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23/06/2021 | FRANCE | N°20PA03719

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre, 23 juin 2021, 20PA03719


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales qui lui ont été assignées au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1605473/3 du 5 novembre 2020, le Tribunal administratif de Melun, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédur

e devant la Cour :

Par une requête et des mémoire enregistrés les 2 décembre 2020, 7 mai et 3...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales qui lui ont été assignées au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1605473/3 du 5 novembre 2020, le Tribunal administratif de Melun, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoire enregistrés les 2 décembre 2020, 7 mai et 3 juin 2021, Mme B..., représentée par Me A... D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1605473/3 du 5 novembre 2020 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales contestées devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que la décision du

13 décembre 2017 de la direction départementale des finances publiques de Seine-et-Marne prononçant un dégrèvement à concurrence de la somme de 309 537 euros n'a pas été mentionnée dans l'application Télérecours et ne lui a pas été communiquée ;

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré du défaut de motivation des propositions de rectification s'agissant des motifs de rejet de la comptabilité des sociétés et n'a pas répondu à ses critiques relatives à l'évaluation du nombre moyen de clients retenu par l'administration ;

- les propositions de rectification ne sont pas suffisamment motivées à défaut pour l'administration d'avoir précisé les éléments sur lesquels elle entendait se fonder pour écarter la comptabilité comme non probante ;

- la procédure d'imposition méconnaît les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; l'administration, qui lui a communiqué les renseignements obtenus dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, n'a pas apporté d'éléments d'information appropriées sur la nature des passages occultés et les raisons de leur occultation ; c'est à tort que le tribunal a écarté ce moyen en invoquant le principe de l'indépendance des procédures diligentées à l'encontre des trois sociétés dont elle est la gérante ; la demande de communication a été faite dans le cadre du contrôle diligenté à son encontre ;

- la méthode de reconstitution suivie par l'administration n'est pas pertinente ; le nombre de clients qu'elle a retenus ne reflète pas la réalité de son activité ; le dépouillement des SMS pour les périodes courant du 12 décembre 2013 au 13 janvier 2014 puis du 17 février au 17 mars 2014 permet d'établir un nombre moyen de clients mensuels de 1 465,5 auquel il convient d'appliquer, pour chacun des salons de massage concerné, le pourcentage de chiffre d'affaires qu'il représente au regard de l'activité de l'ensemble des salons de massage, soit 10,26 clients pour la société Spa Oxygène, 9,91 clients pour la société Nazamym et 10,70 clients pour la société Nym ; ces chiffres sont conformes à ceux déclarés par les masseuses ; la méthode qu'elle propose permet de déterminer les bases d'imposition avec une meilleure précision que celle suivie par l'administration ; les chiffres d'affaires déclarés par les trois sociétés sont conformes à la réalité et démontrent qu'elle n'a pas perçu de revenus distribués en raison de prétendues omissions de recettes ;

- elle ne peut être regardée comme le seul maître de l'affaire dès lors que M. B... est le gérant de droit des sociétés Spa Oxygène, Nym et Nazanym dont il détient 50 % du capital et qu'il dispose de la signature sur les comptes bancaires de ces sociétés ;

- l'administration ne démontre pas le caractère fictif du montant des salaires versés aux masseuses, ce qui prive de tout fondement la taxation au titre de revenus distribués correspondant à ces salaires ; c'est à tort que l'administration a estimé que le remboursement en espèces des avances journalières perçues en espèces correspondait à un remboursement du salaire lui-même ;

- le tribunal ayant estimé que la somme de 6 707 euros avait été débité au compte courant relatif à sa rémunération, elle aurait dû être taxée dans la catégorie des traitements et salaires ;

- l'administration ne peut lui appliquer des pénalités pour mauvaise foi à défaut d'avoir établi son absence de bonne foi.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 mars et 25 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me D..., avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... relève appel du jugement n° 1605473/3 du 5 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Melun, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales qui lui ont été assignés au titre des années 2012 et 2013 à raison de revenus considérés comme distribués par les sociétés Spa Oxygène, Nazamym et Mym.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction ".

3. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

4. Il résulte de l'instruction que le président de la troisième chambre du Tribunal administratif de Melun a, par une ordonnance du 26 octobre 2017, fixé la clôture de l'instruction au 10 novembre 2017. Par un mémoire, enregistré le 14 décembre 2017, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, que le tribunal a visé et analysé, le ministre de l'action et des comptes publics a informé le tribunal des motifs sur lesquels le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne s'était fondé pour prononcer, le 13 décembre 2017, un dégrèvement partiel de 309 537 euros correspondant à la réduction du montant des revenus distribués, la décision de dégrèvement étant annexée audit mémoire. Il est constant que pour constater qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence de ce dégrèvement sur la demande de Mme B..., le tribunal s'est fondé sur ce mémoire et sur la décision de dégrèvement qui y était jointe, lesquels n'avaient pas été communiqués à la requérante. Dans ces circonstances, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres motifs d'irrégularité invoqués, Mme B... est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité de nature à entraîner son annulation.

5. Il y a lieu pour la Cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal.

Sur l'étendue du litige :

6. Par deux décisions des 3 avril et 13 décembre 2017, postérieures à l'introduction de la demande de Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun et jointes au dossier, le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a prononcé le dégrèvement des cotisations supplémentaires d'impôt sur revenu et des contributions sociales auxquelles Mme B... a été assujettie au titre des années 2012 et 2013, à concurrence respectivement de la somme de

40 059 euros correspondant à la majoration de 25 % appliquée à l'assiette des contributions sociales et de la somme de 309 537 euros correspondant à la réduction des revenus distribués tenant compte de ce que les sommes versées aux salariées des Sarl Spa Oxygène, Mym et Nazamym en rémunération des prestations à caractère sexuel étaient conservées en totalité par celles-ci. Les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. S'agissant de revenus distribués, cette motivation peut résulter, soit de la reproduction de la teneur de la proposition de rectification adressée à la société distributrice, soit de la jonction de cette proposition de rectification en annexe du document adressé au bénéficiaire des distributions, dès lors du moins que le document concernant la société est lui-même suffisamment motivé.

8. Il résulte de l'instruction que les propositions de rectifications des 2 avril 2015, 20 et

29 mai 2015 adressées personnellement à Mme B... pour tirer les conséquences, à son égard, des vérifications de comptabilités des Sarl Spa Oxygène, Mym et Nazamym, précisent les impositions rectifiées, les années d'imposition concernées ainsi que les motifs des différents chefs de rectification. Ces propositions mentionnent, après avoir rappelé que Mme B... avait la qualité de maître de l'affaire et de gérant de fait et avait été identifiée comme le bénéficiaire des revenus distribués par ces trois sociétés, d'une part, le montant des impositions au titre des revenus de capitaux mobiliers auxquels Mme B... serait assujettie à la suite des vérifications de comptabilité de ces sociétés et, d'autre part, les motifs de ces rectifications en se référant expressément aux propositions de rectifications adressées aux sociétés, lesquelles étaient annexées aux propositions de rectifications notifiées à Mme B.... Dans ces documents, l'administration énonçait les motifs pour lesquels elle entendait écarter les comptabilités présentées par les trois sociétés comme n'étant ni probantes ni sincères. Mme B... ne conteste d'ailleurs pas que les propositions de rectifications adressées à ces sociétés étaient suffisamment motivées sur ce point. Enfin, les propositions de rectifications adressées à la requérante indiquaient les montants des impositions et pénalités mises à sa charge. Il suit de là que l'intéressée était informée des motifs de droit et de fait fondant les rectifications de manière suffisante pour lui permettre de présenter utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par courriers des 19 mai 2015 et 9 septembre 2015.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

