du défaut de motivation et de l'erreur manifeste d'appréciation, invoqués en appel par simple renvoi aux écritures de première instance, doivent être écartés par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte des motifs qui précèdent que M. C... n'est pas fondé à invoquer, par la voie d'exception à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, l'illégalité de la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "

10. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement, prononcées le 18 février 2014 et le 11 janvier 2018. S'il affirme qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté qu'il a été interpellé le 3 mars 2020 pour des faits d'usage de faux documents administratifs et est connu au fichier automatisé des empreintes digitales pour des faits de prise de nom de tiers et d'usurpation d'identité. Par ailleurs, ainsi qu'il a été énoncé au point 6, il n'établit pas disposer de liens anciens, intenses et stables sur le territoire français. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans méconnaître les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation, prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., présidente de chambre,

- Mme G..., présidente assesseure,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2021.

La rapporteure,

M. G...La présidente,

M. B...La greffière,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA02977 5


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : GUILLOU

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 30/06/2021
Date de l'import : 06/07/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20PA02977
Numéro NOR : CETATEXT000043740934 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-30;20pa02977 ?
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