10. L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé. Cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux. Par suite, dans le cas où l'administration, dans l'exercice de son droit de communication, a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l'intégralité de ces copies à la disposition du contribuable. Cependant, l'obligation du secret professionnel prévu à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, peut faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet. Dès lors, des rectifications fondées sur des documents dont les copies détenues par les services fiscaux n'ont été communiquées au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un tel secret peuvent être régulièrement établies. Dans l'hypothèse où l'administration fiscale estime que certains documents ou certaines copies de documents qui se trouvent en sa possession et qu'elle a utilisés pour fonder les rectifications ne peuvent être communiqués au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un secret protégé par la loi, il lui appartient, dans tous les cas, d'apporter des éléments d'information appropriés sur la nature des passages occultés et les raisons de leur occultation.

11. Il résulte de l'instruction qu'en réponse aux demandes de Mme B..., l'administration lui a communiqué, par trois courriers des 29 juillet, 7 et 9 septembre 2015, l'intégralité des documents et renseignements qu'elle avait obtenus auprès de l'autorité judiciaire. L'administration doit être regardée comme apportant des éléments d'information appropriés sur la nature des passages occultés et les raisons de leur occultation, en relevant que certains éléments ne concernant pas les Sarl Spa Oxygène, Mym et Nazamym avaient été occultés conformément à l'autorisation du Procureur de la République auprès du parquet du Tribunal de grande instance de Paris du

29 janvier 2015, afin d'assurer le respect de la vie privée de tiers. Par suite, et alors qu'il résulte de l'instruction que les occultations pratiquées par l'administration étaient limitées et ne rendaient pas les documents transmis à la contribuable, et notamment les procès-verbaux d'audition de ses salariées, inexploitables, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

12. En troisième lieu, les moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux sont inopérants au regard des impositions personnelles mises à la charge de l'un de ses associés. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance du débat oral et contradictoire, des droits de la défense et de l'obligation de communiquer l'intégralité des procès-verbaux dans le cadre des vérifications de comptabilités des Sarl Spa Oxygène, Mym et Nazamym ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet des comptabilités des Sarl Spa Oxygène, Mym et Nazamym :

13. Il résulte de l'instruction que les Sarl Spa Oxygène, Mym et Nazamym ont, lors des opérations de contrôle, présenté au vérificateur des photocopies de fiches mensuelles de recettes faisant apparaître, pour chaque jour ouvré, le montant global des recettes ventilées en recettes " espèces ", " cartes bleues " et " chèques ", sans justifier du détail des prestations journalières facturées, ni produire de justificatifs de leur facturation. Le service a, par ailleurs, relevé que ces sociétés avaient comptabilisé en charges déductibles de leurs résultats, des salaires dont le paiement par chèque avait été annulé de façon extra-comptable par leur remboursement en espèces auprès du gérant de fait de la société, que des recettes n'avaient pas été comptabilisées et que des flux financiers réalisés en espèces n'étaient pas retracés. Eu égard à leur gravité, ces anomalies autorisaient l'administration à regarder la comptabilité de ces sociétés comme entachées de graves irrégularités et à les écarter pour ce motif. Si Mme B... fait valoir que la police judiciaire a saisi des fiches journalières de recettes tenues par la réceptionniste des salons de massage ainsi que des cahiers de comptabilité mentionnant le détail des recettes pour chaque prestation réalisée par salariée et par jour, qui ne lui ont pas été restitués, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'administration sur le caractère non probant de la comptabilité présentée par les sociétés. La requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le service ne pouvait procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires des trois sociétés.

En ce qui concerne la méthode de reconstitution du nombre moyen de clients :

14. Mme B..., qui soutient que la méthode suivie par l'administration pour déterminer le nombre moyen de clients par jour n'est pas pertinente, fait valoir que ce nombre moyen doit être fixé à 10,26 pour le salon de massage " Soleil Levant " exploité par la Sarl Spa Oxygène, à

10,70 pour le salon de massage " Roses de Chine " géré par la Sarl Mym et à 9,91 pour le salon de massage " Fleurs d'Asie " exploité par la Sarl Nazamym.

15. Pour reconstituer les résultats et le chiffre d'affaires des Sarl Spa Oxygène, Mym et Nazamym, l'administration fiscale s'est fondée sur les pièces de la procédure judiciaire contre X ouverte par le Tribunal de grande instance de Paris pour proxénétisme aggravé et blanchiment, qu'elle a consultées le 11 février 2015 dans l'exercice de son droit de communication et, notamment, sur les procès-verbaux d'auditions de Mme B..., gérant de fait de ces sociétés, et des salariés, établis par la police judiciaire. D'une part, l'administration a ainsi retenu un nombre moyen de 15 clients par jour fréquentant le salon de massage " Soleil Levant ", corroboré par le témoignage de la réceptionniste de ce salon de massage selon laquelle l'établissement recevait entre 3 et 20 clients par jour. D'autre part, elle a retenu un nombre moyen de 16 clients par jour fréquentant le salon de massage " Roses de Chine ", confirmé par les déclarations claires et précises de la réceptionniste et de la responsable dudit salon de massage selon lesquelles l'établissement recevait entre 4 à 6 et 20 à 25 clients par jour. Enfin, elle a retenu un nombre moyen de 17 clients journaliers pour le salon de massage " Fleurs d'Asie ", corroboré par le témoignage de la responsable du salon de massage. Le nombre moyen de clients par jour ainsi déterminé ressort également des constatations effectuées par les contrôleurs de l'Urssaf dans le rapport qu'ils ont dressé à la suite des contrôles réalisé dans les locaux le 24 mars 2014 ainsi que des mentions du rapport de surveillance policière du salon de massage exploité sous l'enseigne " Fleurs d'Asie ". Contrairement à ce que soutient Mme B..., les cahiers sur lesquels ont été reportées les feuilles de recettes quotidiennes et qui ont été saisis par l'autorité judiciaire et placés sous scellés n'ont pas été consultés par l'administration fiscale et ne lui ont pas été présentés. Par ailleurs, les " sms " que les responsables de plusieurs salons de massages ont adressés, sur de courtes périodes, à Mme B... et qui ont été dépouillés par les enquêteurs, ne permettent pas d'établir, en raison de leur imprécision et de ce qu'ils portent sur une courte période, de décembre 2013 à mars 2014 soit au cours de l'hiver, que l'évaluation par l'administration du nombre moyen de clients fréquentant quotidiennement les établissements exploités par les trois sociétés serait exagérée. L'administration pouvait, dans ces conditions, se fonder sur les témoignages des réceptionnistes dès lors que la gestion des rendez-vous et le versement des commissions en fin de journée, qui leur incombait, leur donnait une vision précise de l'activité des salons de massage. A cet égard, la circonstance que la réceptionniste du salon de massage " Soleil levant " n'était pas présente lors des opérations de contrôle n'est pas suffisante pour établir la réalité de l'argumentation de Mme B... dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les conditions d'exploitation du salon de massage auraient évolué. Il suit de là que le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les revenus distribués :

16. En premier lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ".

17. Pour retenir que Mme B... avait la qualité de maître de l'affaire et avait à, ce titre, appréhendé les distributions effectuées par les Sarl Spa Oxygène, Mym et Nazamym, l'administration fiscale a constaté qu'au titre des années en litige, Mme B..., reconnue gérant de fait des trois sociétés dans le cadre de la procédure judiciaire jouait un rôle prépondérant dans la gestion de ces sociétés de laquelle son fils, qui en était le gérant de droit, était désinvesti. Ainsi, Mme B... recrutait les salariées qu'elle rémunérait selon les modalités qu'elle avait préalablement fixées, déterminait leurs conditions de travail, suivait la comptabilité, donnait des consignes aux réceptionnistes sur la comptabilisation des recettes et assurait le suivi publicitaire des salons de massage. Par ailleurs, elle disposait de la signature bancaire et percevait la rémunération la plus élevée. En se bornant à se prévaloir de ce que son fils, M. B... était gérant de droit des trois sociétés dont il détenait 50 % du capital et disposait de la signature sur les comptes bancaires de ces sociétés, Mme B... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause ces constatations, de nature à établir qu'elle était le seul maître de l'affaire. En cette qualité, Mme B... doit être regardée comme étant le bénéficiaire des revenus réputés distribués par les Sarl Spa Oxygène, Nym et Nazanym.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) ; / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que des distributions occultes ont été appréhendées par la personne qui est, dans la société dont des revenus ont été regardés comme distribués, le maître de l'affaire.

19. D'une part, contrairement à ce que soutient Mme B..., pour réintégrer dans les résultats imposables des Sarl Spa Oxygène, Mym et Nazamym les charges correspondant aux salaires versés aux masseuses, l'administration a constaté, ainsi que cela ressort des auditions des salariées par les enquêteurs, que le chèque remis en fin de mois à chaque masseuse, pour paiement de son salaire, et dont le montant était porté en comptabilité au titre de charges déductibles du résultat de l'exercice, était ensuite intégralement remboursé en espèces à Mme B..., gérant de fait et maître de l'affaire, à sa demande. Mme B... n'apporte aucun élément de nature à établir que les remboursements ainsi opérés portaient sur les vacances journalières consenties aux masseuses. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé ces sommes entre ses mains en application des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts.

20. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité de la Sarl Spa Oxygène, l'administration a constaté qu'au 31 décembre 2013, le compte 4210013, destiné à comptabiliser les rémunérations dues à Mme B..., était soldé par l'inscription au crédit de ce compte d'un somme de 6 707,68 euros, débitée du compte 455-Associé. Cette écriture, qui revenait à affecter directement la somme de 6 707, 68 euros au compte détenu par Mme B... en qualité de salariée, sans justification et par débit du compte 455-Associés alors que Mme B... n'avait pas la qualité d'associée, présentait le caractère d'un avantage occulte consenti par la Sarl Spa Oxygène à son bénéfice. Mme B... n'apporte aucun élément de nature à justifier que cette somme devait être imposée dans la catégorie des traitements et salaires. Il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé cette somme entre ses mains sur le fondement des dispositions précitées du c. de l'article 111 du code général des impôts

Sur les pénalités :

21. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

22. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré appliquées à la requérante, l'administration s'est fondée, d'une part, sur l'importance des sommes dissimulées au sein des Sarl Spa Oxygène, Mym et Nazamym et appréhendées par Mme B... en sa qualité de gérant de fait, d'autre part, sur le rôle prépondérant que Mme B... a joué dans ces sociétés, l'intéressée, en sa qualité de gérant de fait et de maître de l'affaire ne pouvait ignorer les motifs des rectifications et, enfin, sur le caractère répété des manquements relevés et des omissions constatées de nature à démontrer la volonté de Mme B... de se soustraire délibérément au paiement de l'impôt. Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'établirait pas le bien-fondé de la pénalité de 40 % qui lui a été appliquée sur le fondement des dispositions sus-rappelées de l'article 1729 du code général des impôts.

23. Il résulte de ce qui tout ce qui précède, qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance devant ce tribunal et de rejeter le surplus de cette demande ainsi que de ses conclusions présentées en appel, ensemble, dans les circonstances de l'espèce, celles tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1605473/3 du 5 novembre 2020 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun à concurrence des sommes de 40 059 euros et 309 537 euros dégrevées en cours d'instance devant ce tribunal.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun ainsi que de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2021.

Le rapporteur,

S. E...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03719


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre
Date de la décision : 23/06/2021
Date de l'import : 29/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20PA03719
Numéro NOR : CETATEXT000043698804 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-23;20pa03719 ?
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